dimanche 6 novembre 2022

Un maigre viatique

 

Pascal avait son gouffre avec lui se mouvant. Claudel avait son pilier. Mais toi, tout ce que tu as, c'est un simple souvenir, et encore, d'une vision fugace : celle d'une tête de chien couché.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un drôle de yonvipa

 

Dans ses Promenades avec Robert Walser, Carl Seelig évoque un Robert Walser peu connu, le Robert Walser « qui zaifeu des gueva » et qui, prétend-il, habitait « un très techouai yonvipa » (en fait une clinique psychiatrique, celle de Herisau dans le canton d'Appenzell).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 5 novembre 2022

Soliloque du moindre

 

« À la longue, même l'échec finit par lasser.
— Ça se pourrait bien, ma foi.
— Oh, bien sûr, il y a pis.
— Quoi ? La réussite ?
— C'est ça ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Silence, les drilles !

 

D'où vient que, quand quelqu'un se met à écrire, il se transforme aussitôt en drille ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Gros débile

 

Quand Shakespeare dit : « Ô toi, sommeil, singe de la mort », ne croirait-on pas entendre un « gros débile » ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Canaille suprême

 

Vraisemblablement, le « pèze » n'est pas la raison première pour laquelle Judas a trahi Jésus. Car trente deniers d'argent, ce n'est pas bézef. Non, plus probablement, l'objectif du gars Judas était de survivre dans la mémoire des hommes comme le scélérat archétypal. Il n'imaginait pas qu'il serait un jour détrôné par le « négateur universel » Émile Cioran, le méchant absolu, celui qui rêvait d'exterminer le genre humain — mais en fut empêché in extremis par son « amie » (Gragerfis) Simone Boué qui lui ordonna d'« arrêter de déconner » ou sinon ça allait « mal se mettre », ça allait « bombarder mais dur » (anecdote rapportée par le professeur Munteanu).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 4 novembre 2022

Et toi, la matelas ?

 

Ce qui frappe, dans la Bible, c'est l'absence quasi totale d'humour. La seule exception est quand Bildad demande à Job comment il va yau de poêle.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Poucave

 

Peu avant sa mort, Jésus aurait déclaré, parlant de Judas : « Ce mec, c'est trop une poucave ! »

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Savoir

 

Visant peut-être l'acteur Jean Gabin, le sceptique prétend qu'il n'y a pas de situation concevable dans laquelle on puisse dire « je sais ». Certains philosophes zététiques vont même jusqu'à soutenir qu'il est impossible de savoir si nous savons quelque chose !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Façon de parler

 

Le « négateur universel » Émile Cioran prétendait « avoir commis tous les crimes, hormis celui d'être père ». Mais d'après le professeur Basile Munteanu qui le connaissait bien, il n'avait pas réellement commis tous les crimes, c'était juste « une façon de parler ». Il ajoute que le négateur aimait beaucoup « faire le malin » (confirmé par Simone Boué).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 3 novembre 2022

Néoféminisme

 

Aujourd'hui, on n'a plus le droit ni d'avoir faim ni d'avoir froid, ni de déclarer, après Otto Weininger, que la femme n'a pas d'âme et qu'elle est sous le joug de vous-savez-quoi. C'est tout de même un peu fort de café !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Destins

 

La vie des autres a toujours quelque chose d'un peu risible. Quant à la sienne propre... mieux vaut ne pas en parler.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

En lisant Sénèque

 

Toute la philosophie des stoïciens se ramène à ceci : si l'existence ne te plaît pas, pense à autre chose.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Éclaircissement conceptuel

 

Dans le film La Métamorphose des cloportes, tiré d'un roman d'Alphonse Boudard, Edmond (Charles Aznavour), Arthur (Maurice Biraud) et le Rouquemoute (Georges Géret) sont trois voyous minables qui projettent un « cassement ». Il leur faut pour cela un chalumeau hors pair que la vieille Gertrude (Françoise Rosay) propose à un prix prohibitif. Cela donne lieu à une scène étonnante, où Gertrude présente le chalumeau aux trois compères, en poursuivant — comme la philosophie selon Wittgenstein — un but d'éclaircissement conceptuel. Gertrude vise en effet la « clarification logique des pensées » (Tractatus, 4.112) et s'efforce d'aider les truands à distinguer ce qui peut être dit (la science) de ce qui ne peut qu'être montré (le chalumeau). Mais comme les trois malfrats sont un peu « bouchés », elle est amenée à utiliser ensuite — comme Wittgenstein à partir des années 1930 — une autre méthode, celle dite de la « présentation synoptique », qui consiste à comparer les propositions du langage, notamment dans leurs structures grammaticales, pour mettre en évidence le fonctionnement de ce dernier.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 2 novembre 2022

Sacs à merde

 

