« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
jeudi 21 février 2019
Sac du céphalopode
23 juillet. — « Le corps du polype étant organisé sur le type de celui des céphalopodes de grand calibre, des poulpes, des seiches, des calmars, le fourreau dans lequel il naît enveloppé, et dont il est la continuation, même après son ossification complète, ne saurait rencontrer un analogue plus frappant que dans le sac du céphalopode, grande enveloppe dont le céphalopode est la continuation, et qui en emprisonne toute la moitié inférieure. Ce sac, il est vrai, ne s'ossifie jamais et ne se transforme jamais en coquille dans les trois genres que nous venons de citer ; mais il devient coquille chez l'argonaute, comme le manteau membraneux de la limace devient coquille chez le colimaçon, comme le fourreau calcaire du polypier des corallines reste cartilagineux chez l'alcyonelle et chez les gorgones ; et cela par la seule ossification d'un organe externe, par la seule incrustation calcaire du réseau lymphatique, qui circule autour de toutes les petites cellules du tissu. Les céphalopodes sont donc des polypes isolés, comme la plupart des polypes sont des céphalopodes ramifiés. » (François-Vincent Raspail, Nouveau système de chimie organique, Paris, J.-B. Baillière, 1833)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Entre deux mondes
La Weltanschauung du constipé est double : elle oppose au monde où le Dasein vaque librement à ses occupations, exerce une activité sans conséquence pour son salut, un domaine où la crainte et l'espoir le paralysent tour à tour, où, comme au bord d'un abîme, le moindre écart dans le moindre geste, la moindre carence en fibres, solubles ou insolubles, peuvent infiniment le perdre. Ce domaine ténébreux, festonné de toiles d'araignée, où celui qui entre fait bien d'abandonner toute espérance, est celui des terribles « goguenots ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Belette
31 juillet. — Plutarque remarque que les Thébains honoraient la belette, tandis que les autres Grecs regardaient sa rencontre comme un présage funeste. On prétend que sa cendre, appliquée en cataplasme, guérit les migraines et les cataractes.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mercredi 20 février 2019
Djoudjou
L'être consacré au Rien — le fameux « homme du nihil » de Raymond Doppelchor — peut n'être, par cette consécration, nullement modifié dans son apparence. Il n'en est pas moins transformé du tout au tout. À partir de ce moment, la façon dont on se comporte à son égard subit une modification parallèle. Il n'est plus possible d'en user librement avec lui. Il suscite des sentiments d'effroi et de vénération. Il se présente comme « interdit » (djoudjou). Son contact est devenu périlleux. Un châtiment automatique et immédiat frapperait l'imprudent aussi sûrement que la flamme brûle la main qui la touche : le Rien est toujours plus ou moins « ce dont on n'approche pas sans mourir ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
La marée selon Végèce
30 octobre. — L'historien latin Végèce dit que le flux et le reflux sont une sorte de mouvement propre et de respiration de la mer. (Instit. rei milit., V, 12)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Investissement à fonds perdus
« C'est en effet une caractéristique de l'acte défécatoire qu'il ne crée aucune richesse, aucune œuvre digne de ce nom. Par là, il se différencie du travail ou de l'art. À la fin de l'opération, tout peut et doit repartir au même point, sans que rien de nouveau (ou presque) n'ait surgi : ni objet manufacturé, ni chef-d'œuvre de la statuaire, ni capital accru. La défécation est occasion de dépense pure : de temps, d'énergie, d'ingéniosité, d'adresse et souvent d'argent pour l'achat des accessoires (papier toilette) ou pour payer éventuellement la location du local. » (Edmond Chassagnol, Théorie du trop-plein)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
mardi 19 février 2019
Un maître du drapé
Le suicidé philosophique est un artiste reconnaissable aux libertés qu'il prend avec l'iconographie traditionnelle — où il insère des élégances gothiques, des finesses teintées de byzantinisme —, et au caractère dramatique lui venant de Giotto.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Congre toujours
22 décembre. — « On prenait, du temps d'Aristote, des congres dont la longueur égalait 14 à 15 coudées ; et, suivant Eudoxe, dans Athénée, on en voyait près de Sicyone qu'un homme pouvait à peine porter, d'autres, qui étaient aussi longs qu'un chariot ordinaire. Quand ils atteignaient cette étonnante dimension, les Grecs leur donnaient des noms particuliers. Ils avaient remarqué que les congres se nourrissaient de polypes. À cette occasion, Aristote observe que si l'on trouve de ces derniers dont les bras soient rongés, ce sont les congres qui les ont ainsi mutilés. » (M. Baudrillart, Traité général des eaux et forêts, chasse et pêche, Paris, Arthus Bertrand, 1827)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Lime sourde
« L'idée du Rien est une lime sourde » a écrit Montesquieu quelque part, voulant dire par là, et le disant très bien, que la lueur du pachynihil, destinée à vaincre un jour les menteuses ténèbres de la « réalité empirique », ne progresse que lentement et sans faste.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Streptobacille
Le streptobacille est un bacille qui forme des colonies en chaînes. Des streptobacilles fécaux.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
lundi 18 février 2019
Mélancolie angloise
26 juillet. — « Il est assez commun de voir les mélancoliques se donner la mort, lorsque leur maladie est portée au plus haut degré ; mais la mélancolie angloise diffère des autres, en ce que ceux qui en sont affectés prennent la résolution de mettre fin à leur vie sans donner aucune marque de fureur, ou sans avoir aucun chagrin grave ; et souvent l'ennui de la vie ne paroît pas dépendre chez les Anglois d'une maladie. » (William Cullen, Éléments de médecine pratique, Paris, Méquignon, 1787)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Définition du « faire »
« Sous l'angle de la forme, on peut donc, en bref, définir la défécation comme une activité libre, située en dehors de la vie courante, capable néanmoins d'absorber totalement le sujet déféquant ; une action qui s'accomplit en un temps et dans un espace expressément circonscrit — les "goguenots" —, se déroule avec ordre selon des règles données et suscite dans la vie des relations de groupe s'entourant volontiers de mystère ou accentuant par le déguisement leur étrangeté vis-à-vis du monde habituel. » (Edmond Chassagnol, Théorie du trop-plein)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Sus à la chose sue !
