lundi 31 mars 2025

Échec du Parmesan

 

Contribuer aux fresques de la chapelle Sixtine était le rêve de tout peintre de la Renaissance. Un concours fut organisé. Résultat : pour le Pérugin c'était dans la poche, mais pour le Parmesan c'était râpé.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Proverbe philosophico-médical


Tant qu'à se rendre malade à lire de la philosophie, il vaut mieux attraper un rhume avec John Locke qu'un staphylocoque avec David Hume.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Une forte personnalité

 

La bienheureuse Marie Alacoque, il ne fallait pas lui marcher sur les nougats. Quand sa mère et son frère Chrysostome voulurent la forcer à se marier, elle les envoya se faire cuire un œuf. « Je veux devenir religieuse, que je vous dis ! »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Casquette

 

Avoir vu de ses yeux vu la casquette du père Bugeaud ; avoir constaté — avec quelle émotion ! — qu'elle est faite entièrement de poil de chameau... Maintenant, on peut mourir.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 30 mars 2025

De quoi nous sommes faits

 

Les gravures aux murs du salon de Sobakevitch ; les longues moustaches de Miaoulis, Canaris et Mavrocordato ; les fortes cuisses de l'héroïne Bobelina... Tout cela fait partie de nous, désormais. On se l'est incorporé. C'est gai, il n'y a pas à dire.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Gestion du reliquat

 

Sa vie, on ne sait pas si on en a déjà dépensé les deux tiers, les neuf dixièmes ou les quatre-vingt-dix-neuf centièmes. On peut se prendre un pot de fleur ou une enclume sur le cassis à tout moment. Dans ces conditions, le plus sûr est de continuer à ne rien faire. Ce serait tout de même bête d'avoir un « travail en cours » quand ça arrivera.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Rappel à l'humilité

 

Le « pauvre être au cri bègue, aux doigts gourds » dont parle le poëte, ce n'est pas l'ineffable homme des cavernes, c'est soi-même. Il faudrait s'en souvenir chaque fois que l'on éprouve l'envie de faire l'intéressant devant un parterre de notables ou un cartable de notaire.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Genèse

 

Alors qu'il arpentait pieds nus la plage de Scheveningen, Paul Gadenne marcha sur un casseau de bouteille. « Il y a là matière pour un roman », se dit l'écrivain. Aussitôt dit, aussitôt fait.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 29 mars 2025

Sujet de discorde


Dès que deux personnes se réunissent, on peut être sûr que l'une va en tenir pour Jamblique et l'autre pour Proclus. Le néoplatonisme, il n'y a rien de tel pour diviser les gens.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et Anatropes)

N'avoue jamais (que tu as vécu)

 

Malgré les objurgations pressantes et répétées de Guy Mardel, le poëte Neruda avoua qu'il avait vécu. Résultat, il se mit tout le monde à dos. Qui a envie d'entendre de telles sornettes ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Vocabulaire du Ghirlandaio

 

Pour un peintre de la Renaissance, le comble de l'opprobre était de se faire enguirlander par le Ghirlandaio. Mais y échapper n'était pas facile, car pour un rien il vous accusait de « gâcher les pigments ». Et c'était parti : cretino, bastardo, coglione, testa di cazzo... Il avait du vocabulaire, le Ghirlandaio.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Particularité du peintre Lippi

 

Le peintre Filippo Lippi avait une grosse lèvre inférieure. Il était... comment dit-on déjà ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 28 mars 2025

Caravagisme

 

On n'imagine pas le Caravage, ce maître du clair-obscur, parcourir les Pouilles au volant d'un camping-car ou d'une fourgonnette aménagée. Par contre, mis en examen, on l'imagine assez bien étant donné qu'il a été poursuivi pour meurtre (celui de Ranuccio Tommasoni, avec une épée, dans la salle à manger).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Viride

 

Rimbaud se croit fortiche de dire viride, mais il ne l'est pas du tout. La véritable audace est de dire vert, comme tout le monde. Ce sont les béjaunes, qui disent viride.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Aux chiottes Pornichet

 

Gracq ! On s'en fiche, que tu aies passé des vacances à Pornichet quand tu étais môme! Tu ne crois pas qu'on a autre chose à penser ? On va clamecer, tu comprends ? Alors Pornichet...
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Les verges pour monsieur Songe

 

Dans son journal-qui-n'en-est-pas-un-mais-qui-en-est-un-quand-même, le nouveau romancier Pinget se dissimule derrière le pseudonyme grotesque de « monsieur Songe ». Pour cela et pour avoir adhéré à la doctrine du Nouveau roman, il est condamné à recevoir les verges « cul nu ». On s'occupera de lui dès qu'on aura traité le sieur Agamben Giorgio, ça ne va pas prendre longtemps, vous pouvez être tranquilles.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 27 mars 2025

Trois mousquetaires

 

On feuillette un dictionnaire et voilà-t-il pas qu'on découvre que le ferret n'est pas un mustélidé comme on l'a toujours cru mais un genre de bijou. A-t-on été bête ! On comprend tout, maintenant. Le duc de Buckingham n'est pas aussi zinzin qu'on le pensait. Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Magris non plus

