jeudi 31 janvier 2019

Silence perpétuel


28 octobre. — « Tascodrugites. Hérétiques qui ont paru en Phrygie vers l'an 182, étoient des disciples de Montan, qui voulurent se distinguer par une certaine façon de prier. Ils enseignoient que le silence perpétuel étoit le précepte divin. Ils portoient un petit bâton ou le doigt sur le nez et sur la bouche pendant leurs prières, afin d'imposer le silence à tous les spectateurs. C'est de là qu'ils furent appelés Tascodrugites, des mots phrygiens tascos, qui signifie bâtons, et druque, qui signifie nez. Les Grecs leur donnèrent le nom de Patalorinchites, et les Latins de Paxillanasons, qui ont la même signification que Tascodrugites. Ils dansoient dans leur temple autour d'un outre, prétendant qu'ils étoient eux-mêmes les outres remplis du vin mystique dont il est parlé au Chap. 9 de S. Math. Comme on les a regardés comme des insensés, on ne voit pas qu'aucune autorité se soit appliquée à les combattre. » (Barthélemy Pinchinat, Dictionnaire chronologique, historique, critique, sur l'origine de l'idolâtrie, Paris, Pralard, 1736)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant les Scènes de la vie de Heidegger de Jean-René Vif

Monarque temporaire


Il semble bien qu'il faille reconnaître dans l'excrément un exemple du monarque temporaire, prêtre, sorcier et dieu tout ensemble, si bien défini et illustré par Frazer. Les témoignages de Platon, de Strabon et de Denys d'Halicarnasse se laissent aisément interpréter à cette lumière.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mercredi 30 janvier 2019

Avant-dernier refuge


Las de l'inanité d'une existence convulsive, mastiquer les filandreuses fougères de l'aliénation mentale.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Aromatique


20 décembre. — « L'idée du Rien est d'une saveur douce, légèrement aromatique et qui rappelle le goût des culs d'artichaut. Sous toutes les formes, c'est un aliment agréable et substantiel. » (M. Bagot, De l'idée du Rien considérée comme pouvant servir d'auxiliaire à la culture de la pomme de terre, Paris, Librairie agricole de Dusacq, 1847)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant la Mathématique du néant de Włodzisław Szczur

Espace noir


À la question : « où êtes-vous ? », les suicidés philosophiques répondent invariablement : « je sais où je suis, mais je ne me sens pas à l'endroit où je me trouve. ». L'espace semble à ces esprits dépossédés une puissance dévoratrice qui les poursuit, les cerne, et les digère en une phagocytose géante. À la fin, il les remplace. C'est ce qui arriva au poëte lausannois Edmond-Henri Crisinel, dit « le Nerval vaudois ». Le 25 septembre 1948, se sentant devenir « de l'espace noir, où l'on ne peut mettre de choses », il choisit de se donner la mort en se jetant dans le lac Léman.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Ça commence bien...


Clinique du Grand Rien, deux heures de l'après-midi. J'attends mon tour dans une atmosphère d'éther et de crachats, recroquevillé sur une chaise en fer qui me brûle l'échine. Diable ! Que la vie s'annonce glaciale !

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Poiscaille


16 décembre. — « La définition que nous venons de donner, exclut de la classe des poissons les familles aquatiques des amphibies, des phoques, des lamantins et des cétacés, comme les baleines, les dauphins, qui sont tous des animaux vivipares, à sang chaud, et respirant l'air par des poumons. De même les grenouilles, les salamandres, les tortues de mer, ne sont pas des poissons non plus que les mollusques, soit nus, comme les seiches, les poulpes, les lièvres de mer ; soit testacés, tels que les moules, les pétoncles, les huîtres, les buccins, les pourpres, les cônes, et autres animaux à sang blanc, et sans vertèbres, que le vulgaire appelle très-improprement poissons à coquilles, ou les crabes, les homards et autres crustacés, qui sont des races voisines de la grande classe des insectes. » (Nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, Tome XXVII, Paris, Deterville, 1818)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

