mercredi 26 février 2025

Découragement

 

Alors que nous avions formé le projet de nettoyer un peu notre carrée, une intuition bergsonienne — ou camusienne ? — nous annonce que notre avenir sera fait d'ennuyeuse monotonie, de paroles superflues et de solitude — avec la mort au bout. Puisque c'est ainsi, nous passerons plutôt l'aspirateur demain (ou un autre jour).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

De l'amitié

 

Les gens qui ne vous connaissent pas, vos déboires ne leur font ni chaud ni froid. Il n'y a vraiment que ceux qui vous connaissent pour s'en réjouir. Et tenez-vous bien : mieux ils vous connaissent, plus ils jubilent !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mardi 25 février 2025

Un Garcimore du symbolisme

 

Pour amuser les invités qu'il recevait au 89 rue de Rome, Mallarmé avait appris un tour de magie. Il disait « une fleur ! » et, hors de l'oubli où sa voix reléguait aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les calices sus, musicalement se levait, idée même et suave, l'absente de tous bouquets. Oscar Wilde, Maurice Barrès, Paul Claudel, tout le monde était soufflé.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Fausse rumeur


Hygin conteste la rumeur selon laquelle la Pythie de Delphes boulottait en se rendant à ses audiences.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Verdict

 

Constat ayant été fait que l'œuvre de Michel Foucault constitue pour lui une référence ; qu'il a par ailleurs été influencé par Derrida, Guy Debord, Hannah Arendt, Carl Schmitt et l'historien de l'art Aby Warburg ; le sieur Agamben Giorgio est condamné à recevoir les verges « cul nu ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Du Le Nain

 

Blanchot et Bataille jouant au trictrac pendant qu'à une autre table Leiris et Klossowski discutent de la sémiotique pulsionnelle de Nietzsche autour d'un pichet de pichtegorne, ce n'est pas du Daumier, c'est du Le Nain.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

lundi 24 février 2025

Imitation de Pascin


À l'instar des dessins et tableaux de Pascin, notre « conscient intérieur » est nimbé d'une indicible tristesse. Allons-nous, comme le peintre, nous ouvrir les veines des deux bras, écrire avec notre sang « Adieu Lucy » sur les murs de l'atelier, enfin nous pendre à la poignée de la porte ? Être inhumé d'abord au cimetière de Saint-Ouen puis transféré plus tard au cimetière du Montparnasse à la demande de notre famille ? Ou bien... ne rien faire ? — Nous connaissant, sans doute ne rien faire.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Attentat kesselien

 

Pour un amoureux des belles-lettres, il n'existe pas de douleur plus cuisante que de se faire mordre le fiacre par le lion de Joseph Kessel. On se promène en voiture hippomobile dans le Parc national d'Amboseli, et tout à coup... ce sacré lion ! Et il y va, le salop !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Gnothi seauton

 

Le bonheur ineffable que cela doit être, de pouvoir énoncer : « Bonjour, je m'appelle Untel et je suis alcoolique » !... On sait enfin ce qu'on est ! Un alcoolique !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Irrévérence gombrowiczienne


Dans son Journal, Gombrowicz compare le rire de Butor à celui d'une boîte de sardines en plein Sahara. Railler ainsi le spirituel Butor !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 23 février 2025

Proportion d'ordure

 

« Que le cœur de l'homme est creux et plein d'ordure ! », s'exclame Pascal. Et de fait, l'homme a dans le cœur — proportionnellement — plus d'ordure que dans son verre de whisky (ou de pastis) l'éditeur Maurice Nadeau.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Couvaison

 

Comme à Huysmans, le passé nous semble horrible, le présent nous apparaît faible et désolé, et quant à l'avenir, c'est l'épouvante. Serions-nous pas en train de « couver » quelque chose ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Bergson et les sources

 

L'attirance que nourrissait Bergson pour les « milfs » et les « cougars » était si forte qu'il se trompa en établissant la liste des sources de la morale et de la religion. Sans réfléchir, il inclut les « cougars » en plus de la pression sociale et de la conscience individuelle. Heureusement, son cousin par alliance Marcel Proust lui signala son erreur avant qu'il n'envoie son manuscrit à l'éditeur.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

De notoriété publique

 

Henry de Monfreid fournissait le poëte Cocteau en opium tiré du pavot qu'il cultivait dans son jardin, ce n'était un secret de la mer Rouge pour personne.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 22 février 2025

Un paltoquet

 

Si vous dites que vingt ans est le plus bel âge de la vie, Paul Nizan va vous coller une mandale. Il a juré qu'il ne le laisserait dire à personne. On se demande pour qui il se prend, ce paltoquet. C'est formidable, ça !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un personnage peu reluisant

