mardi 1 octobre 2024

Explosions


Humboldt raconte que lors de son séjour sur la côte de l'Équateur, le 4 janvier 1803, les détonations du volcan Cotopaxi ébranlèrent les fenêtres dans le port de Guayaquil, et qu'alors son secrétaire Bonpland fit semblant de croire que c'était lui, Humboldt, qui avait largué une série de caisses. La marrade !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pourquoi l'homme

 

La Bible raconte que Dieu a créé le monstre bipède mais elle ne dit pas pourquoi. La réponse est simple : le monstre bipède a été inventé pour nous faire chier. Par exemple, à la caisse d'un supermarché : il faut toujours qu'il prenne des articles où il n'y a pas le prix, cet abruti ! Ou encore pis, il veut une facture !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 30 septembre 2024

Souvenirs de Houilles (en banlieue)

 

Autant il est aisé de ressusciter une souffrance morale qu'on a subie il y a des années, autant pour une souffrance physique, c'est impossible : c'est comme si elle n'avait jamais existé. Elle nous en a fait baver des ronds de chapeau mais il n'en reste pratiquement rien ; juste un vague souvenir. Ça vaut peut-être mieux comme ça, ce sidi.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Sentiment du bonheur

 

Le bonheur est le sentiment d'avoir comparativement de la chance, et le malheur, celui d'avoir comparativement de la malchance. Une solution pour se trouver heureux est donc de ne se comparer qu'à des individus affublés de grosses dondons acariâtres et — cerise sur le gâteau — frappés d'un panaris. À supposer bien sûr qu'on ne le soit pas aussi soi-même.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Trois écoles

 

Pour détruire les pucerons, Pallade dit (De re rustica, liv. I, ch. 35.) d'employer le jus de jusquiame mêlé de fort vinaigre. Ferrari conseille (Flora, liv. III, ch. 4.) d'employer l'huile de pétrole. Doppelchor, quant à lui, propose une méthode toute différente : il préconise (Océanographie du Rien, ch. 3) de... se pendre. Car en se tuant, assure-t-il, on détruit le monde et les pucerons avec.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Naître en Belgique

 

Quoi qu'en disent certaines mauvaises langues dont le poëte Baudelaire, on naît en Belgique aussi bien qu'ailleurs. Il eût d'ailleurs été un comble que l'obstétrique fût négligée dans la patrie de Palfin. Prenez Henri Michaux, par exemple. Il est né à Namur.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 29 septembre 2024

Un fruit amer

 

Une fois inculpé par le juge Boizette dans l'affaire Pechiney-Triangle, c'est l'orange amère du désespoir que Roger-Patrice pela.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Nudisme existentiel

 

D'après Lawrence Durrell, ce n'est pas à Limassol qu'il faut se promener à poil de Nicosie, mais bel et bien à Paphos. Il y a moins de monde et on se fait moins remarquer.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une idée aux pommes

 

Au premier siècle de notre ère, rapporte Valère Maxime, quand on habitait Marseille et qu'on en avait marre de vivre, on pouvait se présenter devant le conseil des Six-Cents, et on expliquait aux « timouques » pourquoi on en avait marre. Si on était assez convaincant, ils vous fournissaient une potion à la ciguë et... adieu philosophie marcellienne. Pourquoi ça n'existe plus ? C'était pourtant bath, comme idée. C'était presque aussi « aux pommes » que les tableaux de peinture d'Eugène Boudin.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Période Ermanesse

 

Il n'y a rien de plus déplaisant qu'une personne qui lit des livres. Elle fait « jore » et veut péter plus haut que son boule. En plus, il faut voir ce qu'elle lit ! Si c'est pour lire du Hermann Hesse, autant aller se coucher.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 28 septembre 2024

Doctrine cynique

 

« Diogène de Sinope, selon Lucien, recommandait d'avoir un visage renfrogné, la mine barbare et les manières farouches ; d'avoir la parole rude et le ton de même ; de gronder tout le monde, de trouver à redire à tout ; d'être sans douceur, sans pudeur, sans humanité, et de vivre dans la foule comme s'il n'y avait personne. Il disait aussi que celui qui s'ennuie de vivre, il lui suffit de prendre un grain d'arsenic pour s'envoyer dans l'autre monde. Tout cela constitue ce qu'on appelle la doctrine cynique.
— Par ma foi ! Il y a plus de quarante ans que je suis cynique sans que j'en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m'avoir appris cela. »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Monde carré