mardi 29 janvier 2019

Interlude

Jeune femme lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Jettatura


Le nom de stercoris, prophète, que les anciens ont donné à l'excrément, est significatif. Son apparition annoncerait la famine, sa sinistre teinte un malheur à toutes les créatures qu'il dévisage. Aristarque rapporte qu'on lui attribuait le mauvais œil. On emploie son nom pour désigner les gens insolents. À Rome, son pouvoir magique était très connu : si quelqu'un tombait malade, on lui disait : « l'excrément t'a regardé ». Il paraît même avoir joué un rôle religieux défini : il figure en effet sur une monnaie proserpinienne, à côté de l'épi sacré des Mystères d'Éleusis. Dioscoride enfin rapporte qu'on l'utilisait comme médicament.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Commissoire


Commissoire ! Telle est une clause dont l'inexécution annule l'acte qui la contient : pacte commissoire. Concluons un pacte commissoire avec le Grand Rien.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Écailles de tortue


30 novembre. — « La cendre des écailles de tortue, incorporée dans du vin et dans de l'huile, est souveraine pour guérir les crevasses et les ulcères des pieds. Les raclures de la superficie de l'écaille de tortue, données en potion, sont contraires à l'acte vénérien ; ce qui est d'autant plus merveilleux que la poudre de l'écaille entière passe pour être un violent aphrodisiaque. Pour leur urine, je ne pense pas qu'il soit possible de s'en procurer autrement qu'en les disséquant, pour la surprendre dans son réservoir naturel ; aussi les Magiciens la mettent-ils au nombre de leurs recettes prodigieuses. Elle est un remède spécifique contre les morsures des aspics, mais plus efficace encore, à ce qu'on dit, si l'on y mêle des punaises. Les œufs de tortues, durcis, font un bon liniment contre les écrouelles, et pour le traitement des ulcères occasionnés par la brûlure ou par le froid. On en avale pour les maux d'estomac. » (Pline, Histoire naturelle, Liv. XXXII)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Catalepsie


Des attitudes cataleptiques aident parfois le suicidé philosophique à rejoindre le règne minéral, ou à défaut le végétal : immobilité du poëte vaudois Edmond-Henri Crisinel, tandis que le philosophe Weininger laisse pendre ses longs bras, sans parler de la rigidité d'un Albert Caraco qui évoque à certains égards la contracture hystérique. Inversement, le balancement machinal de l'écrivain dadaïste Jacques Rigaut n'est-il pas comparable à un tic ?

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

lundi 28 janvier 2019

Baciccia


Baciccia se distingue par sa pénétration psychologique et un accent de cordialité qui révèle la familiarité du peintre avec le milieu papal.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Os dans le pâté


16 décembre. — « Le problème avec les souvenirs, même agréables, c'est qu'il faut d'abord vivre les choses qu'ils remémorent. » (Edmond Chassagnol, Théorie du trop-plein) — Comme cela est vrai ! Ah ! mon père et ma mère, que je vous veux de mal !

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Brigitte Bardot lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Vieille feuille


À force d'acharnement, la jankélévitchienne « temporalité du temps » finit par donner au Dasein des allures de vieille feuille. « On ne saurait mieux marquer le caractère foncièrement déficient, tourné vers l'immobilité et le retour à l'inorganique, qui me paraît l'essentiel de ce processus mortel qu'on nomme la vie », note à ce sujet Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Hommes d'action


L'angoisse de la mort ne hante pas les cervelles rubéfiées des bipèdes agissants.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Taiseux


