« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mercredi 25 juillet 2018
Une nuit en ville (Charles Bukowski)
Il était minuit passé. Les verres arrivaient, sans que je sache vraiment d'où, de même que des cigarettes. Le juke-box gueulait. Des heures de fumées froides de cigarettes avaient donné une teinte gris-bleu à l'atmosphère. Les mouches et les cafards étaient abrutis, malades et soûls, et les clients aussi. C'était un endroit où nul être sensé n'aurait souhaité se trouver, mais n'étant pas un être sensé, je m'y trouvais. Le genre d'endroit où il est difficile de se représenter que l'espérance, chez Gabriel Marcel, est vue comme l'expérience d'un avenir qui n'a pas été encore vécu et qui se donne comme inobjectivable.
Les urinoirs étaient impossibles : en entrant, on recevait une bouffée mortelle d'odeur de pisse et de dégueulis accumulés depuis un siècle. Et personne n'utilisait les chiottes qui étaient sombres et recouvertes d'une croûte marron ; en plus, il n'y avait pas d'eau. Le couvercle avait depuis longtemps disparu, de même que celui de la chasse d'eau, et les araignées friandes de whisky et de bière régnaient sur les lieux, tissant leurs toiles et attendant que quelque chose vienne s'y prendre. Il fallait être un marcellien convaincu pour se risquer à caguer dans un tel endroit. Je baissai mon froc et me mis à l'ouvrage.
(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)
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