mardi 10 octobre 2023

Congédiement de Michaux

 

« Sire, comme j'ai eu l'honneur de l'expliquer dans mon ouvrage Connaissance par les gouffres, votre Majesté signe dans ce moment la gloire de la nation et le salut de l'Europe. » L'empereur congédia Michaux d'un signe de tête.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

lundi 9 octobre 2023

Moments de la légende

 

Robinson Crusoé découvrant, incrédule, des empreintes de pas ; Ulysse bandant son grand arc ; Hamlet brandissant le crâne du bouffon Yorick ; Jean-Paul Sartre vendant La Cause du peuple sur les Grands Boulevards : ce sont là des moments cruciaux de la légende, et chacun restera gravé à jamais dans les mémoires.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Pensées de Pascal, by Rémi Tripatala

 

“Achingly beautiful! Coruscating! Wickedly funny! Tripatala's Pensées de Pascal holds the reader's attention in an iron grip. It will appeal to the serious scholar and general reader alike. A stunning debut!”
 
(The Montcuq Review of Books)

Temporalité du temps

 

On aimerait que le temps suspende son vol et que les heures propices nous laissent savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours, mais va te faire fiche. Sur l'océan des âges, impossible de jeter l'ancre tellement il y a de courant. Nous ne sommes pas — mais pas du tout — content. Signé : Bigeard.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Bataille, Blanchot et l'existentialisme (suite)

 

Georges Bataille : Sur le devant, on a planté trois plumes de paon.
Maurice Blanchot : Voyez-vous ça.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

dimanche 8 octobre 2023

Art de déplaire

 

On ne peut pas plaire à tout le monde, c'est une évidence, mais ne plaire à personne est très facile. Il suffit de dire que « rien n'est ». Les gens se sentent, on ne sait pourquoi, piqués au vif. Ils prennent la chose personnellement, les hurluberlus !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Métaphore de café

 

Le poëte Mallarmé a inventé de dire que la mort est un peu profond ruisseau, calomnié qui plus est. On veut bien tout, on n'est pas contre la licence poétique, mais cette histoire de peu profond ruisseau, tout de même... Une tête de chien couché, on pourrait encore l'admettre, mais un ruisseau ???
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Destin brisé

 

Le gars Radiguet Raymond est mort après s'être baigné dans la Seine. À ce qu'on dit, il est mort d'une fièvre typhoïde mal diagnostiquée par le médecin de Coqueteau. Il avait vingt ans. Il a écrit deux livres dont l'un paraît-il est un peu leste.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un affreux jojo

 

Le nihilique ne s'en vante pas — car il craint beaucoup le qu'en-dira-t-on —, mais il adore les énergies fossiles. Il trouve que ça sonne bien déjà et d'une.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

samedi 7 octobre 2023

Résidus mnémoniques

 

Les Chants de Maldoror sont un fatras de mots, un margouillis exophtalmique d'où ne surnagent qu'un acarus sarcopte, un rhinocéros (celui de la rue de Castiglione) et un « vieil océan ». Lautréamont n'a pas fait très fort, mais quand même plus fort que Rimbaud, de l'œuvre duquel ne surnage qu'un seul mot : gruère.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Un rêve familier

 

Le nihilique fait souvent ce rêve étrange et pénétrant qu'il est « décédé ». C'est comme qui dirait un « rêve prémonitoire ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Ce que c'est que d'être con

 

Chacun a dans son entourage des gens qui ne se suicident pas. En général, s'ils s'en abstiennent, c'est parce qu'ils se jugent « tellement intéressants ». Mais le plus drôle est qu'ils ne le sont pas du tout !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Aux pommes

 

Si l'homme pouvait prendre conscience qu'il est mortel, il ferait moins de bêtises. Il y a fort à parier qu'il resterait allongé et gémirait, conformément aux préconisations du Grandiloque des Carpates. Le mal disparaîtrait de la surface du monde. Ce serait comme les tableaux d'Eugène Boudin, ce serait « aux pommes ».
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

vendredi 6 octobre 2023

Un drôle de pistolet

 

Le chef d'orchestre Sergiu Celibidache, influencé par les principes du bouddhisme zen, contestait que les mots fussent capables de rendre la réalité. Il avait par ailleurs une sainte horreur de la musique enregistrée qu'il appelait une « crêpe sonore », une « photographie jaunie de la réalité », ou une « copie de sa propre tombe ». Il comparait l'écoute d'un concert enregistré à une nuit d'amour passée avec une photographie de Brigitte Bardot. Comble d'excentricité, il était passionné de mécanique ondulatoire.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Bataille, Blanchot et l'existentialisme

 

Maurice Blanchot : Georges, est-ce que tu as remarqué que l'attente commence quand il n'y a plus rien à attendre, pas même la fin de l'attente ? L'attente ignore et détruit ce qu'elle attend. L'attente n'attend rien.
Georges Bataille : Tu ne parlerais pas ainsi si tu avais vu le nouveau chapeau de...
Maurice Blanchot : De Zozo ?
Georges Bataille : Oui.
Maurice Blanchot : C'est exact, je ne l'ai pas vu.
Georges Bataille : Pour être original, il l'est, ça je te le jure.
Maurice Blanchot : Pas la peine de jurer, je te crois. 
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Pensées de Pascal, by Rémi Tripatala

 

Pensées de Pascal is a groundbreaking achievement, impeccably researched and brilliantly argued. Rémi Tripatala's work is accessible but also comprehensive, really turning the topic on its head and taking an unflinching look at the concept of monstre bipède. This is an ambitious and timely piece that absolutely cannot be ignored.”
 
