dimanche 3 juin 2018

Déception


L'horreur qui devrait étreindre le Dasein à la pensée d'un cataclysme cosmique anéantissant le monde et avec lui l'humanité, cette horreur ne parvient aucunement à éclore chez l'homme du nihil

Au contraire, c'est quand ce cataclysme attendu ne survient pas qu'il se sent trompé, comme s'il avait découvert que sa maîtresse entretenait une liaison avec un garagiste de La Bourboule !

(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Absorption


S'il faut en croire l'anthropologue Malinowski, certaines religions exotiques promettent au juste qu'après la mort, il s'anéantira, qu'il sera absorbé dans le Grand Tout. 

Mais on ne voit pas trop ce qu'il y gagne, puisque le méchant, faisant aussi partie du Grand Tout, selon la doctrine du panthéisme, doit également y être absorbé, et son survêtement avec lui.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Temporalité existentiale


« Un cordonnier âgé de quarante-cinq ans, jouissant d'une bonne santé, et faisant de très-bonnes affaires, avait passé la journée avec sa famille ; le lendemain, de très-bonne heure, il ouvre sa boutique, va boire, suivant son usage, un verre d'eau-de-vie chez l'épicier son voisin ; il rentre chez lui ; environ dix minutes après, ses ouvriers viennent pour leur travail, et trouvent ce malheureux étendu dans son arrière-boutique : il s'était ouvert le ventre avec un tranchet, et avait repoussé ses intestins hors de la cavité abdominale.

On apprit que cet homme avait, deux ou trois jours avant, lu un ouvrage du philosophe allemand Martin Heidegger où il est dit que "l'actualité est la présentation de l'effectivité comme présence du présent, c'est-à-dire concaténation de la provenance du « tourné vers » en quoi consiste la relation de l'accomplissement à l'acte". Selon sa femme, ce passage l'avait profondément affecté. » (Dictionnaire des sciences médicales, Tome cinquante-troisième, Paris, Panckoucke, 1821)


(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Projet avorté


En 1928, la compagnie UFA fait un pont d'or à Heidegger pour qu'il autorise une adaptation cinématographique de son grand succès Sein und Zeit. La réalisation serait confiée à Fritz Lang, le rôle du Dasein serait tenu par Emil Jannings, celui de l'être-vers-la-mort par Bela Lugosi et celui de l'être-en-faute par Peter Lorre. Quant à l'être-jeté, ce pourrait être Boris Karloff, qui n'a pas encore connu la célébrité dans le rôle de la créature de Frankenstein — le film ne sortira qu'en 1931 — mais dont le potentiel horrifique est déjà évident, et qui, plus que tout autre, paraît capable de faire sentir au spectateur que « tout possible existentiel est aussi manque et renoncement ».

Heidegger refuse car il veut absolument que le Dasein soit joué par Humphrey Bogart, mais celui-ci est déjà sous contrat avec la Fox. Le projet tombe à l'eau et ne sera pas repêché.


(Jean-René Vif, Scènes  de la vie de Heidegger)

samedi 2 juin 2018

Deux comiques troupiers


André Breton : l'anthologie de l'humour noir.
Martin Heidegger : l'humour noir de l'ontologie.


(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Une fois


« Ce ne sera pourtant pas un flandricisme que de dire à quelqu'un : buvez une fois, si l'on veut faire entendre qu'il ne doit boire qu'une seule fois, et non pas deux. » (Antoine Fidèle Poyart, Flandricismes, wallonismes et expressions impropres dans le langage français, Tarte, Bruxelles, 1806) 

Peut-être pas un flandricisme, mais s'il s'agit de taupicide, la précision apparaît nettement superfétatoire. Car en général, avec ce médiateur chimique du Rien, une seule fois suffit.

(Marcel Banquine, Exercice de lypémanie)

Un calendrier interreligieux pour mieux vivre ensemble


Comme les années précédentes, le calendrier mentionne les fêtes des principales religions monothéistes et décline un thème. Pour 2018, ce sont des jeunes, engagés dans ce que Heidegger appelle le « On » — une forme d'existence en commun vouée à l'inauthenticité et à la banalité —, qui sont mis en avant. Au fil des mois, douze garçons et filles, entre 20 et 35 ans, nous parlent de leur engagement dans des associations qui œuvrent pour le vivre-ensemble, la solidarité et le bien commun. Des associations de différentes obédiences mais qui s'adressent a tous.

