samedi 23 octobre 2021

Oxygène de la possibilité

 

S'il n'y avait que les animaux, les végétaux et les minéraux — autrement dit la « réalité empirique » —, la terre serait tout à fait inhabitable. Heureusement, il y a aussi le vocable reginglette.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 22 octobre 2021

Feu

 

« Mon vieux Mimile, Lao Tseu dit qu'il ne faut dépendre de rien ni de personne. Que c'est une condition nécessaire pour que le Moi puisse "exulter dans sa solitude circulaire".
— Mais enfin, Dédé ! C'est impossible ! On est toujours dépendant de quelque chose.
— Pas du tout. Il suffit d'être, comme on dit, "décédé".
— Tu veux dire décidé ?
— Non. Décédé. Mort. Défunt. Feu.
— Ah. Feu. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 20 octobre 2021

Morphosyntaxe et homicide de soi-même

 

Selon Gragerfis, on peut, en ingérant du taupicide ou en se pendant avec une ficelle attachée à un crochet fixé dans le mur ou au plafond, établir de façon convaincante que les règles qui régissent la morphosyntaxe spécifique du verbe être au sens d'« exister » ne représentent qu'une application particulière des règles générales qui gouvernent la morphosyntaxe de ce même verbe au sens de « se trouver ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 19 octobre 2021

Par qui ?

 

Dans sa Théorie du trop-plein, l'existentialiste puydômois Edmond Chassagnol définit la vie « une aventure malplaisante destinée à donner à l'homme la nostalgie du non-être ». Mais une aventure infligée par qui ? Quel démiurge pervers peut-il bien s'amuser de la sorte ? Voilà ce qu'il faudrait savoir et que Chassagnol ne nous dit pas !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 18 octobre 2021

Chaussettes

 

Jeune, on rêve d'une vie héroïco-tragique, imbue d'une poésie sublime, ornée de danses et de chants. Puis l'on s'aperçoit que la vie réelle n'est faite que de détails sordides et de trivialités misérables (par exemple les chaussettes). La déception « fait alors trembler la voix du sens, selon un grondement d'apocalypse qui semble s'éteindre dans la clameur de sa propre fin » (Gragerfis).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 17 octobre 2021

Preuves vivantes

 

Ce que dit Gabriel Marcel à propos du Christ, on peut également le dire — de façon au moins aussi convaincante — à propos du Rien : il y a des êtres chez lesquels on sent la réalité du pachynihil tellement vivante qu'il n'est pas permis de douter.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 13 octobre 2021

Plus beau des arts

 

« Homicide de soi-même ! Le plus beau des arts ! Dix grammes de taupicide (en une seule prise), et nous voilà tout proches de la divinité. » (Guillaume Apollinaire, La Femme assise)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 10 octobre 2021

Interlude

 

Le chanteur Serge Lama, pour ne pas rester « seul avec son désespoir », se plonge dans l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor.

samedi 9 octobre 2021

Lunatisme gidien du nihilique

 

Une immense pitié et un immense dégoût : voilà les sentiments qu'inspire le « monstre bipède » à l'homme du nihil. Un jour c'est la pitié qui l'emporte, un autre jour le dégoût — selon qu'il y a de la lune ou qu'il n'y en a pas.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 6 octobre 2021

Consolation par le vocable

 

Rien ne nous console de la misère d'exister, si ce n'est la beauté de vocables tels que reginglette et forcipressure dont la folle poignance nous fait « entrevoir l'essentiel » (comme dirait Cioran).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 5 octobre 2021

Puanteur

 

Le nihilique transporte partout avec soi le cadavre de la réalité empirique, et comme ce dernier finit par sentir, on ne l'invite plus dans les coquetèles — mais le nihilique, qui s'est habitué à l'odeur, ne comprend pas pourquoi. 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 4 octobre 2021

Chimie organique et homicide de soi-même

 

Le chimiste Kekulé von Stradonitz, connu pour avoir découvert la formule développée du benzène, nécessite une solide enquête.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 3 octobre 2021

Interprétations divergentes


Lao Tseu prétend que la solitude est une prison. Mais Gragerfis dit qu'il se trompe et que c'est plutôt une tête de chien couché.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 30 septembre 2021

Un vocable pernicieux

 

« Ah ! Monsieur, on ne se méfiera jamais assez du vocable zingibéracé. Il prépare immanquablement le règne de la confusion, de l'anarchie, et de toutes les déviations mentales et sentimentales. » (Marcel Aymé, Le Confort intellectuel, 1949)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 29 septembre 2021

Un démiurge sarcastique

 

Dieu créa l'homme du nihil et, ne le trouvant pas assez seul, il créa le « monstre bipède » pour lui faire mieux sentir sa solitude.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 25 septembre 2021

Genèse

 

Au commencement était le verbe acerchier (qui signifie parcourir, fouiller, chercher). Puis vinrent quelques adjectifs : gloméruleux, exophtalmique, zingibéracé... Enfin parut le vocable reginglette : les jeux étaient faits, rien n'allait plus.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 24 septembre 2021

Déchéance

 

