Oui,
cela est vrai : la vie est là, simple et tranquille. Et il est non
moins vrai que cette paisible rumeur-là vient de la ville. Mais cela
n'empêche pas qu'on ait envie d'avaler le canon d'un revolver Smith
& Wesson chambré pour le .44 russe. Car non seulement on ignore, soi
que voilà, ce qu'on a fait de sa jeunesse, mais on sait qu'elle ne
reviendra plus. Les rhumatismes et la philosophie marcellienne, c'est
gentil mais ça ne remplace pas. — Non, ça ne remplace pas.
Pendant
longtemps, quand l'être humain avait des « soucis de santé », ça se
réglait. Plus ou moins facilement, mais ça se réglait. Seulement voilà,
les années ont passé, l'être humain est devenu un « vieux jeton », et tout
à coup... ça ne se règle plus ! Sans aller jusqu'à dire que c'est « un
peu fort de café », il trouve ça « malaisant ».
Pour
infliger au Grand Tout d'immortels stigmates, il faudrait posséder la
verve satirique d'un Catulle. Mais on en est loin, très loin, nos mots
manquent de vigueur, jusqu'à strapontin qui fait long feu — c'est
désespérant.
Bien
loin encore de se douter que rien dans la vie n'a de sens, les gosses — les « mioches » — réclament à cor et à cri pour leur petit déjeuner
les croustillants toasts Truweet.
La
poésie de Pindare se caractérise par sa grandeur et sa dignité dans la
pensée, dans l'expression, dans le rythme, et par la profondeur du
sentiment religieux. À la question : « Quel type moderne pourrait donner
l'idée du génie de Pindare ? », le nihilique répond : « Aucun, mes amis :
des comme Pindare, il n'y en a plus. »
Si
on avait joué le jeu, aurait-on eu du succès auprès de l'autrui
lévinassien ? Cette question, comme d'autres, est destinée à rester sans
réponse. Mais rien que d'écrire le mot succès, on a envie de vomir.
Il
faudrait se préparer à la mort, trouver un semblant de sérénité, mais
comment faire quand on est constamment courroucé ? Il faut dire qu'avoir
été projeté dans un tel margouillis, il y a de quoi l'avoir sec. L'être
humain, qu'ils disent. La vie, qu'ils disent. Salops !
Avant
de vous annoncer la sinistre nouvelle, le médecin vous prévient qu'« il
va falloir être très courageux, monsieur Ribémont ». Ils ne pouvaient
pas le dire plus tôt, ces couillons ? Au moment de la naissance, par
exemple ? C'est tout de même quelque chose, ça ! Courageux ! Je t'en
foutrai d'être courageux, moi, tuouaouar !
Prenez-vous
de bec avec un commerçant à propos d'une bonbonne de butane et vous
serez frappé par cette pensée (que l'on pourrait qualifier de « hongroise ») : il existe un certain genre d'hommes — « les abrutis » —
que rien n'atteint.
De
tout temps, les philosophes ont essayé d'enfermer la « réalité
empirique » dans un système. Seulement voilà, à chaque fois le système
comportait des trous, et la « réalité empirique » en profitait pour
s'échapper en dégoulinant au travers. Bien sûr, les trous, il est
toujours possible de les boucher (avec du beurre, par exemple). Mais ça
ne sert à rien, c'est un leurre : car alors, la « réalité empirique »
coule par les côtés.
Selon
l'interprétation défendue par Dagfinn Føllesdal, Richard Dreyfus, David
Woodruff Smith et Ronald McIntyre, l'homicide de soi-même doit être
rapproché du « Sinn » frégéen, un contenu sémantique idéal dont quelque
objet réel — par exemple un revolver Smith & Wesson chambré pour
le .44 russe — constitue la référence.
Comme
Schuppe et dans le sillage de son Erkenntnistheorische Logik publiée à
Bonn en 1878, le nihilique cherche dans la récusation radicale de toute
réalité « extérieure » — posée comme transcendante à la conscience et à
ses « contenus » — la voie d'une fondation conséquente de la théorie de
la connaissance et de la validité des formes logiques. Il cherche aussi à
se convaincre que les « emmerdes » émanant de ladite réalité extérieure
ne sauraient l'atteindre — mais ça ne marche pas tellement.
Pascal
avait son gouffre avec lui se mouvant. Claudel avait son pilier. Mais
toi, tout ce que tu as, c'est un simple souvenir, et encore, d'une
vision fugace : celle d'une tête de chien couché.
Dans
ses Promenades avec Robert Walser, Carl Seelig évoque un Robert Walser
peu connu, le Robert Walser « qui zaifeu des gueva » et qui, prétend-il,
habitait « un très techouai yonvipa » (en fait une clinique psychiatrique,
celle de Herisau dans le canton d'Appenzell).
Vraisemblablement,
le « pèze » n'est pas la raison première pour laquelle Judas a trahi
Jésus. Car trente deniers d'argent, ce n'est pas bézef. Non, plus
probablement, l'objectif du gars Judas était de survivre dans la mémoire
des hommes comme le scélérat archétypal. Il n'imaginait pas qu'il
serait un jour détrôné par le « négateur universel » Émile Cioran, le
méchant absolu, celui qui rêvait d'exterminer le genre humain — mais
en fut empêché in extremis par son « amie » (Gragerfis) Simone Boué qui
lui ordonna d'« arrêter de déconner » ou sinon ça allait « mal se mettre »,
ça allait « bombarder mais dur » (anecdote rapportée par le professeur
Munteanu).
Visant
peut-être l'acteur Jean Gabin, le sceptique prétend qu'il n'y a pas de
situation concevable dans laquelle on puisse dire « je sais ». Certains
philosophes zététiques vont même jusqu'à soutenir qu'il est impossible
de savoir si nous savons quelque chose !
Le « négateur universel » Émile Cioran prétendait « avoir commis tous les
crimes, hormis celui d'être père ». Mais d'après le professeur Basile
Munteanu qui le connaissait bien, il n'avait pas réellement commis tous
les crimes, c'était juste « une façon de parler ». Il ajoute que le
négateur aimait beaucoup « faire le malin » (confirmé par Simone Boué).
Aujourd'hui,
on n'a plus le droit ni d'avoir faim ni d'avoir froid, ni de déclarer,
après Otto Weininger, que la femme n'a pas d'âme et qu'elle est sous le
joug de vous-savez-quoi. C'est tout de même un peu fort de café !