 

Claudio Magris non plus ne voulait pas qu'on fît, de canard ou de confiance, des astuces à partir de son nom.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

De l'inconvénient d'être Blair

 

Si Eric Blair changea son nom en George Orwell, c'est parce qu'il avait peur qu'on fît des « astuces nasales » à son propos, telles que « Blair ne voit pas plus loin que le bout de son nez » ou « On peut dire qu'il a eu le nez creux, ce Blair. ». Cela étant dit, il est notoire que Blair — ou Orwell — avait Staline, Beria et toute la clique « dans le pif », comme on peut le constater en lisant La Ferme des animaux.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Imitation de Coolidge

 

En ne souriant jamais et en ne disant rien ou presque, gagner, comme le président Coolidge, une réputation d'homme austère et taciturne. Ne pas prendre les vignettes.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mercredi 26 mars 2025

Renouveau luministique


Comment vivre, on ne sait trop, mais une chose est sûre : pas question de reprendre les solutions perspectives de Paul Véronèse. On va plutôt s'inspirer du Guerchin et tâcher d'initier un renouveau luministique (ou dans le genre).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Inexistence de Vulcace

 

Lampride, Spartien, Vulcace n'ont jamais existé. C'était un canular d'un Nicomaque Flavien. On a le sens de l'humour, chez les Nicomaque Flavien. Au fait, Trebellius Pollion non plus, ni Jules Capitolin, ni Vopisque. C'est à vous dégoûter de tout, cette affaire-là.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Stendhal

 

Beaucoup d'auteurs dont quelques-uns respectables font grand cas de Stendhal. Pourtant on en a lu, soi aussi, et on n'a pas trouvé que ça cassait trois pattes à un canard. Julien Sorel est un insupportable béjaune, et quant à Mathilde de la Mole, c'est une pochetée qui incarne — et encore pas très bien — le nombre d'Avogadro. On aimerait l'enfermer dans une enceinte adiabatique pour lui apprendre à contenir autant d'entités élémentaires qu'il y a d'atomes dans douze grammes de carbone. Pochetée, va !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Tant qu'à aller...

 

Il vaut mieux aller à la Samar qu'à la Salpette, en un sens... — un sens difficile à préciser mais dont tout un chacun peut avoir l'intuition bergsonienne.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mardi 25 mars 2025

Vie dans le Rien

 

La vie du nihilique, comment la décrire ? Simplicité épurée et grave ; absence de détails inutiles ; grand espace vide à l'arrière-plan... On se croirait dans un tableau du Pérugin.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Dépassement de Bossuet, Fléchier et Massillon

 

Hergé a de ces trouvailles géniales comme de faire dire à Tintin : « À la capitainerie du port ! » Bossuet, Fléchier, Massillon sont dépassés — ainsi que Nietzsche et sa « mort de Dieu ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Sédentarité de Taine

 

Bien qu'il fût convaincu qu'on y trouvait de tout et notamment des vestiges romains, il n'était jamais allé en Samarie, l'historien Taine. Il trouvait que c'était trop loin et se fournissait en vestiges au Bon Marché, plus proche de chez lui.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mésaventure du Parmesan

 

Tandis qu'il peignait le portrait de Galeazzo Sanvitale, le Parmesan faillit se retrouver dispersé dans un plat de pâtes. Il ne dut sa survie qu'à l'intervention in extremis du Corrège.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

lundi 24 mars 2025

Tête de nave

 

À cause de son intranquillité, de son crâne en pain de sucre et de son teint blafard, Fernando Pessoa — Ô roues, ô engrenages, r-r-r-r-r-r-r éternel ! Violent spasme retenu des mécanismes en furie ! — était surnommé « tête de nave » par les habitués du café Martinho da Arcada. Il essayait de faire mine de rien mais cela le courrouçait et le rendait encore plus intranquille.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

On ne divague plus


« De battre la campagne mon esprit s'est arrêté. » — Comme épitaphe ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Sauvés de la fricassée

 

Le critique Georges Poulet était le frère cadet de l'écrivain et journaliste Robert Poulet. Les deux furent élevés en plein air à Chênée, près de Liège. Leur talent pour l'écriture leur permit d'échapper au sombre destin que leur prédisaient certains cassandres, celui de « finir chez le colonel Sanders ou chez le général Tso ». Robert perdit tout de même quelques plumes à la Libération (il fut condamné à mort par la justice belge avant de voir sa peine commuée et de s'exiler en France).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Cauchemar de l'éditeur

 

Pour un éditeur, il n'y a pas pire crève-cœur que de devoir envoyer au pilon un livre de Georges ou de Robert Poulet. Mais quand ça ne se vend pas...
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 23 mars 2025

Possessivité de Jaloux

 

Le simple fait de voir Albert Béguin converser avec Henri Ghéon exacerbait le côté possessif d'Edmond Jaloux. Il s'était entiché de Béguin et voulait l'avoir pour lui tout seul.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mauvais vouloir des Ruthènes

 

Un Ruthène, fût-il de Minsk, ne vous indiquera à aucun prix la rue Michelet.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Une facette incontournable de Du Bos

