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jeudi 11 octobre 2018

Simplicité


Le suicidé philosophique répugne aux grands éclats et aux fumées pythiques du langage. Il préfère la prose simple et directe d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe aux envolées pompeuses d'un Hugo ou d'un Leconte de Lisle.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

mercredi 10 octobre 2018

Contre Aristote


En se faisant « sauter le caisson » à l'aide de son colt Frontier, le suicidé philosophique prend part à cette première violation du dogme aristotélicien qu'est l'introduction des excentriques et des épicycles, avant que le système du monde des Anciens ne trouve sa forme définitive dans le système ptoléméen.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Réfutation


En se donnant la mort, le suicidé philosophique ne rejette pas seulement la doctrine de McIntyre selon laquelle l'expérience vive n'est rien autre chose qu'un récit vécu, mais il refuse également d'adopter la thèse de Ricœur selon laquelle l'identité de soi-même — l'ipséité — est « un mixte instable entre fabulation et expérience vive ». Jamais, en effet, les différences structurales qui séparent une histoire racontée de l'expérience vive ne deviennent si manifestes, si marquées et si accentuées que dans l'homicide de soi-même.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

À dérembourser


« Quand il s'agit de lutter contre la pensée de se détruire, on peut regarder comme inutiles et très souvent dangereux une foule de médicaments conseillés par les auteurs, dont les principaux sont : l'arnica, la cannelle, la serpentaire de Virginie, le simarouba, la racine de Colombo, la cascarille, le cachou, le ratanhia, le camphre, l'ammoniaque, l'élixir de Minsicht, etc, etc. On peut croire cependant que le ratanhia pourrait dans quelques cas combattre avantageusement l'hémorragie de la membrane muqueuse et la diarrhée. » (Louis-Charles Roche, Nouveaux éléments de pathologie médico-chirurgicale, J.-B. Baillière, Paris, 1833)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

mardi 9 octobre 2018

Traitement de choc


« Clarus parle d'un homme dans la pachyméninge duquel, tous les deux ou trois mois, la pensée de se détruire se mettait à enfler puis à souffler en bourrasque. Le malade, pour échapper au désir obsédant de s'anéantir, se renfermait dans sa chambre, où personne n'entrait qu'une vieille gouvernante ; il se mettait au lit, faisait mettre auprès de lui quelques douzaines de bouteilles de vin rouge, et buvait jour et nuit jusqu'à ce que tout fût vide. L'accès se terminait par des vomissements répétés. » (Louis de La Berge, Édouard Monneret, Louis Fleury, Compendium de médecine pratique, Tome III, Bruxelles, Société encyclographique des sciences médicales, 1844)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Férocité inouïe de l'ami de la sagesse


« Les philosophes, lorsqu'ils ne peuvent plus supporter l'oisiveté et l'ennui de leur existence, se donnent le barbare plaisir de poursuivre un phénomène, de le réduire aux abois, de le faire passer par tous les degrés de la terreur et du désespoir, pour le faire enfin déchirer par des meutes de concepts, lorsqu'il ne peut plus ni se remuer ni se défendre, et qu'il n'a plus que des larmes et des palpitations douloureuses à opposer. » (Ligaturo Mazop der Saj, Le vice suprême, J.-B. Baillière, Paris, 1894)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Oxygène


Morozzo, ayant mis plusieurs philosophes sous une cloche de verre qui plongeait dans l'eau, et qui fut remplie d'air atmosphérique, puis d'oxygène, remarqua que ces « amis de la sagesse » vivaient moins longtemps dans l'air ordinaire que dans l'air vital, parce qu'ils en épuisaient plus tôt, en produisant leurs concepts, la partie respirable !

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Honnêteté intellectuelle


Plutôt que de bâtir un système, et de donner, comme l'ont fait souvent Follard, Guischardt et Maiseroy à propos de poliorcétique, ses conjectures pour des preuves, le suicidé philosophique préfère avouer franchement son ignorance sur les choses qu'il ne peut comprendre — la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, l'haeccéité — et en tirer les conséquences dernières en se se mettant un nœud coulant autour du cou avec une ficelle qu'il a attachée au portique d'entrée du potager.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Idéalisme rayonnant


« Les idéalistes allemands sont des philosophes mous, gélatineux, urticants, de forme rayonnée, n'ayant jamais de cavité viscérale ni de vaisseaux, mais de simples canaux pour la circulation des concepts, qui partent d'une cavité centrale — la "pachyméninge" — pour rayonner vers la circonférence. » (Georges Louis Duvernoy, Leçons sur l'histoire naturelle des corps organisés, Crochard, Paris, 1839)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

dimanche 7 octobre 2018

Décolorimétrie


Certaines recherches ont montré que l'ampélite graphique de Valeville (près de Cherbourg) et le schiste bitumineux de Monte-Viale (aux environs de Vicence) n'agissent pas sur la matière colorante du sucre brut. Ceci distingue ces minéraux de l'idée du Rien qui, elle, a le pouvoir de décolorer toute chose et laisse le « fétide et rébarbatif réel » complètement livide.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Repullulation du Moi


