Les ceusses
qui se vantent d'avoir descendu des fleuves impassibles et disent ne
s'être plus, à un moment donné, sentis guidés par les haleurs, ces
ceusses mériteraient d'être fessés pour « frime » aggravée.
« Dictes-moi
où, n'en quel pays, ont disparu Gérard Saint-Paul, Régis Faucon et
Ladislas de Hoyos ? Où s'en sont-ils allés ? Et où sont les neiges
d'antan ?
— Les neiges d'antan ? Elles sont dans ton cul, les neiges d'antan ! Hé, ballot ! »
Depuis qu'il
est descendu du singe, l'homme n'a fait que des sottises. Il ferait
beaucoup mieux d'y remonter. Et jusqu'à l'amibe, tant qu'à faire. Au
foraminifère !
Ces gens qui
trouvent que « la vie est belle », ça ne sert à rien de les engueuler,
il faut plutôt les prendre en pitié. La Fontaine l'a dit : « Pauvres
gens ! je les plains ; car on a pour les fous plus de pitié que de
courroux. »
La vie, c'est
le fauteuil à oreilles des Auersberger. On s'y cale dans l'espoir
d'observer l'intelligentsia viennoise, mais tout ce qu'on voit, c'est de
la révérence parler merde.
Dans une
lettre à Marcel Jouhandeau datée du 27 juillet 1926, le poëte
ex-dadaïste René Crevel confiait voir des hippocampes et des fleurs
s'imprimer la nuit sur son thorax. — Son « thorax » ! On aura tout
entendu.
L'homme qui
sent le sol se dérober sous ses pieds se tourne presque toujours vers
l'ontologie herméneutique ricœurienne. Hélas ! Cette ontologie se
présente comme fragmentée, disséminée dans des ouvrages épars sans
jamais s'ériger en un système clos et achevé ! Le désespéré en est pour
ses frais !
Sur l'être et
le non-être, sur l'irréalité du monde, sur ceci et sur cela, les
philosophes présocratiques ont dit tout ce qu'il y avait à dire.
Pourtant, vingt-cinq siècles plus tard, certaines personnes se croient
toujours autorisées à « penser ». Il faudrait peut-être leur dire que ça
ne sert plus à rien ?
Aucun
sceptique, pas même Pyrrhon, pas même Ænésidème, et ne parlons pas de
Carnéade, n'a poussé le scepticisme jusqu'au bout. Sinon, il se serait
instantanément évaporé.
Au dire de
son fils Michel, le peintre Monet ne termina pas son dernier tableau et
le lacéra même à coups de couteau. Il en avait soupé des nymphéas. Ce n'était pas trop tôt !
« Qui a dit
que les poëmes d'Omar Khayyam ressemblaient à des tulipes rouges
jaillies de la terre d'un cimetière ? C'est toi ? T'es vraiment un con,
tu le savais ? »
Sophrone de
Jérusalem, touché par une maladie des yeux, fut guéri par l'intercession
des saints anargyres Cyr et Jean. Il a eu de la chance, le type, c'est
presque incroyable.
L'homme est
un « système multitâche ». Il peut malaxer des « biberons Robert », et
en même temps, penser à la terrible description que fait Thomas Wolfe
d'un mort dans le métro de New York.
On aimerait
que son cerveau ne soit peuplé que d'êtres de qualité, mais au lieu de
ça, le premier venu s'y infiltre et y prend ses aises. Ô frères
Grafouillères ! Et toi, Léon Dessertine, mandataire en viandes et ancien
de l'Assistance ! Que faites-vous ici ? Du balai !
Le « penseur
privé » Søren Kierkegaard confesse s'être lancé dans la vie avec une
voie d'eau dans la cale, une voie d'eau qui n'a cessé de s'agrandir. Et
l'on comprend mieux son incapacité à effectuer le saut de la foi et à
retenir Régine Olsen, car avec une voie d'eau... mais ça n'explique pas
tout.
Le philosophe
Malebranche dit que « le néant n'est point si terrible que cet état
désolant d'être privé de salade de museau quand on aime la salade de
museau. » — Or justement, il se trouve que nous aimons la salade de
museau. Et comme par hasard, il n'y en a plus.
La vie, on
s'y ennuie comme dans une gare en Russie, et on n'a même pas la
ressource de boulotter du bortsch, des rillettes de poisson ou des
pirojki à la viande car le buffet est fermé !!!
Il n'y a que
trois conditions à remplir pour être quelqu'un de valable au
sens « nihilique », mais ce sont trois conditions signées Couasnon. Il
faut : détester les hommes ; parler peu ; ne pardonner à personne. Un
plus est d'aimer se promener dans des forêts épaisses et sombres.
« Tout ce qui
dans la vie n'est pas déprimant est faux. » Cet axiome, qui vaut bien
ceux de Hilbert, constitue le fondement de l'eudémonologie
« nihilique ».
L'hérésiarque
Marcion tient que le démiurge est mauvais, mais une autre hypothèse est
qu'il était simplement saoul. Quand on est pompette, on fait toutes
sortes de conneries.
Alors qu'il
contemplait le buste de Mérytaton au musée du Louvre,
Heidegger formula in petto deux interrogations de type leibnizien. La
première : et si cette Mérytaton était la reine qui succéda à Akhenaton
sous le nom d'Ânkh-Khéperourê et épousa Smenkhkarê avant la nomination
de Toutânkhamon ? La deuxième (la plus leibnizienne des deux) : pourquoi
y a-t-il en général de l'étant, et non pas plutôt rien ?