23 novembre. — « Passalorhynchites. Hérétiques du onzième siècle, qui suivaient les erreurs de Montan, et faisaient consister toute la perfection du vrai chrétien à garder le silence. Les Passalorhynchites se fondaient, pour ne point parler, sur les paroles du psaume 140, "Pone, Domine, custodiam ori meo & ostium circumstanciæ labiis meis" : Mettez, Seigneur, une garde à ma bouche, & une porte de circonspection à mes lèvres. En conséquence de la fausse interprétation qu'ils donnaient à ce passage, on les voyait toujours un doigt devant leur nez, pour se fermer la bouche et témoigner, par là, une extrême application pendant leurs prières ; mais ces hypocrites ne se permettaient pas moins en secret les crimes les plus abominables. » (Jean-Pierre Costard, Dictionnaire universel, historique et critique des mœurs, tome troisième, Paris, J.-P. Costard, 1772)

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

dimanche 27 janvier 2019

Interlude

« Lâche-moi, crétin, je lis les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine ! »

Emprise magique du Rien


Les analyses de Gragerfis sont ici précieuses : le Rien n'est pas la simple absence d'être ; il y a quelque chose de positif en lui. Alors que l'être est aussi vaporeux qu'une barbe à papa, le Rien est « étoffé », il touche directement l'individu, l'enveloppe, le pénètre et même passe au travers : ainsi « le Moi est perméable pour le Rien tandis qu'il ne l'est pas pour l'étant — existant ou subsistant, n'importe. » La sensation de mystère que fait éprouver le taupicide ne viendrait pas d'autre chose.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Agir


La seule pensée de devoir appuyer tantôt sur la queue de détente me fatigue terriblement, me donne envie d'aller me recoucher — et gémir.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

De l'être


12 décembre. — Selon Parménide, l'être est « indivisible et inengendré », tandis que « le non-être n'est pas ». — L'Éléate était-il « bouché à l'émeri » ? Nous ne pouvons ici que poser la question.

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)

Interlude

Jeune fille lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de de Robert Férillet

Un déguisement peu ragoûtant


Dans son désir de fusionner avec le Grand Indéfini d'Anaximandre, l'homme du nihil s'assimile non seulement au végétal ou au minéral, mais encore à l'excrément. Ainsi, un suicidé philosophique décrit par Poulton affecte la ressemblance avec une fiente d'oiseau, en un mimétisme parfait de forme, de couleur et de consistance 1. De même, un nihilique du British Museum apparaît au repos comme un petit amas allongé, blanchâtre à l'une de ses extrémités et noir à l'autre, tout à fait identique à une déjection de mésange. Posés sur la même feuille, un excrément réel et le zélateur du Rien sont indiscernables.

1. E.-B. Poulton, The colors of philosophical suicidees, Intern. scient. series, t. LXVIII, Londres, 1890.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Penser


Savoir qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, que tout a déjà été dit, et parvenir quand même à formuler une pensée, fût-elle embryonnaire... Prodige d'impudence et d'absurdité, sans doute, mais qui seul donne au « Dasein » l'illusion d'exister.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Mantes


25 novembre. — S'il faut en croire Gragerfis (Journal d'un cénobite mondain), la famille des Mantidés comporte quatorze genres, parmi lesquels celui des mantes proprement dites qui rassemble les mantes desséchée, superstitieuse, herbacée, la mante feuillebrune, la mante large-appendice (Mantis latystylus), les mantes sublobée, flavipenne, et mouchetée, la mante lune, la mante simulacre, les mantes patellifère, pustulée, voisine et variée, la mante à deux mamelons (Mantis bipapilla), la mante col-étendu, les mantes cuticulaire, éclaboussée, salie (inquinata) et gazée, la mante pieds-velus, les mantes ornée, pieuse, religieuse, prasine, prêcheuse et vitrée, la mante à ceinture, la phryganoïde, l'annulipède, la multistriée, la décolorée, la mante sœur, l'agréable, la mante bleu-d'acier (Mantis chalybea), la mante hanches-rouges, (Mantis rubocoxata), la mante nébuleuse, et enfin, la mante claire et la mante de Madagascar. — Il n'y manque que la chaise percée du Dalaï-Lama !

(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)