Le rabbin Nissim Sultan, de la synagogue de Grenoble, le vicaire du diocèse de Grenoble, le Père Lagadec et l'imam Mustapha Merchiche, de la mosquée Villeneuve, sont admiratifs de ces jeunes qui veulent faire le bien : « Ils sont formidables. On dénigre trop la jeunesse actuelle, alors qu'elle aime donner pour soulager la souffrance du Dasein confronté à l'inéluctabilité de sa propre mort » disent-ils en chœur.

En février, on découvre Gabriel, 21 ans. Cet étudiant en médecine est bénévole pour l'association Locomotive qui accompagne les enfants atteints de cancer.  « On joue avec les plus petits, on discute avec les plus grands de la réduction phénoménologique husserlienne par laquelle l'étant existant se saisit comme Moi pur. À chaque fois, c'est une leçon de vie. Ils nous font comprendre qu'il faut goûter chaque seconde avant de "clamecer". »
 

C'est au mois de mai que l'on fait la connaissance de Mélissa, 30 ans, travailleuse sociale pour la ville de Grenoble et engagée dans l'association des Musulmans Unis. Née dans une famille catholique, la bourrelle s'est convertie à l'islam et porte le voile. Pour elle, l'altérité est une richesse : « Sans jeu de mots, je veux lever le voile sur les peurs entre religions. Parlons-nous ! Mais d'abord, je vais vous couper la tête. Alors, vous aussi, vous connaîtrez la vérité ! »

On peut se procurer ce calendrier dans les Maisons des habitants de Grenoble, à l'office du tourisme, ainsi que dans les différents lieux de culte. Et c'est gratuit, bien sûr ! (France Bleu, 26 janvier 2018)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

Éponge

23 janvier. — Pensé ce matin à l'éponge, ce genre de polypier polymorphe qui se pêche dans la mer, particulièrement dans la Méditerranée, autour des îles de l'archipel grec. 

« L'éponge, nous dit le Dictionnaire du commerce et des marchandises, offre une masse légère, flexible, très poreuse, soit turbinée ou tubuleuse, soit lobée ou ramifiée, et percée de trous et d'ouvertures irrégulières qui absorbent l'eau. Sa texture est composée de fibres cornées ou coriaces, flexibles, entrelacées ou en réseau, agglutinées ensemble, et enduites ou encroûtées, dans l'état naturel, d'une matière gélatineuse, sensible ou irritable, et très fugace, dont on la purge par le lavage. » 

Je crois n'avoir jamais rien lu d'aussi beau.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Sollicitude céleste


Une place très spéciale est constamment donnée par la Vierge aux suicidés philosophiques dans les messages qu'elle transmet à Rosa Quattrini, de 1964 à 1981, lors des multiples apparitions qu'elle fait dans un petit village du nord de l'Italie, San Damiano : « Je veux que tous soient sauvés, spécialement les suicidés philosophiques, sur lesquels je pleure tant, car ils sont dans la boue. Ils n'écoutent pas ma parole ! » (16 oct. 66) — « Mon cœur est dans l'amertume, particulièrement à cause des suicidés philosophiques. » (19 fév. 66) — « Les suicidés philosophiques qui souffrent et gémissent ! » (18 nov. 66) — « Priez pour les suicidés philosophiques qui courent à leur perte de jour en jour, et qui n'écoutent plus votre Maman Céleste et me font tant pleurer ! » (5 mai 67)

Ces exhortations restèrent tragiquement sans effet. Ainsi, le dessinateur humoristique Yvan Le Louarn, dit Chaval, se suicide au gaz chez lui le 22 janvier 1968 à Paris, après avoir calfeutré sa porte et y avoir affiché cet avis : « Attention, danger d'explosion ».