 

Évoquer Charles Du Bos sans parler de spiritualité, le voudrait-on qu'on ne le pourrait pas. D'ailleurs, personne n'a été assez stupide pour essayer. En un mot comme en cent, Du Bos était un chrétien travaillé par le doute. Son sentiment religieux était inséparable de son expérience esthétique. Oh, et puis merde, tiens.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Guillaume le Taciturne ment

 

Il est absolument indispensable d'espérer pour entreprendre et de réussir pour persévérer. Quand on n'espère rien, on reste dans son pageot à lire du Luc Pulflop, et quand on ne réussit pas, on envoie aux chiottes tout le saint-frusquin. C'est humain. Et ceux qui disent le contraire mentent.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 22 mars 2025

Des concepts au poil

 

Les concepts de volonté et de représentation, quand on est schopenhauerien, on les applique d'abord au monde, à la mer, aux forêts, puis une fois qu'on a pris le tour de main, aux roses que l'hiver prépare en secret. À condition de le faire très soigneusement, ça marche au poil.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Verve conceptuelle

 

Quand il était en verve conceptuelle, Kant écrivait des critiques (de la raison pure, de la raison pratique, de la faculté de juger) à rendre Edmond jaloux.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un critique très volatil


Pour le critique Georges Poulet, le moyen par excellence de cerner un auteur était d'étudier sa perception de la durée. Molière, Proust, Flaubert, Montaigne, Stendhal, tous furent les victimes de son zèle de maniaque. Poulet a écrit une tétralogie intitulée Études sur le temps humain. Coïncidence ? Le tétras est un gros gallinacé vivant dans les forêts de conifères.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Reconnaître les lithographes

 

S'il y a des avocats en robe discutant sur les marches du Palais de justice, c'est du Daumier. S'il y a des clowns, des acrobates et des dompteurs, c'est du Gavarni ; Marcel Campion, du tir à la carabine, de la barbe à papa, c'est du Forain.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 21 mars 2025

Adjurations daliniennes

 

René, Crevel ! Et toi, Pierre ! Reverdis ! Allez, quoi, un petit effort, merde, les gars !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Ton Taine

 

Chaque historien a son propre registre, sa propre musicalité. Comme il y a un ton Michelet, il y a un ton Taine. Il est amusant de noter que ce dernier était au départ un air pour cor de chasse, sur lequel Marion du Mersan, le père du célèbre numismate, écrivit en 1770 quelques vers qui eurent un grand succès. François Mitterrand, féru d'histoire comme on sait, aimait beaucoup le « ton Taine ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Tout le monde laid

 

Marguerite Duras trouvait Soupault laid, Cassou laid, tout le monde laid. Elle n'aimait personne. Vous pouviez lui dire que Cassou, quand même, était un poëte de l'essentiel (c'est-à-dire de l'immédiat et du spontané), et que quant à Soupault, ses romans étaient de grandes proses lyriques où évoluent des êtres transparents dans une atmosphère étrange, elle rétorquait qu'elle s'en « battait l'œil ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Exécration d'Anaïs Nin

 

La femme de lettres américaine Anaïs Nin était une exaltée qui se complaisait dans le salace et n'aimait rien tant que se donner en spectacle. Elle fréquentait quasi exclusivement des pots de pisse, parmi lesquels le suprêmement crispant Henry Miller. Pour toutes ces raisons et compte tenu de ces faits saillants, son Journal ne nous intéresse pas.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 20 mars 2025

On se pince

 

Entendre la de Beauvoir parler de la beauté, en plus pour affirmer que celle-ci se raconte encore moins que le bonheur... Non mais qu'est-ce qu'elle en sait, cette mijaurée ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Sinapisation du réel

 

Dans À vau-l'eau, Folantin sinapise. Il recouvre sa viande de moutarde pour la rendre à peu près comestible. Et c'est aussi ce que nous faisons avec la réalité empirique. Il faut bien trouver un moyen de l'avaler, astheûre.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Illumination gnostique

 

Soudain, la révélation : l'endroit où l'on se trouve, c'est le Plérôme. Les autres ne sont pas des pots de pisse, on les a calomniés, ce sont des éons. Certains procèdent de l'intellect et de la vérité, d'autres du logos et de la vie. Mais d'où qu'ils viennent, ces éons ont tous en commun de puer du fiacre.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Attention à la gaffe

 

Il est moins aisé qu'on ne le croit de ne rien dire d'intelligent. Il faut se surveiller caïman en permanence. Un seul moment d'inattention et... c'est le drame.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mercredi 19 mars 2025

Barrage au Moi

 

Pour contrecarrer les menées occultes du Moi, il faut faire comme disait Cioran : n'exercer aucun métier ; rester allongé et gémir. Le Moi n'aime pas ça, il perd tous ses moyens. C'est un vrai céoène.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Coquillettes non, macaronis oui

 

L'auteur d'Antigone et du Voyageur sans bagage n'aimait pas les coquillettes. Par contre, les macaronis, il aurait fait des kilomètres pour en manger. Il y a des gens comme ça ; des gens à macaronis. Ne faut-il pas de tout pour faire un monde ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)