« On appelle Moi une excroissance du Dasein, dont le caractère le plus marqué est de repulluler avec une grande activité quand on ne l'a détruite qu'en partie. Cette sorte de fongus est particulièrement commune chez les personnes qui s'occupent de philosophie. » (Louis Charles Roche, Éléments de pathologie médico-chirurgicale, J.-B. Baillière, Paris, 1828)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Viandes


Dans son Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, Bossuet définit la bouche « l'ouverture par où entrent les viandes, et par où sortent les paroles ». Quant à la langue, il note que « c'est par elle qu'on goûte les viandes ». Pourquoi cette singulière obsession des viandes ? Est-ce une façon de se distinguer de son concurrent Fléchier au style plus coulant, plus arrondi, et pour tout dire plus végétarien ?

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Ressemblance trompeuse


Bonnani affirme — mais peut-on croire tout ce qu'il dit ? — que la réalité empirique ressemble à des viscères de poissons. C'est cette ressemblance, dit-il encore, qui l'a fait prendre par beaucoup de personnes pour des intestins de poissons qui auraient été durcis par quelque matière pétrifiante.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Apparition fatale


L'idée du Rien paraît, et voici que tout s'effondre, les états de conscience disparaissent et la « réalité empirique » s'anéantit dans une rémoulade qui ressemble à l'« être logique » des idéalistes allemands. Le sujet pensant en vient à nier le noumène, et sombre bientôt dans le solipsisme de Fichte dont aucune puissance ne pourra plus le tirer.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Requinquant


Sylvius et plusieurs autres observateurs ont remarqué que les bœufs qui, pendant l'hiver, sont affectés de concrétions biliaires, se guérissent au printemps en mangeant les feuilles et les tiges de chiendent dans les pâturages. De même, il n'est pas rare que des individus qui, pendant l'hiver, sont subjugués par la pensée de se détruire, se guérissent au printemps en mangeant des pâtés lorrains 1 ou du clafoutis.

1. Les pâtés lorrains renferment, dans une enveloppe de pâte feuilletée croustillante à souhait, une farce à base de porc mariné.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

samedi 6 octobre 2018

Anatomie de l'ami de la sagesse


« À l'intérieur des philosophes, est placé un viscère si semblable au cerveau que les anatomistes n'ont pas hésité à lui en donner le nom. Quant à la croûte d'une substance membraneuse qui couvre la tête des "amis de la sagesse", on ne peut, semble-t-il, lui refuser le nom de crâne. Chez certains philosophes, ce "crâne" est terminé par un filet plus ou moins long, comme dans les ichneumons, ou par un prolongement aplati, droit ou courbe, en forme de coutelas, comme dans les sauterelles. C'est un instrument tranchant et perforatif qui leur sert à la fois à disséquer la réalité empirique et à s'insinuer dans les esprits afin d'y déposer leurs concepts. » (Philippe Guéneau de Montbeillard, Encyclopédie méthodique. Histoire naturelle, Panckoucke, Paris, 1787)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Noyade


L'âme n'étant, selon Héraclite, qu'un feu, il en concluait que le comble du malheur était de se noyer, parce qu'alors l'âme s'éteignant dans l'eau, l'on mourait tout entier. D'où la préférence qu'ont de tout temps montré les suicidés du genre pusillanime pour la pendaison et la vénisection : mourir, oui, mais tout entier !

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Euphémisme


« L'haeccéité, chère Agnès, est une étrange chose. » (Molière, L'École des femmes)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Frénésie philosophique


« Les philosophes ne sont pas plutôt nés qu'ils cherchent à produire des concepts. Ils se traînent d'abord sur le morceau de réalité empirique qui les entoure, et ensuite ils s'enfoncent dedans, au moins en partie. À mesure qu'ils en ont détaché une petite portion, ils l'avalent ; ils travaillent sur les "phénomènes" comme la chenille de l'hépiale du houblon fait sur la substance charnue des feuilles des plantes. Si on suit pendant quelques jours ceux qu'on aura mis sur un morceau de réalité empirique, on verra ce dernier devenir criblé de toutes parts, les philosophes n'en auront épargné que les fibres les plus tendineuses, ils en auront fait une espèce d'éponge. » (Charles François Bailly de Merlieux, De la philosophie et des philosophes, Imprimerie Royale, Paris, 1738)

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)