(The Paris Review)

Une idée à la mords-moi-le-chose

 

Paul Valéry était partisan d'une mystique sans Dieu. Mais pour une raison ou pour une autre, ça n'a pas été possible.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

jeudi 5 octobre 2023

Sans regret

 

Même si, marchant sur les traces d'un Ignace Paderewski, on avait pu être pianiste de concert et Premier ministre de la Pologne, il est probable que ça n'aurait fait qu'aggraver notre misanthropie. Les concerts... La Pologne... On sait ce que c'est... C'est monstre bipède et compagnie.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Bada

 

Parce qu'il pense que « rien n'est » — et sans doute aussi parce qu'il a une tête de coupable —, le nihilique est tenu pour responsable de tout ce qui ne va pas dans la « réalité empirique ». Les punaises de lit, c'est lui ! Les tulipes de Jeff Koons, c'est lui ! On lui fait porter le bada ! Cela, non seulement le rend mélancolique, mais lui fait penser à Ramón Bada, ce criminel qui, aidé de son complice Alonzo Perez, tente de s'emparer du fétiche des Arumbayas pour subtiliser le diamant qu'il contient.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Pensées de Pascal, by Rémi Tripatala

 

“A rollicking good time! Rémi Tripatala is known for his razor-sharp wit, and Pensées de Pascal is no exception. Hilarious and thought-provoking, this book had me laughing out loud from beginning to end. An absolute delight, compulsively readable. I can't wait to see what Rémi Tripatala does next.”
 
(The Alaska Quarterly Review)

Timeo danaos

 

La philosophie (Socrate, Aristote) et les mathématiques (Euclide, Pythagore) l'ont plongé dans une telle angoisse que le nihilique est désormais comme Laocoon : il craint les Grecs et leurs présents (il y a aussi Demis Roussos et la moussaka).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mercredi 4 octobre 2023

Bouc-émissarisation des littérateurs

 

Tout ce qu'on est ou presque vient des livres. Alors comme on n'aime pas ce qu'on est, on blâme les livres et ceux qui les ont écrits — notamment le poëte Christian Bobin et la romancière Marguerite Urcelar, bien qu'on n'ait jamais rien lu d'eux.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Fin tragique

 

La tradition veut que, comme Pierre Bérégovoy, Euripide ait péri déchiré par des chiens. Et l'on ne peut que s'exclamer : « Affreuse destinée, que ne méritait pas un si grand génie ! » — dans le cas d'Euripide, surtout.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Corps propre

 

Quand plus rien ne vous fait rire, même les philosophes, c'est que les choses vont mal, très mal. C'est qu'on est proche de la proverbiale « fin des haricots ». Mais tant qu'on peut se boyauter à lire du Merleau-Ponty, du Jankélévitch ou de l'André Comte-Sponville, il reste de l'espoir. On n'a pas encore touché le fond.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Timidité du nihilique

 

La vie, c'est le château de Kafka en plus rococo. À moins que ce ne soit un immeuble haussmannien ? Quoi qu'il en soit, le nihilique se tenait devant le portail d'entrée et se disait que sa situation était semblable à celle de l'ancien Premier ministre du Japon. Lui aussi, après tout, n'avait qu'à sonner. Mais il n'osait pas.
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

mardi 3 octobre 2023

L'affreux Coqueteau


Le roi du bluff, l'escroc en chef, c'est le « saltimbanque Cocteau ». Il est sans discussion possible l'un des personnages les plus haïssables du vingtième siècle, toutes catégories confondues. Rien que de penser à lui, on a les dents qui grincent. Qu'a-t-on fait au bon Dieu pour avoir à subir de pareils lavements ? 
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Trompeuses bosses

 

Être reconnu (par soi-même) comme un expert mondial en physiognomonie de Lavater et en phrénologie de Gall, tout ça pour finir par épouser une odieuse bourrelle... il faut le faire ! On lui avait pourtant tâté les bosses du crâne, à cette bourrelle ! Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

En peau de lapin

 

Personne— pas même Schopenhauer lui-même, probablement — n'a lu Le Monde comme volonté et comme représentation en entier. Il y a trop de mots, c'est écrit trop petit et — il faut dire la vérité — c'est un peu rasoir. Par contre, il y a plein de gens qui font « jore » qu'ils l'ont lu. Ça fait bien, il faut croire. Et pour jouer les héros tragiques, ça coûte moins cher que de se suicider. — N'est-ce pas ?
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)

Délire de persécution

 

Le nihilique a la conviction bien ancrée que tout le monde lui en veut. Où qu'il porte le regard, il ne voit que des ennemis. La réalité empirique et l'autrui lévinassien ne lui laissent aucun repos. Peut-être est-il paranoïaque ? Quand bien même, il ne serait pas le premier. Ainsi, vers 1615, le sentiment d'être persécuté saisit et même pourrait-on dire agrippa le poëte d'Aubigné (il n'est que de lire Les Tragiques pour s'en rendre compte).
 
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)