« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mercredi 14 novembre 2018
Comestibilité philosophique
Sous le rapport de l'utilité que les philosophes peuvent offrir à l'espèce humaine, c'est à peine si l'on peut citer quelques exemples comme comestibles : les sceptiques et espèces voisines sont dans ce cas.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Fortification impossible
Carnot, qui n'est pas suspect de partialité pour les Anciens, se trouve pourtant d'accord avec Polybe pour conseiller, dans son traité de fortification 1, l'usage de l'huile de foie de morue pour affermir le « vouloir-vivre » du nihilique et l'empêcher ainsi de devenir un suicidé philosophique. Mais l'expérience a démenti les promesses pompeuses de ceux qui prétendaient combattre l'homicide de soi-même par ce moyen : la séduction de la mort, avec son cortège de mouches bleues de la viande (Calliphora vomitoria Lin.) et de mouches grises (Sarcophaga carnaria Lin.), demeure aussi puissante que devant.
1. Lazare Carnot, De la défense des places fortes. Ouvrage composé pour l'instruction des élèves du Corps du Génie, Courcier, Paris, 1810.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Unheimlich
Autour de mon Moi hébété, un univers inanimé exhibe sa carcasse, vaine mue de vipère à cornes.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Rappel à l'humilité
S'il faut en croire Strabon, la distance qui sépare l'homme de la divinité est plus grande que celle du Borysthène au Tiras, soit 4120 stades.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
mardi 13 novembre 2018
Un ennemi sans nom
Le malheureux soumis au supplice de l'haeccéité ne désigne ou ne dénonce personne. L'auteur de ses maux échappe, de sa part, à la flétrissure nominale : il est contumace.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Un idéaliste invertébré
Comme celle de Peer Gynt, la vie de Johann Gottlieb Fichte « ne consistait qu'en fragiles pelures et n'avait pas de noyau ». Son Journal témoigne d'ailleurs que, sur la fin, il réalisa qu'il s'était laissé emporter d'épisode ontologique critique en épisode ontologique critique sans jamais affirmer aucun caractère personnel.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Anciens et modernes
Pour mater leur Moi, les ascètes chrétiens s'adonnaient à de longues mortifications de la chair, aux austérités du jeûne, de la prière, et s'imposaient une abstinence absolue des voluptés. Les médecins modernes recommandent plutôt les boissons très réfrigérantes de nénuphar, d'émulsions nitrées, camphrées, etc. En revanche, ils déconseillent absolument le quinquina, les amers toniques et autres corroborants.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Incommunicable
Comment faire sentir, à qui ne l'a pas éprouvé par lui-même, à quel point l'enfermement dans le fini peut être vécu surréellement, enfiévré d'une lumière apocalyptique ? Comment lui montrer « l'atroce revers de l'être », autrement dit l'haeccéité ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Un bruyant énergumène
« Le Moi, dont les incessantes vociférations m'enjoignaient de me lier au phénomène, de m'inscrire dans l'espace mondain et le temps devançant, me faisait irrésistiblement penser à Pierre l'Ermite tonitruant à travers les villes paisibles de la chrétienté. Ou à Savonarole, ou encore à John Knox éméché haranguant ses ouailles, et à tous les personnages perturbateurs qui ont traversé l'Histoire en braillant. — Arrière, le Moi ! Je cherche le silence et l'horreur des ténèbres ! C'est clair ? »
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Carquan
Dans ses Mémoires, le chroniqueur Philippe de Commynes décrit un instrument appelé fillettes du Roy, en usage à son époque dans les prisons et qui n'est pas sans évoquer la terrifiante haeccéité : « des fers très-pesans et terribles pour entraver l'étant existant ; et y estoit un anneau, fort malaisé à ouvrir, comme à un carquan : la chaîne grosse et pesante, et une grosse boule de fer au bout, beaucoup plus pesante que n'estoit de raison ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
lundi 12 novembre 2018
La vie : une aventure risquée
Dans son beau livre Contribution à l'étude de l'ictère du solipède nouveau-né, M. Pierre Cadéac nous renseigne sur les causes pouvant déterminer une suspension temporaire ou définitive du vouloir-vivre chez le « bourrineau », et plus généralement chez l'étant existant — le fameux « Dasein » des existentialistes : « le passage subit du chaud au froid, les bains, la pluie après une course violente, la suppression de la transpiration, ou une sueur tout à coup arrêtée, une diarrhée suspendue par l'usage des remèdes astringents, les eaux impures et stagnantes pour boisson, les pâturages marécageux, la boisson trop copieuse, le long séjour dans des écuries humides et mal disposées, et les concrétions pierreuses dans le foie. »
— Les eaux impures et stagnantes ! Les pâturages marécageux ! Entends-tu, monstre bipède ?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Rénovation par le « cas »
« Il était hanté par cette monomanie : la régénération de l'homme par la pratique de l'excrément. »
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Spleen
La mélancolie est cette région septentrionale du « conscient intérieur », dont la faune et la flore diffèrent notablement de celles de la Chaldée, où par exemple ni le lion, ni aucun des grands carnassiers de race féline ne sont connus, et où le palmier n'existe pas non plus.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Vacillement ontologique
« La pensée de l'homicide de soi-même s'était bien montrée antérieurement et à diverses reprises dans mon esprit, mais jamais ses ravages n'avaient été aussi étendus, jamais ils n'avaient persisté durant tant d'années et avec une intensité pareille. » (Johann Gottlieb Fichte, Journal, Reimer, Berlin, 1807)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Paranoïa du « Suisse »
L'orgueil et l'égoïsme du « Suisse » sont sans limite, comme sa susceptibilité, sa méfiance. Cerbère immobile, l'excrément est un symbole vivant et odoriférant de la paranoïa.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Pression conceptuelle
Lorsqu'on veut diminuer la tension d'un philosophe sans altérer la valeur du travail qu'il rend, il faut nécessairement abaisser la pression du concept dans sa pachyméninge. Un moyen sûr d'arriver à ce résultat est de restreindre — par exemple au moyen d'un coup violent porté sur le cassis de l'« ami de la sagesse » — l'ouverture d'entrée par laquelle le concept afflue.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Machine à cylindre
Un cylindre, dont la grandeur dépend de la taille du Moi que l'on veut débourrer, est coupé, sur la surface, de petites fentes de deux millimètres de large, et parallèles à l'axe. Dans l'intérieur du cylindre, et à quelque distance de sa surface convexe, on étend, d'une base à l'autre, un nombre proportionné de cordes à boyaux. Le cylindre repose sur deux supports, dont l'un, celui qui porte la manivelle, doit être plus allongé que l'autre. Aussitôt qu'on tourne la manivelle, le cylindre est mis en mouvement, les cordes touchent aux bras du treuil, et le Moi est par ce moyen tellement agité, que tout ce qu'il y a en lui de malpropre et de grossier est rejeté entre les fentes du cylindre.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Débourrage du Moi
L'usage du bât-à-bourre a trois inconvénient très nuisibles; d'abord la position gênante que l'on doit avoir pour commencer à dégrossir le Moi, la lenteur avec laquelle on opère, et surtout ses effets malsains, à raison de la poussière et des poils que l'opérateur avale en respirant. Dans son Art de débourrer le Moi, M. Lenormant propose de remplacer cet outil insuffisant et dangereux par une machine à cylindre.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Inscription à :
Articles (Atom)