dimanche 10 avril 2022

I can't get no

 

Comme le chanteur Michael Jagger mais pour d'autres raisons, l'homme du nihil est un être condamné à l'insatisfaction.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Épouvantement

 

La terreur que l'on ressent en découvrant que la femme est un vampire ne peut se comparer qu'à celle que l'on éprouvait, enfant, en entendant la musique du générique des Dossiers de l'écran.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

À méditer

 

Ce terrible proverbe : « Pendant que le sage se gratte le prose, le fou aussi se gratte le prose... »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Définition

 

Rien ne définit mieux l'homme du nihil que cette formule : « un étant réfractaire à l'Être ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Confession

 

Je n'ai jamais prononcé ou écrit le mot cyclomoteur sans ressentir une sorte de volupté.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Mais la vie continue

 

« C'était en bas des falaises de Varengeville. Devant cet étalage de roc, je ressentis jusqu'à l'épouvante l'horreur d'avoir un Moi. Mais comme il n'y avait pas moyen d'y couper — sinon par l'homicide de soi-même —, je fis contre mauvaise fortune bon cœur, mangeai quelques petits gâteaux et cessai bientôt d'y penser. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Viscères

 

Le corps, la chair, les organes sont des réalités suffisamment atroces. Mais il faut encore subir ces mots hideux : corps, chair, organes — et les adjectifs afférents, tout aussi hideux — par exemple charnel. Non, vraiment, ça commence à bien faire ! On a compris !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 9 avril 2022

Omniprésence de l'autrui lévinassien

 

Si l'homme du nihil exècre tant l'autrui du philosophe Levinas, c'est parce que ce fâcheux l'oblige à jouer un rôle, à feindre de s'intéresser à des choses qui ne lui importent aucunement. Il n'y a que seul qu'il peut laisser libre cours à sa morosité. Si seulement cet autrui lévinassien pouvait débarrasser le plancher... Mais comme Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, il est partout !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Brucolaque

 

Le mot brucolaque désigne, chez les Grecs modernes, le cadavre d'un excommunié, animé par le démon et qui interpelle les vivants. — Robert Férillet, écrivain brucolaque. (Léon Bloy, La Femme pauvre, 1897, p. 148)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

État de fait

 

Dans le roman Mystères de Knut Hamsun, le personnage principal, lorsqu'on lui demande qui il est, répond simplement : « Je suis un état de fait ». Cette définition convient intégralement à l'homme du nihil et épuiserait presque sa nature (s'il avait une nature à épuiser).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 8 avril 2022

What is it like to be a bat ?

 

Dans ses Questions mortelles, le philosophe américain Thomas Nagel soutient que nous ne pouvons pas nous représenter la conscience d'une chauve-souris, « l'effet que cela fait » intérieurement de percevoir le monde comme le fait cet animal. Mais il se trompe. Ce n'est peut-être pas à la portée de tout le monde, mais c'est possible. Il suffit de se mettre un bandeau sur les yeux, de se diriger dans l'obscurité en émettant des ultrasons, de se nourrir de fruits, de fleurs et de pollen, puis, les frimas venus, d'hiberner dans un endroit à humidité fixe et relativement chaud, par exemple une grotte (mais un vieux tronc d'arbre fera l'affaire). Autrement dit, d'être « nihilique en diable ». — Non, parole d'honneur !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Communion

 

L'homme du nihil est merveilleusement apte à imaginer le désespoir des singes (qu'on appelle aussi araucaria).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Picucule

 

D'aussi loin qu'il me souvienne, je n'ai jamais cru qu'aux vertus du vocable, et en particulier de celui picucule — le nom usuel du dendrocolapte —, pour dissoudre une bonne fois l'assommante « réalité empirique ». (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Intentionnalité longitudinale

 

« Trouver dans un coin un bout de fromage jeté là depuis longtemps, qu'entoure une armée d'insectes noirs... Profiter de cette rencontre pour penser à son propre cadavre et aux métamorphoses horribles auxquelles il sera soumis... Ah, quel délice ! » (Les trente-trois délices de Fernand Delaunay, Trad. de Simon Leys)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Agrume