S'il faut vivre, que ce soit du moins en pourfendant la « réalité empirique », un peu à la manière du Quichotte.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Trombidion
29 septembre. — « Les trombidions ont le corps mou, cancriforme, couvert d'un duvet soyeux très serré assez long, qui le fait paraître comme velouté. On remarque le trombidion des teinturiers d'une belle couleur rouge, le trombidion satiné, ovale, légèrement aplati, mollasse, d'un rouge de carmin, soyeux et comme satiné, dans les prés et les gazons un peu secs. Nous avons expliqué la couleur rouge des trombidions par la nature pierreuse ou argileuse de leur substrat ; peut-être serait-elle plus justement rapportée à leur parasitisme. » (J.-A. Agnès, Harmonies de la nature ou recherches philosophiques sur le principe de la vie, Saint-Servan, Aristide Le Bien, 1861)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
dimanche 17 février 2019
Constipation et révolution
Les révolutionnaires ont toujours soupçonné la constipation de porter les esprits à un désespoir stérile et à on ne sait quelle angoisse métaphysique qui détourne l'attention des injustices d'ici-bas, qu'ils désirent abolir, et de la condition des misérables, qu'ils sont pressés de transformer. Ils accusent ce désordre intestinal de provoquer d'obscures et vaines rêveries qui font apparaître à la fin tout effort — et pas seulement celui de « faire » — absurde et insensé. Va-t-on impunément laisser le « Suisse », par son mauvais vouloir, miner le moral des ouvriers de l'avenir?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Exostose
L'idée du Rien, exostose où s'agglutinent les récréments de l'âme.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Un mollusque roublard
27 juillet. — « Le plus rusé des mollusques, selon Aristote, est la seiche. Elle ne jette pas seulement son encre quand elle a peur, comme le polype et le calmar, mais elle se sert de cette liqueur qu'elle a en grande abondance et qui est fort noire, soit lorsqu'il faut échapper à la main du pêcheur, soit lorsqu'elle veut attraper les poissons en se rendant invisible. Elle saisit alors de gros poissons et même des muges. » (Armand Gaston Camus, Notes sur l'Histoire des animaux d'Aristote, Paris, Desaint, 1783)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Un pionnier de la nihilologie
En 1933, le recteur de l'université de Leyde, J. Huizinga, choisit pour thème de son discours solennel : L'Idée du Rien chez Raymond Doppelchor. Il en reprit et en développa les thèses dans un travail original et puissant publié en 1938, Homo nihilensis. Cet ouvrage, contestable en la plupart de ses affirmations, n'en est pas moins de nature à ouvrir des voies extrêmement fécondes à la recherche et à la réflexion. C'est en tout cas l'honneur durable de J. Huizinga d'avoir magistralement analysé plusieurs des caractères fondamentaux de l'idée du Rien et d'avoir démontré l'importance de son rôle dans le développement même de la civilisation.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Détachement cupressiné
Fastigié tel un cyprès, indifférent à la logique des cupulifères, je languis dans le hamac de l'haeccéité.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
samedi 16 février 2019
Algèbres de quaternions
28 septembre. — Arrivé hier, un petit volume d'André Blanchard que je ne possédais pas : Les corps non commutatifs (Presses Universitaires de France, 1972). Bonheur de retrouver cet algébriste désenchanté, si proche, par la manière et par l'esprit, de Calaferte ou de Perros, autres dyscoles au grand cœur et à la plume alerte. La couverture est hideuse, mais le livre — tel les « silènes » de Rabelais — est au-dedans plein d'une « celeste et impreciable drogue » — du moins pour qui s'intéresse à la chose mathématique.
Au hasard, ce portrait express des algèbres de quaternions, qui résume fort justement la duplicité — au sens premier du mot — de ces structures :
« Une algèbre de quaternions n'est pas toujours un corps, même si on ne considère que le cas non dégénéré. Le théorème I-5 précisera la structure des algèbres de quaternions non dégénérés. »
Bien vu. C'est dit en trois lignes. Les algèbres de quaternions sont des objets mathématiques qu'on admire — admirer « se dit aussi de la surprise que cause ce qui paraît extrême, excessif dans son genre » selon l'Académie —, mais qui ne suscitent guère de sympathie.
André Blanchard est, au contraire, de ceux qu'on aurait aimé connaître, pour ses « révoltes logiques », ses vacheries, ses faiblesses, sa pudeur ou sa mélancolie... Pour son humanité. Simplement.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
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