dimanche 4 mai 2025

Magritte encore biffé

 

Dans En lisant en écrivant, Julien Gracq dit que Magritte se situe à la limite du domaine strictement pictural, parce que l'idée et l'humour tiennent presque toute la place dans ses tableaux. Il le biffe, pour ainsi dire ! Alors qu'on avait bien précisé qu'il ne fallait ni le biffer ni l'abaisser ! C'est un monde !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Assez de salamalecs

 

Nous disons Kharkov et non Kharkiv, nous disons Kiev et non Kyïv, nous ne nous en laissons pas conter. Nous disons aussi la Rhodésie, la Haute-Volta, Calcutta et Bombay. Assez de salamalecs !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 3 mai 2025

Sens sûr de Maussion

 

Le peintre Charles Maussion n'était pas de Sens-sur-Seille (Saône-et-Loire) mais de Nantes. Ce qui ne l'empêchait pas d'avoir un sens très sûr (de l'harmonie des formes et des couleurs).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Des peintres pas baisants

 

Élie Faure dit que les peintres italiens de la Renaissance n'étaient pas baisants. Un mot de travers et on se faisait enguirlander par le Ghirlandaio quand ce n'était pas rosser par le Rosso ou coller une châtaigne par le Mantègne. Le seul qui était civilisé, c'était le Pérugin (un peu aussi le Primatice).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Bout de l'an

 

Le collaborationniste Francis Bout de l'An — qui fait une brève apparition dans Le Laboureur et ses enfants — ne connut pas celui de 1977 car il mourut en septembre.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Gênance d'écrire

 

On se fiche de savoir pourquoi les écrivains écrivent, on voudrait juste qu'ils cessent. C'est horriblement gênant, toute cette histoire !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 2 mai 2025

Crescendo molto

 

Prétendre qu'on a descendu des fleuves impassibles montre déjà qu'on est un ahuri, mais soutenir ensuite que chaque voyelle possède une couleur, c'est aller crescendo molto dans la bêtise.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Avisse à la population

 

« Avec le changement d'heure, la nuit noire de l'âme commencera désormais à deux heures du matin. Merci d'en prendre bonne note. »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Drôle d'impression


Dans la nuit noire de l'âme, on voit des manches à gigot, des crinolines, des redingotes, des pantalons à sous-pieds... On dirait que le temps s'est arrêté.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Rien ne va

 

Selon certaines sources, je serait un autre et la vraie vie serait ailleurs. Si ces assertions sont exactes, cela signifie que dans l'être rien ne va, que tout est détraqué. Si on ajoute à ce tableau les ravages de la société de consommation, la conclusion évidente est que nous sommes dans de beaux drillards (le drillard est un chêne rouvre).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 1 mai 2025

Précision utile

 

L'Ecclésiaste dit que la science accroît la peine et il ajoute que ce n'est pas un contrepet.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

« A real page-turner »

 

Ce qui est sûrement très pénible, quand on est critique littéraire, c'est de devoir, de temps à autre, dire du bien de quelque livre (pour ne pas éveiller les soupçons).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Saisissement de d'Aubigné

 

Lorsque son petit chat mourut sous les roues d'une carriole, un sentiment d'horreur saisit et même pourrait-on dire agrippa le poëte d'Aubigné.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Couleur du Bronzino

 

Le Bronzino a un traitement très particulier de la couleur, qu'il étale de façon claire et compacte, presque émaillée. Cela fait un effet bœuf, et quand on regarde un tableau du Bronzino, on est transporté, on a envie de manger du pain d'épice — et on oublie pour un instant qu'on est un « être-pour-la-mort ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mercredi 30 avril 2025

Un nom difficile à porter

 

C'est toujours avec un sentiment de répulsion que le monstre bipède signe « monstre bipède » au bas d'une lettre ou d'un formulaire. Il aurait préféré s'appeler Roudnev ou Bougaïev. Parce que « monstre bipède »... à tous les coups, on va le prendre pour un boulanger allemand !

