On
se sent seul, alors on invite une personne du sexe à aller voir si la
rose qui ce matin avait déclose sa robe de pourpre au soleil aurait
point perdu cette vêprée les plis de sa robe pourprée et son teint
pareil à celui de ladite personne du sexe, mais ça ne marche pas. Elle
ne veut pas y aller, en tout cas pas avec nous. Peut-être qu'on aurait
dû mettre une fraise, pour lui faire cette proposition ? Comme Ambroise
Paré ? Ç'aurait peut-être été plus persuasif ? Avec les personnes du
sexe, on ne peut jamais savoir.
La
Rochefoucauld disait la mort, mais c'est plutôt sa propre vie qu'on ne
peut regarder fixement. On chercherait tout de suite un crochet où se
pendre.
Peut-être
que pour voir « la vie en beau », il faudrait suivre l'exemple de
l'écrivain Charles Bukowski et se gratter les révérence parler couilles.
Mais on n'ose pas. On a peur du qu'en-dira-t-on. Finalement, on clamece
et il est trop tard. On est passé à côté du « bonheur », ça se trouve.
Quelqu'un
qui comprendrait ce qu'est le temps, il est probable qu'il comprendrait
aussi ce qu'est l'être, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il « saurait y faire avec les gonzesses ».
Ô
Régis Faucon ! Ô Gérard Saint-Paul ! Et toi, Ladislas de Hoyos ! Qui
avez illuminé notre enfance ! Pourquoi vous en êtes-vous allés ? Tout
doucement, sans faire de bruit, comme la vie quand elle sépare ceux qui
s'aiment ? Ou comme la mer quand elle efface sur le sable les pas des
amants désunis ? Jeunesse, belle jeunesse, reviens ! François Donati,
René Tendron, revenez !
Les
individus qui demandent un fromage « bien fait » ou « pas trop fait » n'ont
pas l'air de sentir toute la gênance qu'il y a à utiliser le vocable « fait » dans cette acception. Ce ne sont pas des « chevaliers de la foi »
au sens kierkegaardien.
Peut-être
que si on n'était pas d'un naturel dépressif, sans aller jusqu'à voir « la vie en beau », on lui trouverait du sens ? Mais non, ce n'est pas
possible. On a tout bien calculé, on a refait mille fois les calculs,
c'est sûr, elle n'a pas de sens. Oh, bon Dieu !
Quand
il est né, personne n'a dit au nihilique qu'il devrait vivre entouré
d'hyènes et de chacaux. Bien sûr, même si on le lui avait dit, il
n'aurait rien pu faire. Mais « comme même », ce sont des choses qui se
font... De prévenir... NON ???
Les
plus horripilants des « vieux jetons » sont ceux qui font « jore » qu'ils
s'accommodent d'être des « vieux jetons ». Ils ont endossé le rôle, les
salops ! Ils feront pareil avec le rôle de « clamecé » ? Le nihilique,
lui, se révolte ! À la Camus ! Non mais alors des fois !
Une
des plus belles phrases de la langue française est, dans son laconisme
véridique, celle que déclame Jacques Dutronc dans sa chanson Les Cactus :
« Aïe aïe aïe ; ouille ouille ouille ; aïe. » Toute la doctrine
nihilique y est resserrée avec une force et un bonheur d'expression
suprêmes. Oui, en vérité, la vie, ça pique et ça fait mal au fiak.
On
se sent mal parmi les gens, il est inutile de le nier. Ils ne
s'intéressent à rien de ce qui nous importe. Ça irait sans doute mieux
si l'autrui lévinassien se préoccupait du tathâta — qui, faut-il le
rappeler, désigne chez les bouddhistes la véritable nature de la réalité
à un moment donné. Devrait-on aller vivre en Inde, au Thibet, au Népal
ou au nez rouge ? Pour se sentir moins seul ?
Il
est notoire que de toute sa vie, le « négateur universel » Émile Cioran
n'a produit que de la négation (sous forme d'aphorismes,
principalement). Pourtant, comme Archimède, comme Galilée, comme
Torricelli, comme Newton, comme Papin, comme Volta, il fut un être
utile. Il a aidé de nombreuses personnes « nihiliques » à se sentir moins
seules dans ce « monde de néant ». Alors honneur ! Honneur au « négateur
universel » Émile Cioran !
C'est
avec une certaine joie malsaine qu'on regarde vieillir l'autrui
lévinassien. Mais si ça se trouve, lui aussi nous regarde vieillir ?
Avec une joie tout aussi malsaine ? Le salop ?
Le
seul cas où il est admissible de parler de soi à la première personne
est pour demander qu'on vous passe la rhubarbe ou le séné. Car quand on a
besoin de rhubarbe ou de séné, on n'a pas le temps de ratiociner sur
l'inexistence du Moi : ça urge.
Il
paraît que Jack Sprat ne mange pas de gras. Il croit peut-être que ça
va lui boucher le cul ? Tu manges tout, mon gars, et fissa ! Pense aux
petits Biafrais ! Ou encore mieux, pense aux nihiliques qui n'ont rien à
se mettre sous la dent parce que « rien n'est ». Ils seraient bien
contents d'avoir du gras !
Est-ce
qu'une personne — ne serait-ce qu'une seule personne — s'est jamais
amendée après avoir lu une maxime de Confucius ou de tout autre sage ou
moraliste ? Poser la question, comme on dit, c'est y répondre. Alors
fichez-nous la paix, les sages ! Et vous aussi, les moralistes !
Quelqu'un
qui croit au quelque chose, vous ne le convaincrez pas que rien n'est.
Les sectateurs de l'être — les « quelque-chosistes » — sont
insensibles à l'argumentation. Comme saint Thomas, ils veulent voir.
Mais le Rien n'est pas une souris verte que l'on peut attraper par la
queue et montrer à ces messieurs ! Il faut le sentir !
Si
le nihilique était de Biarritz ou même d'Anglet, il ne traînerait pas à
la Chambre d'amour. Le nom est trop cucul et gnangnan pour son goût.
L'amour ! Il vous en foutra, de l'amour, lui, tuouaouar ! De toute façon
et quoi qu'il en soit, il est de Bezons, alors la question ne se pose
pas.
Dans
ce « monde de néant », tout est également sordide, abject, ennuyeux, et
il n'existe de grandeur qu'à le crier sur les toits. Or par un « coup de
moule » extraordinaire, c'est justement ce que le nihilique passe son
temps à faire !
Après
tout, pourquoi ne pas le dire ? La « source inverse, qui éponge » dont
parle Roger Caillois à la fin de son livre, c'est... « sa Majesté la
mort » ! Mais oui ! Elle nous éponge si bien qu'elle nous restitue au
pachynil. Mais vous l'aviez peut-être deviné ?
La
position quant au langage du Lord Chandos de Hofmannstahl pourrait se
résumer par cet aphorisme à la Wittgenstein : « Puisqu'on ne peut rien
dire, il faut se taire. » Lord Chandos est un déçu du vocable. Il a
d'abord tenté de dire les choses, mais ça n'a pas marché. Alors puisque
le langage « pue du cul », puisque les mots sont insuffisants et faux, le
mieux est encore de « fermer sa boîte à fromage ».