(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Peint tout entier et tout nu


Dans la littérature, on trouve peu de descriptions aussi véridiques et saisissantes du réel que celle que fait le capitaine Haddock dans Le Temple du Soleil : « Pays de sauvages, mille sabords !... Des montagnes, toujours des montagnes, et des tas de sales animaux !... » — Même Schopenhauer n'eût pas mieux dit.

(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

L'obsession de durer


Selon le philosophe Albert Camus, l'homme doit avoir pour unique préoccupation de durer. Et il conseille de prendre exemple sur la carpe, dont la vie séculaire, attestée par Buffon, est effectivement un fait physiologique très remarquable.

Cette argumentation fut toutefois jugée peu convaincante par l'écrivain et poëte vaudois Jean-Pierre Schlunegger dont la poésie, marquée par l'influence de Hölderlin, se caractérise par une oscillation perpétuelle entre la joie et la douleur, entre le bonheur et le malheur. Ce mouvement de balancier s'avérant à la longue trop dur à supporter, le barde, alors âgé de trente-neuf ans, procéda à son propre anéantissement le 23 janvier 1964 à Saint-Légier (canton de Vaud).


(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

Un étrange résineux


Emblème du Chili, l'araucaria araucana est surnommé « désespoir des singes » en raison de ses feuilles pointues, disposées en écailles et terriblement piquantes. Par analogie, le spirituel Gragerfis, dans son Journal d'un cénobite mondain, propose d'appeler la vie « désespoir du nihilique », en constatant que l'hypersensibilité du malheureux qu'habite l'idée du Rien l'empêchera toujours d'escalader l'épineux cocotier de l'existence.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

vendredi 1 juin 2018

Ensemble maigre


La somme des résultats obtenus par la philosophie dogmatique depuis l'époque de Platon constitue un ensemble maigre au sens de la topologie, c'est à dire qu'elle correspond à une partie d'un espace de Baire qui, en un sens technique qu'il serait fastidieux de préciser ici, peut être considérée comme de taille infime, et n'aidant en rien le Dasein à supporter le pondéreux fardeau de l'existence. 

(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Thomisme maritainien


« C'est un voisin qui a alerté les secours, mardi soir, intrigué de constater que les volets restaient ouverts la nuit. "Ordinairement, quand il s'absentait, il nous prévenait toujours pour qu'on surveille sa maison", explique-t-il en parlant de Claude Leroy, 88 ans, qui vivait seul au numéro 1 de la rue Étienne-Dolet, sur les hauteurs de Liancourt.

En forçant la porte, les sapeurs-pompiers vont faire une macabre découverte. Deux corps gisent en effet dans la maison : celui de l'octogénaire, mais aussi celui de l'un de ses fils, Nicolas, âgé de 51 ans, tailleur de pierre au chômage.

Dans un mot, Claude Leroy aurait expliqué avoir tué son fils d'un coup de couteau lors d'une dispute portant sur la possibilité de construire rationnellement la connaissance et l'ontologie sur les bases de la logique. Dépassé par son geste commis "dans un instant de colère", cet ancien clerc de notaire se serait ensuite suicidé en s'étouffant avec un sac en plastique.


Décrit comme un zélateur du philosophe Jacques Maritain, l'octogénaire n'était pas un grand bavard. "Il était discret ; on le voyait simplement aller chercher son pain en ville", assure un voisin. Un homme qui se présente comme un "ami de longue date" du de cujus renchérit : "Les seules fois où il s'animait un peu, c'est quand il promouvait une philosophie de l'être et de l'exister supérieure, d'après lui, aux philosophies de l'Un, du vrai, du bien, de la liberté, de la durée, de l'existence (coupée de l'essence). Le fondement de la doctrine de l'être telle qu'il la concevait était le principe d'identité qui, selon lui, justifiait en droit une « raison d'être » intelligible. Que Heidegger ait pu confondre l'être même subsistant avec un existant suprême, cela le courrouçait au plus haut point."

