lundi 28 février 2022

Une panade saugrenue

 

À l'homme du nihil, la vie fait l'effet d'un cheval traduit en hollandais (comme faisait l'âne à Lichtenberg, paraît-il).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 24 février 2022

Parlez-moi d'amour

 

La femme ne s'investit jamais à cent pour cent dans une « relation sentimentale ». C'est d'ailleurs pour cela qu'elle a une grande facilité à « tourner la page » (comme elle dit). Elle aime tourmenter, mais se lasse (plus ou moins vite) de tourmenter la même personne. Elle aime le changement. Par-dessus le marché, comme l'a bien vu Weininger, elle n'a pas d'âme. Quant à l'homme, c'est une autre histoire : c'est un couillon — et nous ne faisons pas ici référence au chef cuisinier Alexandre Couillon qui, avec son épouse Céline, dirige le restaurant La Marine à Noirmoutier.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 23 février 2022

Physique atomique

 

La « matière », ainsi que l'appellent les physiciens, plonge l'homme du nihil dans une grande perplexité. Il ne sait pas si c'est du lard ou du cochon. Encore et toujours, il se heurte à la sempiternelle question : qu'y a-t-il de réel dans le « réel » ? Il est à la fois un « indéterminé du proton » et un « inquiet du noyau ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 21 février 2022

Margoulins

 

Il est dit dans le Psaume 32 qu'est heureux l'homme « dans l'esprit duquel il n'y a pas de fraude, fiscale ou autre ».

dimanche 20 février 2022

Coup de sang

 

L'homme du nihil est d'un naturel débonnaire et il en faut beaucoup pour le faire sortir de ses gonds. Mais quand on lui parle de vivre, il voit rouge.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 19 février 2022

Page de journal

 

« 30 avril, 22 heures 35. — Cioran commence à me saouler, avec son “irréparable”. Quelle grandiloquence, ma parole, et quel manque de tact, chez ce Roumain ! Tu appuies trop, mon ami ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 18 février 2022

In illo tempore

 

L'homme du nihil raconte que dans son enfance, le boueux empoignait la poubelle à main nue, la hissait sur son épaule, et en déversait le contenu dans une carriole tirée par un tracteur ou par un « bourrineau ». À la fin de sa tournée, le boueux vidait la carriole dans un énorme trou creusé à la sortie du village : le dépotoir. On n'avait pas encore inventé les « déchetteries », en ce temps-là. Les hommes étaient plus proches de la nature, moins chochottes, et par conséquent moins névrosés. Des « déchetteries » !!! — « Ô boueux de mon enfance ! Qu'êtes-vous devenus ? », s'exclame, pathétique, l'homme du nihil (au dire de Gragerfis).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 17 février 2022

Vengeance !

 

Le Grandiloque des Carpates a raison de dire que le désir de vengeance est ce qu'il y a de plus profond dans l'être humain. Pourquoi écrirait-on, autrement ? Certes, les mots sont dérisoires, mais quel autre moyen avons-nous de nous venger du réel (et des bourrelles qui l'infestent) ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 16 février 2022

Weniger Licht !

 

Les seules personnes à peu près supportables sont celles qui fuient toute forme de reconnaissance (à commencer bien sûr par les applaudissements). — Félicite-t-on un porcus singularis, un bigaradier ou une biscotte confiturée d'être ce qu'ils sont ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 15 février 2022

Besoin de rien

 

La mère de l'homme du nihil, quand quelqu'un frappait à sa porte, commençait par dire à l'importun qu'elle « n'avait besoin de rien ». Et elle lui refermait la porte au nez sans même s'enquérir de ce qu'il voulait. Eh bien, l'homme du nihil, c'est pareil : il n'a besoin de rien. Juste qu'on le laisse une bonne fois tranquille. Il en a soupé de la méchanceté des hommes.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 13 février 2022

Un chalumeau pour le rouquemoute

 

« Cioran dit qu'il lui a fallu toute une vie pour s'habituer à l'idée d'être rouquin. Or il ne l'était même pas !
— Il a dit roumain, pas rouquin.
— Oh. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 10 février 2022

Façons de vivre

 

Pour vivre, il est constant — cela a été souligné par maints moralistes, notamment le « Grandiloque des Carpates » — qu'il faut n'avoir aucun sens du ridicule. Cependant, si l'on est affligé de ce sens, qu'on n'arrive pas à l'étouffer, et que pour une raison x ou y on veut quand même vivre, il existe une solution : faire le clown — c'est ce que Dostoïevski appelle « l'existence ironique ». — Nota bene : Il y a bien aussi l'homicide de soi-même, mais cette option n'entre pas en ligne de compte puisqu'elle ne permet pas à proprement parler de « vivre ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 7 février 2022

Du beau ! Du sublime !

 

Quand quelqu'un s'avise de qualifier une œuvre — par exemple un arrangement de mots — de « sublime », on peut parier sans risque de se tromper qu'il s'agit soit d'un crétin soit d'un lèche-cul (les deux ne sont pas incompatibles). — Je t'en foutrai du « sublime », moi, tuouaouar ! Salop ! Peau de fesse ! Nerf sciatique ! Grosse vache !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 6 février 2022

À propos de bottes

 

Le nihiliste russe Dmitri Pissarev, un jour qu'il était « gonflé à bloc », aurait déclaré qu'une paire de bottes valait mieux que les œuvres de Pouchkine et de Shakespeare réunis. L'homme du nihil n'a rien à redire à cela, mais il considère pour sa part qu'une paire de bottes, ou même de simples chaussons, vaut mieux que la réalité empirique en général (y compris, bien sûr, les œuvres de ces deux ballots). Il est vrai que les bottes — ou les chaussons — font aussi partie de la réalité empirique, mais passons : c'est juste « histoire de dire ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 5 février 2022

Ataraxie

 

Sextus Empiricus se trompe : suspendre son jugement n'est pas suffisant pour parvenir à la tranquillité de l'âme. Il faut aussi suspendre tout le reste, par exemple au moyen d'un nœud coulant qu'on a fixé au portique d'entrée du potager. Il est notoire que l'homicide de soi-même, en annulant les interactions avec la réalité empirique, permet d'atteindre une quiétude semblable à celle qui, chez les stoïciens, résulte de la connaissance du mouvement de l'univers, animé par un air chaud — le pneuma — dans un processus infini et cyclique d'inspiration et d'expiration.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 4 février 2022

Page de journal

 

« 3 avril. — Ce soir, en rentrant, le vocable hystricognathe, sorti spontanément de ma bouche, a rempli l'appartement — puis l'univers tout entier. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 2 février 2022

Une lugubre excursion

 

« Promenade, ou plutôt errance, à l'intérieur de ma pachyméninge — dire qu'on peut si près de Paris trouver des paysages aussi mélancoliques ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 1 février 2022

Réfutation du pachynihil

 

La douleur presque insupportable qui émane d'un panaris (ou d'une rage de dent, ou d'une colique néphrétique, etc) témoigne contre la souveraineté du Rien.

(Fernand Delaunay, Glomérules)