 

Dans son épitaphe pour Dungal, Alcuin écrit : « Te precor, omnipotens quadrati conditor orbis », c'est-à-dire « Je te prie, tout-puissant créateur du monde carré ». Il tient pour acquis que la terre est carrée, mais contrairement à Bender, il ne suppose pas que nous vivons à l'intérieur — et on ne va sûrement pas s'en plaindre vu qu'on a déjà assez d'emmerdes comme ça.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Georges le méconnu

 

On ne sait trop si l'on doit classer Georges Chœroboscus parmi les rhéteurs — il n'a composé qu'un seul traité sur les figures, outre ses écrits qui appartiennent à la grammaire —, mais une chose est sûre, on doit le classer parmi les gens peu connus — moins connus que par exemple la chanteuse Beyoncé Knowles. Les grammairiens byzantins du IXe siècle, c'est simple, on dirait que tout le monde s'en fout. Presque autant que de Maritain.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Épitaphe

 

« Il vécut sous les empereurs iconoclastes et mourut exilé pour la foi orthodoxe. » Voilà une épitaphe qui pourrait nous convenir. Ça ne sonne pas mal. En plus, les gens croiraient que c'est saint Clément l'Hymnographe qui est enterré là, les céoènes.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 27 septembre 2024

Thons

 

Polybe, en parlant des pays d'Ibérie et de Lusitanie, dit que dans les profondeurs de la mer, il y a des chênes à glands dont se nourrissent et s'engraissent les thons. Quand il dit les thons, il ne veut pas dire les trumeaux, les mochetés, les cageots, non, il parle de Thunnus, le poisson océanique de la famille des scombridés. Pour lui, donc, les thons sont des espèces de porcs de mer qui, comme les cochons de terre, se nourrissent de glands. Il fallait y penser. Si ce n'est pas vrai, c'est bien trouvé.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Délit d'initié

 

Le suicidaire se sent devant la mort comme Roger-Patrice Pelat en face d'un paquet d'actions Triangle : il doit se dépêcher d'acheter tant que c'est bas et que personne n'est au courant. Et là, justement, c'est le bon moment. C'est Alain Boublil qui le lui a dit.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Système du Syncelle

 

Georges le Syncelle, dans sa Chronographie, affirme que « rien n'est », que « tout pue », et que « le réel est une grosse vache »  trois assertions qui provoquèrent aussitôt une levée de boucliers dans les milieux académiques. Comme l'a noté le professeur Barucchi, « par ce stratagème — celui de la grosse vache —, le système du Syncelle triomphe. Mais qui donc voudra se confier aux résultats d'une si puérile invention ? »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Thétis

 

Dans son Astronomie poétique, Hygin affirme que Hippé, fille du centaure Chiron, était appelée auparavant Thétis. Et toi, le ténébreux, le veuf, l'inconsolé, tu lis ça et tu te dis que, bon sang, tu es sans doute le seul dans ton lotissement à avoir connaissance de cet extraordinaire changement de nom — ce qui accroît encore ton intranquillité pessoaïenne et ta misanthropie.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 26 septembre 2024

Quiproquo comique

 

Selon l'historien Charles Rollin, la gorgée de bière de Delerm est d'une force, d'une vivacité, d'une éloquence auxquelles on ne saurait rien ajouter. — Ah non, excusez, il s'agit d'un quiproquo comique, Rollin parle en fait des harangues de Salluste. D'ailleurs il ne pouvait pas connaître ce couillon de Delerm vu qu'il est mort en 1741 — Rollin, c'est-à-dire.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Assez de Joseph K.

 

Si toute personne broyée par une machine bureaucratique aveugle et sourde s'arroge le droit de dire qu'elle est Joseph K., alors ça va vite devenir invivable, avec tous ces Joseph K. Un peu de pudeur, que diable, messieurs ! Et un peu de respect, tant que vous y êtes !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Ultime pince-fesse

 

Misanthrope comme on l'est, on tient les pince-fesses en une telle horreur que si ça ne tenait qu'à soi, on n'irait pas à son propre enterrement. On se ferait porter pâle ou on dirait qu'on doit aller au dentiste ou au coiffeur. Certes, on est si populaire qu'il est probable que personne ne viendra, mais attention : le risque zéro n'existe pas.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Bonne compagnie

 

