Le monstre
bipède se démène tel un forcené : il voyage, il a des aventures
sentimentales, il fréquente des restaurants gastronomiques, il fait de
la plongée sous-marine, et cetera — dans le seul et unique but de se
créer des souvenirs agréables et se donner à soi-même l'illusion qu'il
n'a pas vécu en vain. Mais il a beau s'agiter, sa vie se résume tout de
même à un monumental zéro — comme celle de l'homme du nihil, certes,
mais celui-ci du moins ne s'est pas donné le ridicule de sauter en
parachute ou de se jeter d'un pont attaché à un élastique, et c'est avec
une grande économie de moyens qu'il est parti de pas grand chose pour
n'arriver à rien.
(Fernand Delaunay, Glomérules)