mercredi 12 janvier 2022

Un faux dur

 

Après avoir lu de nombreux écrits d'Émile Cioran, l'homme du nihil en arriva à la conclusion que le penseur des Carpates était ce qu'on appelle un « faux dur » : il se propose sans cesse d'étrangler, d'exterminer, de décapiter, mais au final il ne fait rien. Rien que se lamenter, comme avant lui le prophète Jérémie — ou le philosophe Heidegger quand il fut frappé de « constipation conceptuelle opiniâtre ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 11 janvier 2022

Égyptologie

 

Alors qu'il contemplait le buste de Mérytaton au musée du Louvre, l'homme du nihil formula in petto deux interrogations que l'on pourrait qualifier de leibniziennes. La première : et si cette Mérytaton était la reine qui succéda à Akhenaton sous le nom d'Ânkh-Khéperourê et épousa Smenkhkarê avant la nomination de Toutânkhamon ? La deuxième (la plus leibnizienne des deux) : pourquoi y a-t-il en général de l'étant, et non pas plutôt rien ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vie intérieure

 

Gerfaut moderato, xéranthème xénotropique, mucron nodal, radicelles gamosépales, forcipressure sécante et déférente, pittosporum... Ces mots circulent dans la pachyméninge du sujet pensant comme les troupeaux de vaches de l'Inde, faméliques, improductives et sans propriétaire, mais que personne n'ose éliminer.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 10 janvier 2022

Une engeance diabolique

 

Les « gens de lettres » sont une secte satanique. Sous prétexte de nous exposer leurs traumatismes d'enfance et leurs états d'âme, ils font « en loucedé » la promotion de leur Moi, ce qui revient exactement à faire l'apologie du malin — car le Moi n'est rien autre chose que le diable. Boycottons ces scélérats, et s'il faut lire, ne lisons plus que l'annuaire des marées.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 9 janvier 2022

Pivois

 

Par la voix de son double — son « homme du souterrain » —, l'écrivain russe Dostoïevski dit qu'il se moque que le monde s'écroule pourvu qu'il boive son thé. S'il pense de même, l'homme du nihil remplace le thé par un « effrayant pichtegorne » qui, même accompagné de charcutaille et de fromage, lui donne des aigreurs d'estomac mais l'aide un tant soit peu à voir « la vie en beau ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 6 janvier 2022

Immortalité

 

À tous ceux qui publient des livres dans l'espoir de gagner un semblant d'immortalité, l'homme du nihil suggère plutôt d'écrire « Kilroy was here » sur le mur des doubles-vécés. C'est tout aussi efficace mais un peu moins fatigant et nettement moins ridicule.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Troisième voie

 

D'après le philosophe Jankélévitch, « on ne peut pas être à la fois tout et quelque chose ». Très bien, mais il y a une troisième possibilité, et c'est celle qu'exploite à fond l'homme du nihil.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 5 janvier 2022

Un Gilles de Rais subcarpatique

 

 « Ma vision de l'avenir est si précise que, si j'avais des enfants, je les étranglerais sur l'heure. » — Quel monstre faut-il être pour dire une chose pareille ? Honte à toi, Cioran ! Va te cacher dans une grotte des Carpates ! — Des enfants ! Des petits marmousets ! Ça ne va pas la tête ? 


(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 4 janvier 2022

Enough !

 

Même si cela a déjà été dit et ressemble à une évidence, on peut le répéter : tout a déjà été dit. Et l'on peut donc sérieusement douter que le monde ait besoin d'un livre de plus. Ça suffit, maintenant, les « littérateurs » !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 3 janvier 2022

Sancta simplicitas

 

Il semblerait que certaines personnes pensent que le temps existe simplement parce que leurs cheveux blanchissent. « Regardez, je suis soumis au vieillissement, donc le temps existe ! » — Mais vos cheveux n'existent pas plus que le reste ! Couillons, va !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Limites du scepticisme

 

Quand on a mal aux dents, on a beau se répéter que ni l'espace ni le temps n'existent « pour de vrai », que la « réalité empirique » est une coquecigrue, que tout est irréel, on a tout de même envie de se taper la tête contre les murs.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 2 janvier 2022

Escapism

 

Quel meilleur moyen que l'homicide de soi-même pour « fausser compagnie au temps » ? Mais y en a-t-il même d'autres ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Altruisme nihilique

 

Selon Gragerfis, l'homme du nihil, en décrivant à l'aide de mots — et non de simples grognements ou gémissements — sa « descente dans le maelström », avait l'espoir que cette description puisse aider en quelque manière un hypothétique lecteur en proie lui aussi à l'angoisse du pachynihil — comme il avait lui-même été aidé dans sa jeunesse par la lecture de l'Inferno de Strindberg. — « Mais en quoi des vocables tels que gloméruleux, lagéniforme et zingibéracé pourraient-ils aider qui que ce soit ? » questionne le sarcastique Gragerfis.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 1 janvier 2022

Sans issue

 

Attachement, détachement, tout ici-bas conduit à l'homicide de soi-même.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 31 décembre 2021

Les damnés

 

Seul celui qui vit de ses rentes peut se payer le luxe de traiter la « réalité empirique » comme elle le mérite : comme une vaine fumée. Les autres, ceux qui « exercent un métier », sont bien obligés de faire semblant d'y croire. Mais c'est dur, oh, c'est bien dur !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 30 décembre 2021

Pandémonium

 

Jean Castex, Olivier Véran, Gabriel Attal : « monstres dont à regret je cite ici le nom » 1.