Schopenhauer n'eût-il écrit que son apophtegme du porc-épic qu'il mériterait déjà de figurer au panthéon de la Pensée universelle (en compagnie de Raymonde-Élise Doise et de ses immortelles Vacances à Plomenez).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 25 septembre 2024

Philosophie et agronomie

 

Columelle dit qu'il faut qu'un jardinier et un laboureur ne soient guère moins savants en philosophie que Démocrite et Pythagore. Et de fait, pour s'occuper d'arbustres ou faire pousser des navets, il faut maîtriser certains concepts, ne serait-ce que celui de durée (Bergson) — vu que les navets, c'est comme les scorsonères, ça met un certain temps à arriver à maturité — et celui d'abritement (Heidegger) — en cas de risque de gelée. On pourrait aussi mentionner le concept husserlien d'intentionnalité anticipatrice mais ça suffit : on a compris, astheûre.

(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Oxymel

 

Lorsque la fièvre saisit une personne avant qu'elle ait fait la grosse commission, ou immédiatement après qu'elle ait mangé, elle doit se tenir en repos jusqu'à ce que les aliments soient descendus dans les intestins inférieurs, et boire en même temps de l'oxymel. C'est Hippocrate qui le dit. Il ne faut surtout pas oublier de boire de l'oxymel, c'est excrêmement important. L'oxymel est un sirop aigre-doux à base de vinaigre de cidre et de miel, aux vertus expectorantes et diurétiques. C'est aussi un incroyable basifiant de l'organisme — quoi que cela puisse vouloir dire.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

« Nous voulons être des barbares... »

 

Les Gélons buvaient le lait de leurs cavales, mais les Sicambres, eux, c'était pis : ils étaient carrément enfoncés dans leurs marais. Quant aux Alains, c'est encore autre chose, ils habitaient le Caucase. Une vraie bande de peigne-culs, ces barbares. Ça ne donne pas envie. On a bien fait de lire Sidoine Apollinaire, ça nous a évité de faire une connerie.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Awareness au néant de soi

 

Les gens, dans leur immense majorité, ne sont pas « aware ». Toi, tu es « aware » ; tu sais que tu n'existes pas, mais eux... Ils ont tout l'air de posséder une « personnalité ». Une « personnalité » qu'ils se sont donnée on ne sait pourquoi. Enfin, c'est ainsi... On ne va pas les refaire, hein. Si ça leur plaît d'être cons...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 24 septembre 2024

Vin de Capoue

 

Polybe dit qu'il naît à Capoue un vin excellent de l'anadendron, et qu'on ne saurait rien lui comparer. Cette phrase, « il naît à Capoue un vin excellent de l'anadendron et on ne saurait rien lui comparer », vous pouvez la répéter en vous-même quand tout va mal. Même si vous n'allez jamais à Capoue, même si votre vie est un vrai désastre, même si votre bonne femme s'est barrée avec un garagiste de La Bourboule, vous savez qu'au moins, là-bas, à Capoue... Là-bas, à Capoue, ce n'est pas pareil. Là-bas, il n'y a pas de garagistes, en tout cas pas de La Bourboule. Là-bas, le soleil brille. Là-bas naît un vin excellent de l'anadendron. Oh bon Dieu de bon Dieu !...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Régime du paysan polonais

 

Ce n'est pas qu'on ait tellement envie de savoir ce que mange le paysan polonais mais parfois, alors qu'on lit un livre qui parle de totalement autre chose, on tombe sur un passage décrivant le régime du paysan polonais et il faut y passer. Alors voilà. La nourriture ordinaire du paysan polonais (au début du XIXe siècle) se compose de différentes espèces de grains mondés, de pois et de pommes de terre. Il consomme aussi une quantité incroyable de choux, de carottes qu'il acidifie, de sauerkraut et d'autres antiseptiques. Par contre, pour ce qui est des aliments tirés du règne animal, que tchi ou presque que tchi. Voilà, on est content — façon de parler. La culture, « comme même » !...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Festin de pierres

 

L'allotriophagie est une dépravation de l'appétit qui porte à manger des substances non destinées à l'alimentation : terre, craie, sable, papier, cendre, etc. Le poëte Nerval, c'étaient les pierres. Il en avalait journellement une grande quantité. Ses amis lui disaient : « Alors Gérard, quoi, on bouffe des pierres ? » Mais ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Il se fichait de ce que les gens pensaient de lui. Déjà qu'il écrivait des poëmes et que son luth constellé portait le soleil noir de la mélancolie, alors une bizarrerie de plus ou de moins...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)