« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 24 juillet 2018
Immatérialisme
« Une femme, âgée de 48 ans, entra à l'hôpital de la Charité avec une intelligence tellement obtuse qu'on ne put tirer d'elle aucun renseignement sur les antécédents de sa maladie. Elle ne répondait aux questions qu'on lui adressait que d'une manière très vague ; à peine savait-elle où elle était, et elle ne se rappelait plus où elle habitait.
Mise en demeure de reconnaître une cerise, elle affirma que le fruit en question n'était qu'un ensemble de qualités perçues (mollesse, humidité, rougeur, acidité) ; que si nous supprimions ces qualités, nous ne pourrions plus rien dire de l'objet ; enfin qu'une cerise sans aucune caractéristique sensible serait du pur néant.
Tout ce que nous sûmes de ceux qui l'amenèrent, c'est qu'à une époque où elle avait encore son intelligence, elle avait eu à diverses reprises des accès de véritable folie, pour lesquels on l'avait admise deux fois à la Salpêtrière. Après avoir lu les Trois dialogues entre Hylas et Philonous de l'évêque Berkeley, elle était tombée dans une sorte d'idiotisme, et il fallait, nous dit-on, la soigner comme un enfant.
Dès l'époque de son entrée, cette femme offrait une prostration considérable. Les jours suivants, l'état adynamique se prononça de plus en plus, une abondante diarrhée survint, la respiration devint stertoreuse, et la malade ne tarda pas à succomber. » (Gabriel Andral, Clinique médicale, ou choix d'observations recueillies à l'hôpital de la Charité, Paris, De Deville Cavelin, 1834)
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)
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