 

Dans sa chanson Comme ils disent, Charles Aznavour fait habiter son personnage rue Sarasate, à deux pas de l'ancien hôpital Boucicaut. Marginal invétéré, l'homme est un antiphysique qui vit avec sa mère dans un très vieil appartement où il pique occasionnellement à la machine. La nuit, il exhibe son fiacre sur la scène d'un cabaret (il possède un fiacre). Tout ceci n'est pas très reluisant, mais enfin...
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Odyssée de la rancune

 

Le négateur Émile Cioran employait le plus clair de ses veilles à dépecer en pensée Lucien Goldmann, à lui arracher les yeux et les entrailles, à presser et vider ses veines, à piétiner et broyer chacun de ses organes, tout en lui laissant par charité la jouissance de son marxiste squelette. Il était comme ça, le négateur. Vindicatif.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Deux généraux très dissemblables


 
Le général Massu était si persuasif qu'on a donné son nom à un argument sans réplique. Par contre, le général Salan, s'il parvenait à dégeler son interlocuteur, échouait souvent à le convaincre.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 21 février 2025

Quiproquo comique

 

Michel Foucault avait une élocution tellement embarrassée qu'il se vit un jour remettre du Débridat en lieu et place du Derrida qu'il avait demandé. À quelque chose malheur est bon et sa motricité intestinale en fut extraordinairement régulée.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Contingence de l'autrui lévinassien

 

Par politesse, on fait semblant de trouver l'existence de l'autre justifiée, et même — si l'on est un lèche-cul patenté — nécessaire. Mais dans son for intérieur, on n'en pense pas moins.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Sémiologie de la métaphore

 

Quand Vico dit que « la philosophie de l'histoire est une pomme chip », il se place dans la lignée d'Aristote qui définit la métaphore comme une analogie rapprochant deux objets sémantiques en apparence opposés. Derrida contestera ce point de vue, prétendant qu'il est impossible d'unifier une métaphore en une analogie réglée, et que les métaphores se produisent au hasard et à l'infini (ce qui a pour effet de dérégler le langage et le domaine du sens).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Deux zinzins

 

« Ce Roland et ce Jean-Edern, ils sont fous comment ?
— Roland, furieux ; Jean-Edern, à lier. »
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 20 février 2025

Tendance inquiétante des décédés

 

Plus ça va, plus les gens qui meurent ont un âge proche du nôtre. Qu'est-ce qu'il leur prend ? Il veulent nous flanquer le traczir ou quoi ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un forcené de la glose

 

Si Héraclite, au lieu d'écrire « Et les âmes aussi s'exhalent de l'humide », avait écrit une liste de commissions — un poireau, deux navets, etc. —, le nombre de gloses aurait été identique, peut-être même plus important. Tant le monstre bipède aime gloser ! Tant l'homme est un loup pour l'homme !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Un étonnant coupable

 

Qui a tué le chacal ami de l'homme ? Ce n'est pas le flûtiste Georghe Zamfir (n'aurait pu suffire) ; ce n'est pas lui non plus, l'homme politique azerbaïdjanais Ahmet Ağaoğlu ; mais ce n'est pas pour autant le philosophe Caiétan ! Non, celui qui a tué le chacal ami de l'homme, c'est le soldat Efisio Puddu ! Un Sarde ! Un ami des bêtes !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Projet de roman

 

Invité à séjourner chez les Stirn, le narrateur débarque un beau matin à Barcos-les-Bains, station climatique du Pays basque. Il a l'intention d'interroger l'ancien ministre sur les raisons qui l'ont poussé à créer le Mouvement des sociaux-libéraux avec Lionel Stoléru et René Lenoir en février 1977. Mais rien ne se passe comme prévu.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mercredi 19 février 2025

Apothéose du déracinement

 

Lire le Baleine de Paul Gadenne à Baden-Baden, comme l'a peut-être fait Massu.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Une idée loufoque

 

Dans La Montagne magique, Settembrini conseille à Hans Castor de construire un barrage sur la rivière Landwasser afin de séduire madame Chauchat, mais Castor n'est pas chaud ; il trouve l'idée loufoque.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mort à Bezons


Thomas Mann avait d'abord pensé situer l'intrigue de Mort à Venise dans le Val-d'Oise, plus précisément à Bezons. Mais il voulait absolument une scène avec des gondoles, et à Bezons, des gondoles, il n'y en a pas des masses. Alors il s'est rabattu sur Venise et ce n'était peut-être pas plus mal. En tout cas son livre a bien marché.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)