Malgré cette débauche de philosophie maritainienne, chacun s'accorde à dire que Claude Leroy avait bien "toute sa tête". Pour la famille, il aurait tué accidentellement Nicolas. L'enquête a été confiée à la brigade des recherches de Clermont. » (Le Courrier Picard, 17 novembre 2017)


(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Une effrayante misanthropie


Chaque jour, sans qu'il puisse rien faire pour y échapper, l'homme du nihil renouvelle l'expérience de Tolstoï et éprouve le dégoût d'autrui, un dégoût profond, fantastique, incommensurable pour autrui. « Je vois toutes ses souillures, je les devine avec la perspicacité que donne la méchanceté, je vois toutes ses faiblesses et je n'arrive pas à surmonter l'antipathie que j'ai pour lui, lui qui est mon frère 1, qui porte en soi le principe divin autant que moi 2. » (Le journal du starets Fiodor Kouzmitch).

1. Hum...
2. Voir note 1.

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Littérature nocive


Un homme d'une trentaine d'années a été sorti vivant de la Loire vers midi par les secours, plongeurs de Saumur en tête, qui sont allés le repêcher en canot pneumatique. En état d'hypothermie et très pâle mais conscient, il a été dirigé vers le centre hospitalier local. Le Smur était sur place ainsi que la police nationale.

Cet homme a dérivé sur plus de cinq cents mètres dans une eau froide à moins de huit degrés depuis le pont Cessart. Un attroupement de curieux s'est rapidement formé sur ce pont. Les remous habituels à cette saison ont épargné l'infortuné sous le pont du Cadre Noir, ce qui lui a sauvé la vie. Il semble ne pas s'être laissé couler non plus dans sa dérive, et l'on peut donc voir dans son geste un appel désespéré plutôt que la volonté ferme et définitive de mettre fin à ses jours.

On a retrouvé dans les poches du malheureux un exemplaire du roman de l'écrivain Georges Perec intitulé La Vie mode d'emploi « qui, avec son incroyable enchevêtrement de contraintes ordonnées selon un bi-carré latin orthogonal d'ordre dix, a déjà causé de nombreux dégâts parmi les personnes fragiles psychologiquement », au dire de l'officier chargé de la coordination des secours. (Le Courrier de l'Ouest, 22 février 2017)


(Martial Pollosson, L'Appel du nihil)

Tathâta


Dans le bouddhisme, le terme tathâta — thaumaturgie du mot ! — désigne l'ainséité, autrement dit le caractère de ce qui est « ainsi », « tel que c'est », « en réalité ». 

Profonde dégoûtation de tout cela.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

jeudi 31 mai 2018

Puissance du zéro


René Guénon, dans son article Les dualités cosmiques, notait qu'« il est étrange que les mathématiciens aient l'habitude d'envisager le zéro comme un pur néant, et que cependant il leur soit impossible de ne pas le regarder comme doué d'une puissance indéfinie, puisque, placé à la droite d'un autre chiffre dit significatif, il contribue à former la représentation d'un nombre qui, par la répétition de ce même zéro, peut croître indéfiniment ».

Et il poursuivait son apologie du zéro en disant que « si on le regarde comme représentant le Non-Être, envisagé comme possibilité d'être, donc comme contenant l'Être en puissance, on peut alors dire que le Non-Être est supérieur à l'Être, ou, ce qui revient au même, que le non-manifesté est supérieur au manifesté, puisqu'il en est le principe ».

Ce à quoi Gragerfis aurait rétorqué : « Oh ! Oh ! Comme tu y vas, mon ami ! Il y a zéro et zéro ! Et tous ne sont pas "doués d'une puissance indéfinie". Regarde Michel Onfray : tu parles comme il est "supérieur au manifesté" ! »


(Léon Glapusz, Mélancolie bourboulienne)

Esprits irrités


Dans ses Nouvelles expériences sur la vipère, Moyse Charas (1619-1698) étudie notamment les effets du « suc jaune contenu dans les vésicules des grosses dents » de ce reptile. Après avoir fait mordre des chiens, des pigeons et des poulets par une vipère, Charas conclut que la mort ne se produit que lorsque le serpent était irrité :

