« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
lundi 22 octobre 2018
Abomination
Peu importe à l'homme du nihil de savoir qui a conçu l'abomination que les philosophes nomment « réalité empirique », ni pourquoi elle est là, car il faut lui rendre cette justice qu'elle est d'une laideur assez éloquente pour frapper d'inutilité toutes les explications possibles. Le fait est qu'elle est là, qu'elle s'est introduite par force dans son « conscient intérieur », et le scandale est grand.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Oubli coupable
Vers 249 avant notre ère, un troisième concile bouddhique — genre de colloque de Cerisy avant l'heure — se déroule à Pataliputra, sous l'impulsion du roi Asoka. Les disciples y abordent les thèmes de l'existence de l'âme, tentent de mettre au point une certaine orthodoxie du bouddhisme et définissent le Moi « un empilement incertain, bringuebalant et sans cesse compensé » — ce qui ne laisse pas d'évoquer une motocyclette chargée de cages à poules. Cependant, inconcevable oubli que devra réparer l'homme du nihil, ils omettent de définir aucun protocole de dilacération du Moi ! — Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Travail intérieur
La paix que procure l'idée de l'homicide de soi-même n'est pas donnée par la nature, dès l'abord, complète. Elle suppose un travail intérieur — par exemple sur un « matelas-tombeau » à la Heinrich Heine — où l'homme affronte sa peur de vivre et de mourir.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Désabusement précoce
« J'ai eu, mes amis, l'âme vitriolée dans ma jeunesse. Rien de frais n'y subsiste, hormis peut-être quelques sardines embouquées dans les méandres de mon être-là, et une fiole de vin résiné. »
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Propitiation
On croirait presque surprendre un rite à voir le suicidé philosophique charger son revolver Smith & Wesson ; et la cartouche de calibre .44 russian qu'il place avec soin dans le barillet prend tout à coup un air d'antiquité extrême et un sens propitiatoire.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Mangeur d'hommes
Le tigre habite le sud de l'Asie, Sumatra et Java. Sa livrée, d'un beau jaune orangé, blanchâtre au ventre, est marquée de zébrures noires. Le tigre est, avec le lion, le plus puissant des carnassiers ; il est nocturne, se tient dans les forêts marécageuses, au voisinage des cours d'eau. Il attaque particulièrement l'homme ; de là le nom de mangeur d'hommes, qu'on lui a donné dans la région indienne, où il dépeuple les districts.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Silence
Notre silence n'est en général, si l'on peut dire, que la cessation du bruit, mais dans la pensée de l'homicide de soi-même règne un silence d'une telle profondeur que personne ne consent à l'endurer plus d'une trentaine de secondes. Car non seulement on y entend le bruit de tam-tam que font les battements du cœur, mais le craquement amplifié des os à chaque mouvement, et le sifflement du sang dans le viscère. Cela inspire des sentiments mélancoliques et même de l'horreur.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
dimanche 21 octobre 2018
Parties rares, parties maigres
Une partie d'un espace topologique est dite rare si le complémentaire de son adhérence est partout dense. Une partie maigre est une réunion finie ou dénombrable de parties rares. — « Ah bon ! » s'exclame l'homme du nihil, rassuré.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Préparatifs
« Il faut que le suicidé philosophique, après avoir bien étudié la configuration de son Moi, l'ait tellement présente à la mémoire, qu'il puisse, sans la voir, en donner un dessin exact ; car les parties molles, le sang, le pachynihil, masquent les circonvolutions et les anfractuosités que le couteau doit parcourir ; il ne pourra donc pas être, en général, convenablement dirigé, sans la condition que nous venons d'énoncer. » (Jacques Lisfranc, Précis de médecine opératoire, Paris, 1846)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Liqueur antiputride
« On conçoit que la partie dominante de la liqueur de M. Faure de Beaufort étant l'acide vitriolique, la propriété qu'a cet acide de s'unir aux parties alcalescentes et de les neutraliser la rend propre à prévenir ou même à corriger la corruption du Moi. La plupart du temps, une cuillerée à soupe de cette liqueur suffit à subjuguer entièrement et définitivement le "sinistre polichinelle". » (Lavoisier, Rapport sur un moyen d'éviter la corruption du Moi, 1773)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Sur les traces de Péladan
L'exercice défécatoire me rapproche des mystagogues et illuminés.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Assez
À quoi bon tenter d'appliquer des critères de pathologie à l'attitude de l'homme qui refuse de sortir de son lit le matin et se cache sous sa couverture ? À quoi bon le traiter de fléau dangereux, de fâcheux choléra, de vieux rat mort, de gâteux sans remède, de vil insecte, de potiron ? Il n'en a cure et nulle puissance au monde ne le fera bouger. Il en a tout simplement assez.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Macération
Dans un essai de son recueil Fragmentarium, Mircea Eliade rappelle que « la saleté du corps, le grouillement des parasites, les haillons, les maladies dégoûtantes (lèpre, lupus, gale, etc.) sont recommandés par de très nombreuses techniques ascétiques, au moins comme exercices préliminaires. » Cela est vrai, sans doute, mais quant à l'homme du nihil, il fait fi de tels stratagèmes. La temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, l'haeccéité suffisent à sa macération.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Règle numéro 9
Comme Ribemont-Dessaignes, conserver le sens du sarcasme et s'interroger incessamment sur le mystère indéchiffrable de l'univers.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
samedi 20 octobre 2018
À vous rendre maboul
Comme le panoptique des frères Bentham, l'haeccéité crée un angoissant « sentiment d'omniscience invisible » chez celui qui en est affecté, car il ne peut jamais savoir s'il est observé ou non.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Fait religieux
Les moines camaldules portent l'habit blanc et la barbe pleine, au dire de Gragerfis.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Une affreuse maladie
« C'est avec un juste sentiment de défiance dans mes forces que je viens vous entretenir de l'idée du Rien, maladie dangereuse et dégoûtante à la fois, qui condamne ceux qu'elle atteint à vivre loin du monde, à charge de la société ainsi qu'à eux-mêmes ; qui les fait languir dans des infirmités repoussantes, et les fait souvent mourir dans un marasme affreux. » (Guillaume Dupuytren, Leçons orales de clinique chirurgicale, Vol. 4, Germer Baillière, Paris, 1839)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
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