1. Racine, Bérénice, acte II, scène 2.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Prix de la mal-pensance

 

L'homme du nihil a été plusieurs fois averti qu'il serait banni de la société des hommes s'il persistait à tenir des « discours haineux » à l'endroit du Grand Tout. Mais c'est plus fort que lui, c'est ça qu'ils ne veulent pas comprendre !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 29 décembre 2021

Malheuleux superlatif

 

Kierkegaard était malheuleux ; Baudelaire était malheuleux ; Hölderlin était malheuleux ; Edgar Poe était malheuleux ; Tchekhov était malheuleux ; Fernando Pessoa était malheuleux ; le « Grandiloque des Carpates » était lui aussi, malgré tout, malheuleux. Mais l'homme du nihil est encore plus malheuleux que tous ces malheuleux. Car il n'a même pas le talent pour exprimer comme il le faudrait son « malheul ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 28 décembre 2021

Rectification

 

Contrairement à ce que prétend le satiriste roumain Émile Cioran, le premier mot qui vient à l'esprit, quand on descend dans la rue, n'est pas extermination mais xéranthème xénotropique (deux mots, en fait). C'est du moins ce que soutient Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Mort et immortalité

 

Comment ne pas avoir le « traczir » quand on constate que tout, ici-bas, est teinté de déliquescence et de mort ? Mais quand on essaie d'imaginer un monde où il en irait autrement, on est saisi de vertige. Le « monstre bipède » immortel ! L'horreur à l'état pur.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Interlude

 

Le compositeur Igor Stravinsky lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet. Cette lecture lui fut extrêmement pénible et il confiera plus tard à son ami Diaghilev que, s'il avait eu le choix, il aurait encore préféré passer une nuit sur le mont Chauve de Modeste Moussorgsky, voire une semaine dans les steppes de l'Asie centrale de Borodine.

lundi 27 décembre 2021

Les cruelles affres de la sénescence

 

Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis dit que la vieillesse est « le summum du caguant ». Il estime que vieillir est, au bas mot, cent fois plus caguant que mourir.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 26 décembre 2021

Moments de doute

 

Quand il n'est pas dans son assiette, l'homme du nihil en viendrait presque à douter si le concept de reginglette est véritablement capable de rendre compte de l'essence et des structures du réel (ou s'il ne faudrait pas lui préférer celui de zérumbet zététique).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 23 décembre 2021

Interview

 

« Homme du nihil, que faites-vous actuellement ?
— Après avoir, en quelque sorte, fait le tour du néant, je me suis donné pour mission de penser l'être. Prenant comme point de départ le concept de reginglette, je vais tenter une déduction logique et systématique du réel.
— Eh bien, il ne nous reste qu'à vous souhaiter bonne chance. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Littérature

 

Pourquoi écrit-on ? Pour faire l'intéressant, neuf fois sur dix. Mais si l'homme du nihil prenait la plume, ce serait pour une autre raison (il le jure à mortel) : ce serait pour dire qu'il n'est PAS CONTENT ; pour dire que TOUT ÇA (la vie, la temporalité du temps, l'haeccéité, les mégères difformes au faciès d'hippopotame) est UN PEU FORT DE CAFÉ. Ça le soulagerait peut-être ? 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Justice nulle part

 

D'après Gragerfis, l'homme du nihil envisagea un temps de porter plainte contre le Grand Tout pour « violences morales » (n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours). Mais la perspective de devoir expliquer tout ça aux « bourres » le découragea.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 22 décembre 2021

Un monde zingibéracé

 

Si l'on veut aller par là, tout, dans la vie, est « relatif au gingembre » : le binôme de Newton, les maladies des yeux, les manufactures de gants en tissu, les îles Féroé et le Groenland, tout — jusqu'aux questions métaphysiques et aux objets de la théologie.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Vers l'essentiel

 

À mesure qu'il avance en âge, l'homme, pour peu qu'il ne soit pas l'équivalent moral d'un babiroussa, se dépouille de ses illusions, se détourne de la « réalité empirique » et se pénètre de cette vérité que tout est vain (sauf peut-être certains vocables tels que lagéniforme et zingibéracé).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Substratum

 

Pour Maine de Biran, il y a sous le Moi une autre réalité qui sert de substratum à la réalité consciente. Par opposition au Moi, il nomme cette autre réalité « substance ». Robert Férillet croit également qu'il y a en dehors du Moi quelque chose qui échappe à la conscience et dont le raisonnement seul indique l'existence : le « pachynihil ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)