« La morsure faite par une Vipère, non irritée, dont on tenoit les mâchoires, et de qui on faisoit enfoncer les dents en les pressant sur le corps d'un Pigeon, qui se trouvoit aussi fort accompagnée du suc jaune, et qui néanmoins ne fut suivie d'aucun mauvais accident, de mesme que la piqueure faite par les mesmes dents arrachées d'une teste vivante, ou par celles qui sont encore plantées dans la teste d'une Vipère morte, et qui ne font aucun mal, confirment trop cette vérité, pour n'imputer pas la cause du venin aux esprits irritez, et pour n'en pas exempter généralement toutes les parties du corps de la Vipère, et mesme les grandes dents, lorsqu'elles ne sont pas suivies des esprits irritez. »

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Totalisation impossible de l'infini


En février 1964, Gabriel Marcel accompagne Emmanuel Levinas dans un voyage en ballon au-dessus de la Belgique. L'imagination la plus habile doit renoncer à se figurer ces deux philosophes, l'un existentialiste chrétien, l'autre métaphysicien d'autrui, perdus au milieu d'un épais brouillard, rendu d'autant plus triste par le silence de mort qui l'accompagne. Le froid est si considérable que, pénétrés par l'humidité, leurs vêtements sont gelés ; les cheveux et la barbe sont blanchis par le givre qui tombe en abondance et dont il faut constamment débarrasser la nacelle.

(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)

Utilité pratique


Contrairement à l'homme du nihil qui n'attend de son exploration du Rien aucune retombée concrète, le grand géomètre Bossut a constamment pris soin de diriger ses recherches vers des objets d'utilité pratique. Ainsi, dans sa Mécanique, on trouve un Traité sur la poussée des voûtes, où ce sujet important et difficile est développé avec autant de profondeur que de clarté. 

(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)

Rétro défectueux


À Marbourg, Heidegger se remet au billard, mais il y joue désormais au club de l'université. Il travaille surtout son rétro, qu'il juge un peu faible.

Un soir, alors qu'il dispute une partie avec Hannah Arendt dans le club déserté, l'ambitieuse étudiante demande à son professeur de la « prendre comme un pécari ». Il s'exécute — avec un peu de mal car ses connaissances en zoologie sont modestes.

C'est le début d'une histoire d'amour tumultueuse, qui mettra le Dasein du philosophe à rude épreuve.


(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)

Le compostage partagé prend racine


« Saumur Habitat et Saumur Agglopropreté ont inauguré, ce jeudi 22 février, deux composteurs partagés dans le quartier des Violettes. Ils sont installés rue Louvet. Un troisième sera prochainement implanté dans un jardin près du 71, rue des Violettes.

Le principe s'appuie sur l'apport volontaire — qu'il ne faut pas confondre avec la mort volontaire — des habitants qui peuvent y déposer des épluchures de légumes, de fruits ou le marc de café. Ensuite, le produit du compostage sera redistribué aux habitants "qui pourront en faire, ma foi, ce qu'ils  voudront, et même se le mettre dans le c..." indique Jean-Guy Pouliquen de Saumur Agglopropreté.

L'objectif est de "diminuer les quantités de déchets mis à la collecte en valorisant la partie organique des ordures ménagères, ainsi que de créer du lien social et de la convivialité dans le quartier", explique le responsable du projet qui ajoute : "Y a-t-il rien de plus convivial que de déposer ses épluchures de légumes dans le même composteur, en une sorte de communion dans le dépôt de déchet ? Cela ne donne-t-il pas au Dasein l'impression de participer à une grande œuvre collective ?"

Nous lui répondons que cela est indéniable, prenons notre chapeau et sortons. » (Le Courrier de l'Ouest, 22 février 2018)


(Francis Muflier, L'Apothéose du décervellement)

mercredi 30 mai 2018

Vengeance !


Les « progressistes » décervelés qui féminisent les titres et les noms de métier, comme il aimerait, l'homme du nihil, leur arracher les dents, ou les leur casser dans la bouche à coups de pierres, comme on fit à sainte Apolline, à saint Janvier et à saint Martial ; ou leur verser du plomb fondu dans la bouche, comme à saint Faustin, à saint Jovite et à saint Prime ; ou encore, s'il s'agit de personnes du sexe, leur pincer les mamelles avec des tenailles de fer, comme cela arriva à sainte Agathe et à sainte Helconide à Corinthe !