On a trente ans, puis quarante, puis cinquante, etc., et on se transforme insensiblement en « vieux jeton ». C'est intolérable, il y a de quoi devenir maboul, mais personne ne dit rien. Tout le monde fait « jore ». Oh, bon Dieu !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 23 septembre 2021

Bon à rien

 

Pour agir, il faut une forte dose de fatuité. Un homme sans prétention un homme « à la bonne franquette », qui ne brigue pas le titre glorieux de « Dasein », un homme dans le genre de celui dit « du nihil » — n'est bon à rien. Ou plutôt, il n'est bon à presque rien — car il peut toujours ratiociner sur l'haeccéité, la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel, et cetera, et ça, ce n'est pas exactement « rien ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 22 septembre 2021

What the world needs now

 

L'homme n'est pas fait pour vivre longtemps : il est vite corrompu par la « réalité empirique » et son hideux cortège de « phénomènes ». Le monde n'a besoin que de jeunesse et de suicidés philosophiques.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 21 septembre 2021

La paix maintenant

 

Avez-vous jamais essayé de convaincre une bourrelle de sa vilenie ? Impossible, direz-vous. Et ça l'est en effet. Ce que l'on peut faire, en revanche, c'est mettre un terme définitif à la vilenie de ladite bourrelle en l'amenant à avaler du taupicide. Pour y parvenir, la technique consiste à lui tirer l'oreille pour l'obliger à desserrer la mâchoire. La bourrelle ne récrimine guère, c'est tout juste si elle maugrée vaguement, heureuse de s'en tirer à si bon compte. Son éloquence ravalée avec le pharmakon, elle n'émet que des borborygmes avant de se taire à jamais.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 20 septembre 2021

Contamination langagière

 

D'après Gragerfis (Journal d'un cénobite mondain), l'homme du nihil, de retour d'un bref séjour à Bondy (Seine-Saint-Denis), montrait un comportement des plus bizarres. Il accusait le réel de le « mal regarder », il lui intimait l'ordre de « baisser les yeux », et quand le réel s'exécutait, il s'écriait : « Voilà ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 15 septembre 2021

Prière

 

Les êtres nobles aiment rarement la vie, ils lui préfèrent le pachynihil. Ceux qui se contentent de la vie et se livrent avec délices à de coupables exsufflations sont toujours des ignobles. Seigneur ! épargnez-nous de ressembler à l'affreux « monstre bipède » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 13 septembre 2021

Agression chosesque

 

On se croit complètement désabusé, on pense s'attendre à tout, être revenu de tout, quand soudain surgit... une théière ! Oh, bon Dieu !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 12 septembre 2021

Un imposteur

 

Considérez un homme taraudé incessamment par l'idée du Rien. Pouvez-vous l'imaginer un seul instant se livrer au canotage ? Non. Bien sûr que non. Pourtant, le satiriste roumain Emil Cioran, qui passe pour le champion toutes catégories de la désespérance nihilique, écrit (dans ses Aveux et anathèmes) : « Étang de Soustons, deux heures de l'après-midi. Je ramais. » Je RAMAIS ! — Conclusion ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 11 septembre 2021

Aux chiottes les phénomènes

 

« Le réel est un salop et je le crèverai » aurait déclaré le « penseur privé » Robert Férillet au phénoménologue Edmond Husserl au cours d'une réception pour les soixante-dix ans de ce dernier. Avant d'ajouter : « Aux chiottes, les phénomènes ! » — D'après Karl Jaspers qui assistait à la scène, le philosophe en resta « comme deux ronds de frite ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 10 septembre 2021

Synthèse

 

Pour qui sait lire entre les lignes, tout ouvrage de littérature peut se résumer en une phrase : « Untel est un salop et je le crèverai. » Shakespeare, Cervantes, Dostoïevski, Flaubert, et avec eux tous les écrivains depuis l'Antiquité, n'ont finalement écrit que cela : « Untel est un salop et je le crèverai. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 9 septembre 2021

Accumulation d'opprobres

 

Comme si l'haeccéité, la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel ne suffisaient pas à son malheur, l'homme du nihil habite encore dans des « territoires » situés dans la « France périphérique » et est un « perdant de la mondialisation » (comme l'écrivain portugais Fernando Pessoa, for that matter).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 5 septembre 2021

Réminiscences littéraires

 

Confronté à la vilenie, à la bassesse, à la méchanceté pharamineuse d'une bourrelle qui l'a trahi après l'avoir tourmenté jusqu'à le faire tourner en bourrique, l'homme du nihil ne peut que s'exclamer, comme le rêveur de la fiction de Jean-Paul (la Nuit du nouvel an) : « Vieille bique ! Va te faire voir chez Plumeau ! » Et encore (un ajout de son cru) : « Carogne ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 3 septembre 2021

Persécuté

 

Quand on lui demande pourquoi il pense que le réel lui en veut personnellement, l'homme du nihil mentionne ordinairement « les emballages à ouverture dite facile ». Mais il dispose de pléthore d'autres preuves !

(Fernand Delaunay, Glomérules)