Sextus Empiricus affirmait que « tout échappe à la compréhension ». Il disait aussi : « Je ne définis rien ». Courroucé des prétentions des philosophes, il tenait Socrate et Aristote pour des « sacs à merde » et Heidegger pour un « sinistre couillon de la Forêt-Noire, avec son être-au-monde, son être-jeté, son être-pour-la-mort et tutti quanti ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un choix difficile

 

Selon Épictète, on ne peut à la fois prendre soin de son âme et de ses chaussures, fussent-elles en « croco ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Calembour

 

Épictète de veau.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Le plus redoutable

 

Oui, la vie est une aventure redoutable. Mais le plus redoutable, dans cette aventure redoutable, ce sont à coup sûr les « grosses dondons ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 1 novembre 2022

Traczir

 

La vie, il y a vraiment de quoi avoir les jetons. Demandez un peu voir à Ödön von Horváth. Une branche de marronnier ! Sur les Champs-Élysées ! Et sur le cassis !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Dernier acte

 

Ce qu'il nous reste à faire pour compléter notre mirifique carrière ? Prononcer quelques vocables (scorsonère, melliflu, peut-être hystricognathe) et puis mourir, avec indifférence.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Crise nocturne

 

Supposons un instant que l'être humain se réveille à trois heures du matin, étreint par une tristesse et un désespoir comme il n'en a jamais connu, et par le sentiment que tout est complètement absurde. Il y a fort à parier que, pour se rassurer, il va mettre ce pessimisme sur le compte de sa nature maniaco-dépressive. Mais ne devrait-il pas plutôt en chercher la source dans l'inculture et l'amoralité de la société hongroise ?

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Prélude à la soirée d'un sexe aphone

 

Souvent, quand on atteint un certain âge, « le Manitoba ne répond plus ». Il est alors temps de quitter la Faucille et de redescendre à Mijoux, pour arriver à Saint-Claude par Septmoncel.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 31 octobre 2022

Poésie et mortalité de l'être mortel

 

Verlaine dit quelque part qu'ayant poussé la porte étroite qui chancelle, il s'est promené dans le petit jardin. Il parle aussi d'alouette et de réséda, mais tout ça n'a pas grand sens ni grande importance quand on songe que... NOUS ALLONS TOUS MOURIR ! AAAAAH !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Autant vaut la merde

 

S'il n'y avait que le portrait de l'empereur François-Joseph 1er ! Mais c'est le réel tout entier qui est couvert de chiures de mouches. Il faudrait le faire enlever et mettre au grenier (pour éviter les réflexions désobligeantes).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Forteresse vide

 

En 1990, le psychanalyste Bruno Bettelheim, universellement connu pour ses travaux sur les enfants autistes, se suicide à l'âge de quatre-vingt-six ans en s'enfermant la tête dans un sac en plastique. Pourquoi un sac en plastique ? Et pourquoi la tête ? À ce jour, le mystère reste entier. Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis émet l'hypothèse que le psychanalyste était une « forteresse vide » — mais sans apporter le moindre élément pour étayer cette supposition.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Les oubliés

 

Personne n'a pris la peine d'organiser une marche blanche à la mémoire d'Edmond-Henri Crisinel. Ni à celle de Francis Giauque. Ni à celle de Jean-Pierre Schlunegger. Les poëtes maudits de Suisse romande, tout le monde s'en fout.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 30 octobre 2022

Grossophobie


Il paraît que la balance fausse est en horreur à l'Éternel, mais que le poids juste lui est agréable.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Un mal embouché

 

La « réalité empirique » lui en a tellement fait voir que le nihilique ne supporte plus rien. Dès qu'il sort de chez lui, ça va mal. Un arrosoir, une herse à l'abandon dans un champ, un chien au soleil, un cimetière misérable, un infirme, une petite maison de paysans, tout devient aussitôt le réceptacle de son courroux. Et contrairement à Lord Chandos, les mots ne lui manquent pas pour exprimer ses sentiments — cochonnerie, saleté, pot de pisse, canaillerie, etc.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Inventivité du suicidé philosophique

 

Le suicidé philosophique est si fertile en inventions, c'est un si rusé compère que ni Madame Yamilah ni le fakir Ragdalam — et ne parlons pas de l'illusionniste Bruno — ne sauraient lire dans son cœur. Dans son ouvrage sur l'homicide de soi-même1, le docteur Claude-Étienne Bourdin rapporte qu'un habitant de Saint-Denis s'occupait depuis plusieurs jours à fabriquer un œuf de carton. À peine eut-il fini qu'il le remplit de poudre, le plaça dans sa bouche, et demandant du feu à sa femme comme pour allumer sa pipe, y mit le feu et se fit sauter la cervelle !

1. Du suicide considéré comme maladie, Paris, Fortin, 1845.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)