(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Quand chacun d'eux fait bêê

 

La vie est d'un ennui qui suffirait à terrasser un hippopotame, mais en plus — il faut le voir pour le croire —, on y trouve des moutons en pagaille. On se croirait dans Nans le berger.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Style orné


Le poëte beatnik Gregory Corso était assez fleuri — son style tout au moins, qui abondait en hyperboles, en chiasmes, en synecdoques...
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Proverbe pictural italien

 

À tout prendre, il vaut mieux manger des linguine à la crème avec le Parmesan que se faire berner par le Bernin.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mardi 29 avril 2025

Déjà ça

 

Vos nuits peuvent être aussi laides qu'il est possible, elles seront toujours plus belles qu'un tableau de Bram van Velde ou de Georgia O'Keefe.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

De l'inconvénient d'être niais

 

Pour le gars qui est niais, ce n'est pas drôle : il se fait manipuler, dépouiller par le moindre escroc, et au final se retrouve en slip — ou à poil de Nicosie s'il est chypriote. On peut rêver mieux, comme destin.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Quid du Mantègne

 

Le Corrège, dit-on, fut le disciple du Mantègne. Mais le Mantègne ? De qui fut-il le disciple ? Tout de même pas de Paul Ucello ? Non, c'est peu plausible, Paul Ucello était un fanatique de la perspective, tandis que le Mantègne... Peut-être du Pontormo, alors ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Crack-up


Une projection de gravillons métaphysiques, le passage sur un nid-de-poule existentiel : deux circonstances qui peuvent provoquer une « fêlure à la Scott Fitzgerald ». Et là, pas de doute, on est dans de beaux draps : injecter de la résine ne sert à rien, et on est trop abattu pour écrire Tendre est la nuit. Il faut se rendre dans un « centre agréé » et faire remplacer tout le bousin.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

lundi 28 avril 2025

On ne dirait pas le Sud

 

Se traîner jour après jour en ne trouvant de sens à rien ; éprouver la camusienne sensation de vivre isolé dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort ; c'est là une expérience amère qui ne ressemble ni à la Louisiane, ni à l'Italie. Il n'y a pas de linge étendu sur la terrasse et ce n'est pas joli.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Formalisme outré du contrefait

 

Ésope, Scarron, le maréchal de Luxembourg... les bossus sont souvent tatillons ; ils exigent que toute chose soit faite « en bonne et difforme ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Économie de moyens

 

Cent pages sont nécessaires à Julien Gracq pour nous décrire son amour de Stendhal, alors que nous, un seul mot nous suffit pour exprimer l'antipathie qu'il nous inspire : xéranthème xénotropique (deux mots en fait).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Défauts et qualités du Pérugin

 

Le drapé du Pérugin laisse à désirer, ses manteaux et ses tuniques sont trop courts, et quant à son style, il a toujours un peu de sécheresse et de crudité. Heureusement qu'il compense ces défauts par la grâce de ses têtes et l'amabilité de son coloris, parce que sinon...
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 27 avril 2025

Enfants du laboureur et homicide de soi-même

 

« Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût », conseille le laboureur à ses enfants. Et ces derniers creusent, fouillent et bêchent, comme de parfaits crétins. On lit cette grinçante fable, et le peu de foi qu'on avait en l'être humain s'évapore. On a envie de faire comme le poëte Jean-Pierre Schlunegger : sauter d'un pont et se fracasser sur les rochers de la rivière Veveyse. « La rouille du rasoir, dentelle du suicide, se défait dans la brume errante du matin », avait d'ailleurs écrit le barde de façon prémonitoire.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Origines d'Amitys

 

« La princesse Amitys n'était pas chaldéenne.
— Mède, alors ?
— Oui, mède, c'est le plus vraisemblable. »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Fissures du Moi

 

Vincent van Gogh, Jules Pascin, Nicolas de Staël, Mark Rothko, tous étaient peintres et tous se sont suicidés. Peut-être que s'ils avaient suivi l'exemple du Parmesan, et fait de leur Moi une sorte de meule — qu'un maître calibreur aurait alors pu frapper avec un marteau spécial pour détecter les fissures et les vides indésirables —, ça les aurait sauvés ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)