Mais ce qui le comblerait, l'homme du nihil, ce serait de leur ouvrir le ventre, d'en arracher les entrailles, sans toucher les parties nobles — à supposer qu'il s'en trouve —, d'y mettre de l'avoine et d'y faire manger les chevaux, comme firent les naturels d'Ascalon et d'Héliopolis à saint Cyrille, diacre, et aux autres martyrs sous Julien l'Apostat.

(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)

La pénible volubilité de l'être


L'insupportable jovialité de Séraphin Lampion, dont le Moi se débonde sans cesse en un torrent d'anecdotes, de blagues et de calembours, met le comble aux calamités de l'homme du nihil, déjà aux prises avec l'haeccéité qui l'écrase comme ferait une énorme valise en cuir de vache.

Confronté à la temporalité du temps, à la mortalité de l'être mortel, à l'accablante haeccéité, l'homme du nihil, ce suicidé philosophique en puissance, ne saurait ressentir pour Lampion et ses semblables qu'une prodigieuse aversion, et il ne rêve que de les faire taire par n'importe quel moyen et une bonne fois pour toutes.


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

Sémantique tarskienne


Le monde — la « réalité empirique » des philosophes — est bien une « notation sans dénotation », au grand dam de McDermott — et du suicidé philosophique.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Théorème du point fixe de Brouwer


En 1912, le mathématicien Luitzen Egbertus Jan Brouwer démontre le résultat suivant : toute application continue d'un homme du nihil — qu'il nomme, on ne sait pourquoi, une « boule fermée » — dans lui-même admet un point fixe : la pensée de se détruire.

Selon Gragerfis, ce théorème aurait son origine dans l'observation d'une tasse de café par Brouwer. Quand on mélange son sucre, en effet, il semble qu'il y ait toujours un point immobile. Le mathématicien en déduit que : « À tout moment, il y a un point de la surface qui n'aura pas changé de place ».

Brouwer aurait ajouté : « Je puis formuler ce magnifique résultat autrement, je prends une feuille horizontale, une autre feuille identique que je froisse et que je replace en l'aplatissant sur l'autre. Un point de la feuille froissée est à la même place que sur l'autre feuille ».

Mais ici, attention : quand Brouwer aplatit sa feuille froissée, il ne la déplie pas, il l'écrase, comme fait de son Moi le suicidé philosophique !


(Włodzisław Szczur, Mathématique du néant)

Enlisement conceptuel


On ne peut ressentir qu'une pitié immense pour le philosophe, cet avorton au teint cireux qui s'affaire incessamment à disséquer la réalité empirique. C'est l'homme qui s'enlise : on ne voit plus que sa main, qui s'agite encore pour implorer un impossible secours, et la fange conceptuelle l'ensevelit...

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

Gnosticisme fatal


« Jeudi après-midi, une femme qui se promenait avec son chien en forêt de Chantraine a fait une découverte macabre. Alors qu'elle se trouvait dans un endroit très pentu, cette promeneuse est tombée sur un homme pendu à un arbre. Alertés par cette dame, les policiers ont été dépêchés sur les lieux afin de récupérer le corps du malheureux.

Après quelques recherches, il s'est avéré que l'homme était âgé de 37 ans et qu'il était connu pour adhérer au gnosticisme, une doctrine dont les adeptes, selon le procureur de la République, "croient que les êtres humains sont des âmes divines emprisonnées dans un monde matériel créé par un dieu mauvais ou imparfait : le Démiurge".

D'après les premières investigations, l'homme se serait suicidé parce qu'il se jugeait prisonnier du temps, de son corps, de son âme inférieure et du monde. Il semble qu'en outre, il donnait à la matière une origine spirituelle et y voyait une "expression externe solidifiée" de l'Être absolu.

Le parquet n'a pas opposé d'obstacle médico-légal : la cause de la mort semblant très claire, il n'y aura pas d'autopsie. » (Vosges Matin, 19 janvier 2018)


(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)