samedi 31 août 2024

À propos de lichen

 

Linné consacre au cladonia rangiferina un chapitre poignant de sa Flore de Laponie. Le lichen ! Quelle vie que celle de cet organisme, composé d'une multitude de symbiontes ayant des stratégies évolutives différentes et parfois antagonistes ! Quand on se compare au lichen, on trouve qu'on a une existence relativement pépère. Seule ombre au tableau : on pense. — Enfin... « jore ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une triste rencontre

 

Une supposition qu'au cours de votre traversée du désert de Gobi de l'existence, vous découvriez le plasticien Hans Bellmer percé de plus de trois cents petits trous d'où sortiraient en nombre prodigieux des crabes tourlourous ? Cette triste rencontre ajouterait sûrement à la disposition chagrine de votre âme, déjà bien ennuyée de la monotonie de ce désert.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Phthirophagie

 

Comme le dit Lémery, la répugnance qu'on a à avaler des poux contribue peut-être plus à chasser la fièvre que le remède même. Eh bien avec l'autrui lévinassien, c'est la même chose. On ne l'avale pas, on le cotoie, et il ne fait pas tomber la fièvre, il la renforcerait plutôt, mais c'est la même chose.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 30 août 2024

Ennui partout justice nulle part

 

On assure que sur les montagnes de Lorraine, par temps de brouillard, il ne faut qu'un appeau, une petite loge et un bâton fendu pour se faire chier à mille francs de l'heure. C'est ce que les gens du coin appellent chasser la mésange. Mais en fait, c'est triste à dire, se faire caguer, on y arrive très bien partout, même sans appeau, sans loge et sans bâton fendu.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un cas d'atavisme ?

 

Comme tout le monde, vous croyiez les races préhistoriques complètement éteintes, et voilà que tout à coup vous découvrez, dans une batelière des environs de Mons, tous les caractères de la race australoïde de l'âge du mammouth ! S'agit-il d'un cas isolé d'atavisme ? Comble de gênance, cette batelière montoise, à y regarder de plus près, c'est votre propre bonne femme !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Rien ne marche

 

Dans son Chymique inconnu, La Martinière, médecin de Louis XV, raconte plusieurs tentatives infructueuses qu'il fit pour réaliser le Grand Œuvre. Il essaya avec de la morve, des crachats, de l'urine, de la révérence parler merde... et rien ; que tchi ; chou blanc sur toute la ligne. Il ne réussit pas à transmuter les métaux ni quoi que ce soit d'autre. Sûr qu'il y avait de quoi être furax ! Mais le pire, c'est que c'est comme ça pour tout, en ce « monde de néant ». Rien ne marche.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Talking shit

 

Chez l'homme politique comme chez le malade atteint de la colique de miserere, les matières stercorales sortent par la bouche.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 29 août 2024

Des algèbres peu accortes

 

Les algèbres de quaternions sont des objets mathématiques qu'on admire — admirer « se dit aussi de la surprise que cause ce qui paraît extrême, excessif dans son genre » selon l'Académie —, mais qui ne suscitent guère de sympathie.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Faubourg du non-être

 

« Terminus, monsieur », dit une voix bourrue au-dessus de ma tête. — L'obscurité, la pluie, la folle poignance du pachynihil...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Sauver Toto

 

Il n'a rien fait de mal si ce n'est, comme Rolla, d'être venu trop tard dans un monde trop vieux et d'être doté de canines particulièrement développées. Il ne mérite pas d'être immolé à la folie des hommes. Il faut sauver Toto le sanglier.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Traces

 

L'homme ne se résout pas à disparaître corps et biens, il veut laisser une trace de son passage sur terre, ne serait-ce que merde à celui qui le lira signé Bigeard. Cette obsession de la trace est un signe de son immaturité gombrowiczienne.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 28 août 2024

Dur à croire

 

Il y a des animaux, soi-disant, dont la morsure est mortelle en Grèce mais qui sont innocents en Sicile — par exemple le gecko (selon Théophraste). À voir... Si ça se trouve c'est vrai ? Comme le dit Pythagore, la vie n'est-elle pas surprenante ?
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Phonématisation de l'étant existant

 

Nous avions des organes, des viscères et tout ce qui s'ensuit, et voilà-t-il pas que la mort nous dépouille de tout ça et nous transforme en un menu gravier phonématique ! Ba be bi bo bu !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Le coup du papillon

 

Les pots de pisse qui font « jore » de se demander s'ils sont un papillon rêvant qu'il est Tchouang-Tseu ou Tchouang-Tseu rêvant qu'il est un papillon, on a envie de leur donner les verges. Dans leur for intérieur, ils savent très bien qu'ils ne sont ni l'un ni l'autre, qu'ils ne sont que de vulgaires pots de pisse, mais que n'inventerait-on pas pour faire profond...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Unicité du Bouddha

 