 

Cette nuit, j'ai pensé au mot agrume (du latin médiéval acrumen désignant une substance de saveur aigre), qui exprime le sentiment de vanité, de frustration, d'inanité. Un sentiment de « néantité ». Marcel Jutique compare d'ailleurs les humains à des « agrumes désaxés » sortis de quelque cauchemardesque « champ agricole ». (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 7 avril 2022

Idée de déguisement

 

« Tu met un carton sur ta tête, comme ça sa fait jore que t'es un robot. » (Paul Claudel, Correspondance avec André Gide)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Une « idée à la con »

 

Héraclite, pourtant le plus grand génie que l'humanité ait produit, eut l'idée baroque de s'enduire de bouse de vache pour guérir de son hydropisie. D'après Néanthe de Cyzique, il resta comme momifié par la bouse qui durcit en séchant, et fut mangé par des chiens. Gragerfis écrit dans son Journal que cette fin tragique « serait presque à vous dégoûter de vous enduire de bouse de vache ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 6 avril 2022

Un placement sûr

 

Être vivant, c'est toujours se trouver dans une situation fausse. Tandis qu'être mort... il n'y a pas position plus solide. La mort est ce que les cambistes appellent une « valeur refuge » (avec elle, on est certain de ne pas « se retrouver en slip »).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Cri du cœur

 

Les dernières paroles de l'homme du nihil : « Me faire ça, à moi ?! » — À tort ou à raison, il s'est toujours pris pour quelqu'un de spécial — et il est indéniable que la mort manque parfois de tact.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 5 avril 2022

Pied de nez

 

Mourir, c'est une façon de montrer son révérence parler cul au reste de l'humanité (à tous ces affreux qui persévèrent dans l'être).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Au secours

 

Le vocable reginglette — et parfois, dans une moindre mesure, celui zingibéracé — joue pour l'homme du nihil le rôle que Simone Boué a joué pour Cioran : celui d'un instrument de sauvetage. Quand la pensée de se détruire siffle et souffle dans la mâture, on se raccroche à ce qu'on peut.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Titre alléchant


Un livre à lire : L'Art de ne pas naître, de Mosagre Vuntic, un contemporain de Théasar du Jin.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Mots interdits

 

« Si j'étais président de la République, j'interdirais sous peine de mort de proférer le mot luminaire. Quant à l'énonciation du vocable batracien, elle serait punie d'emprisonnement à perpétuité. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 4 avril 2022

Exercice d'exécration

 

Pour se sentir vivant, rien de tel que de haïr. Alors parfois, histoire de se donner un bon coup de fouet, l'homme du nihil s'oblige à penser à l'odieux Michel Serres. Celui-ci représente pour lui tout le haïssable du monde (un peu comme le Moi pour Pascal, mais en pire).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Commotion

 

« Ouvrant au hasard un dictionnaire, je tombe sur le mot vivre (au sens d'exister). Je referme aussitôt le volume et retourne me coucher. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Résolution

 

Décider fermement de vaincre l'aboulie... et puis finalement non.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Ennemi juré

 

Comme Cioran, l'homme du nihil est persécuté par Lucien Goldmann.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Lire Camus

 

Pourquoi les gens font-ils semblant de trouver l'existence tolérable ? Comment se fait-il que, malgré l'évidence de l'absurdité du « réel », ils ne se mettent pas à hurler en pleine rue, à se rouler par terre, à s'arracher les cheveux ? Ils n'ont pas lu Camus, ces salops ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 3 avril 2022

Vengeance morpholexicale

 

À l'instar de Cioran, l'homme du nihil méprise et exècre le « saltimbanque » Cocteau. Il n'a jamais pu souffrir les gens qui font des astuces. Hélas ! Il est impossible d'infliger à cet horripilant personnage le châtiment qu'il mérite puisqu'il est, comme on dit, « décédé ». Alors pour se venger quand même, l'homme du nihil orthographie son nom Coqueteau ou même Coquetier.

(Fernand Delaunay, Glomérules)