« Hé ! Toi !
— Qui ça ? Moi ?
— Oui, toi. Il paraît que tu dis que le Bouddha est unique ?
— Euh... Ça se peut.
— Ouais ? Et le Talé-Lama de Lhassa ? Le Pandchan-Remboutchi de Djachi-Loumbo ? Le Tsong Kaba des Sifan ? Le Kaldan, le Tolon Noor, le Guison-Tamba du Grand-Kouren, les Houtouktou de Péking ? C'est quoi à ton avis ?
— Tous sont également Bouddha.
— Tu vois ! Tu vois ! Tu te contredis ! »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 27 août 2024

Tribus des Mèdes

 

Faut-il croire Hérodote quand il dit que les Bouses sont une tribu des Mèdes ? Cela paraît presque trop beau pour être vrai. Les Boudiens et les Parétacènes, encore, à la limite...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Chez Fan Se-Yeng

 

Si le caractère vénéneux du réel se confirme, il va falloir trouver une solution. Il va falloir aller chez Fan Se-Yeng... Rue du Sage Immense, à Shanghai. Allez, au trot !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Littérature nocive

 

Quand on lit du René Char ou du Philippe Delerm — la gorgée de bière !!! —, le moins qu'on puisse dire est qu'on le sent passer. On éprouve des attaques convulsives pendant lesquelles la respiration est difficile et la sensibilité presque totalement abolie. La vue se perd, la pupille reste largement dilatée. La marche, la station debout même deviennent difficiles. L'amaigrissement fait des progrès rapides et l'on succombe bientôt dans le marasme.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Bernhardisme

 

La pipistrelle possède quatre dents incisives à la mâchoire de dessus et dix à la mâchoire de dessous, ce qui faisait dire à Thomas Bernhard que cet animal « incarne idéalement la crétinité catholico-national-socialiste ». Comme à l'accoutumée, le style de l'écrivain est ici marqué par les particularités du souffle d’un poitrinaire, se déployant selon un rythme effréné et haletant, avec heureusement des temps ici et là pour reprendre haleine.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 26 août 2024

Un antidote méconnu : la géologie du Cantal

 

Si Nerval, au lieu d'écrire des poëmes, s'était consacré à l'étude de la géologie du Cantal, il ne se serait pas suicidé. Quand on concentre son attention sur quelque chose de concret, par exemple les mollusques fossiles du terrain miocène inférieur du bassin d'Aurillac, on ne songe pas à se pendre.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Débonnaireté de l'animal

 

Pourquoi l'être humain est-il constamment ridicule quand l'animal ne l'est jamais ? Parce qu'il a des prétentions. Il fait l'important. Il fait « jore ». L'animal, lui, ne fait pas « jore ». Il ne cherche à impressionner personne. Il est à la bonne franquette. Surtout : il n'écrit pas de romans ni ne peint de tableaux de peinture.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pas la classe

 

Chaque vie est un roman, si on veut. Seulement ce roman peut être plus ou moins bien écrit. La nôtre, de vie, son style est parfois diffus, souvent négligé. Ce qui est sûr, c'est qu'il est inférieur à celui d'Hérodote. Il manque d'élévation, d'éclat. Certains jours, il est même inférieur à celui de Xénophon. En résumé, ce n'est pas trop la classe.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Grand Œuvre

 

Aux doubles-vécés, on éprouve un sentiment d'harmonie et de sainteté qu'aucune église n'est jamais parvenue à inspirer. On sent que le « Grand Œuvre » y est possible — pour peu qu'on prenne d'abord quelques cuillerées de jus de pruneau.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 25 août 2024

Hors norme

 

Tant par sa physionomie que par son comportement, le suicidé philosophique s'affirme comme une curiosité parmi les humains, comme le kinkajou l'est parmi les bêtes carnivores.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

La vie seule

 

Pas besoin de radjaïdjah ni de gril : à elle seule, la vie se chargera de vous rendre maboul (et l'enfer c'est les autres, à ce qu'il paraît).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Exercices de ceci ou de cela

 

Schopenhauer en rajoute un peu. Sauf malchance exceptionnelle, la vie n'est pas l'exercice du pire, elle est plutôt l'exercice de l'emmerdant. Mais ce n'est déjà pas mal.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un bâtisseur infatigable

 

Sa pyramide à peine achevée, Guy, le frère de Jean Zay, entreprit de construire un sphinx. Ses parents trouvaient que ça commençait à prendre beaucoup de place, mais bon...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 24 août 2024

Misologos

 

Aristote ne plaisante pas avec le principe de contradiction. Il n'a pas de mots assez sévères pour ceux qui s'assoient dessus (genre Héraclite). Il dit que celui qui pose son gros fiak sur le principe de contradiction, même sans le faire exprès, est un contempteur de la raison — un « misologos ». On peut dire ce qu'on veut, ça dissuade.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

On s'en fout du pucheux

 

Celui qui dit que le pucheux est une grande cuiller en cuivre dont on se sert dans le raffinage du sucre pour puiser le sirop, celui-là est un type qui ramène sa fraise alors qu'on ne lui a rien demandé. Dans le raffinage du sucre, hein ? Pauvre con. Nous t'en foutrons de raffiner le sucre, nous, tuouaouar. Tu peux te le carrer dans le fiak, ton pucheux. Tuouaouar, qu'on te dit !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)