Maxime Du Camp était convaincu que Flaubert aurait fait un bon maire d'Eu, mais malgré ses instances, l'auteur de Madame Bovary ne voulut jamais briguer le suffrage des Eudois.
La frénésie du Mômo est amusante, sa dilection pour le péyote également, ainsi que sa manie d'être envoûté, mais lui-même paraît manquer totalement d'humour. On ne l'imagine pas demander au docteur Ferdière comment il va yau de poêle.
Ce qu'on nous vend pour le réel est louche, plus que louche. Tout y semble plus ou moins gélatineux. Et pourtant, ce « réel », tout le monde a l'air de le prendre pour argent comptant. Ce n'est pas pour parler comme Baldur von Schirach, mais la question se pose : comment se (rudol) fait-ce ?
Il n'y a pas que Ramón Pérez. Émile Cioran non plus ne pouvait pas dormir. Ce n'est pas tellement qu'il se bilait pour ceci ou pour cela, mais il pensait tout le temps à des choses. Par exemple à l'exclamation du dernier poëte païen Rutilius Namatianus : « Plût aux Dieux que la Judée n'eût jamais été conquise ! » Ça le mettait dans de ces états... Après, il ne faut pas s'étonner.
Berkeley, Schopenhauer et Merleau-Ponty ont fait chou blanc, mais il se peut très bien que quelque quidam allongé au crépuscule dans un champ de coquelicots ait résolu le problème central de l'univers. Si c'est le cas, il s'est bien gardé d'en parler. Mais ça vaut peut-être mieux comme ça, et puis ce n'est pas dicible, si ça se trouve.
À cause du négateur Émile Cioran, on ne peut pas ramer sur l'étang de Soustons sans penser à la phrase « all is of no avail », ni descendre dans la rue sans que nous vienne aussitôt à l'esprit le mot extermination. On est devenu un véritable automate de Vaucanson !
Comme plus tard Ludwig Wittgenstein, Confucius refusait de parler des choses qui se trouvent « au-delà des mots » car il avait une peur terrible, presque panique, de « passer pour un con ».
On traverse la rue Racine, et immanquablement, on pense au négateur Émile Cioran traversant la rue Racine et pensant à la tombe de Celan. C'est pratiquement un réflexe conditionné.
Quelqu'un qui vous dit « frère, il faut mourir », que lui répondre ? Qu'on est au courant ? Mais alors on risque de passer pour un « monsieur-je-sais-tout ». Peut-être simplement « ah ? »
Schopenhauer va un peu vite en besogne. C'est trop résumer, de dire que la vie est un pendule qui oscille de la souffrance à l'ennui. Certes, il y a la souffrance, il y a l'ennui, mais il y a aussi... les grosses dondons ! Et ça... — c'est le pis.
Dans un de ses poëmes, Longfellow parle du « long et mystérieux exode de la mort ». Mais — car il y a un mais — cela ne s'applique pas au poëte Carlos Grünberg. En effet, la mort ne l'a pas totalement englouti puisque ses vers sont dans notre mémoire. En tout cas ils y étaient jusqu'à récemment.
« Homme libre ! — Oui ? C'est à quel sujet ? — Homme libre, toujours tu chériras la mer. — Ah bon ? — Oui. La mer est ton miroir. Tu contemples ton âme dans le déroulement infini de sa lame. — Pas possible ? — Si. Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer. — Eh bien dis donc, alors... »
Parmi les camélidés d'Amérique du Sud, l'espèce la plus désespérée n'est ni la vigogne ni l'alpaga ni le guanaco, mais une variété particulière de lama, le lama sabachthani.
Lorsqu'il se fait rosser par des muletiers furieux que Rossinante se soit trop approchée de leurs bêtes, Don Quichotte suffoque d'indignation. Anticipant de quatre siècles George Floyd, he can't breathe !
Quand on lit la phrase Celan s'est suicidé, cela paraît assez bénin, mais il faut se représenter les cris, les pleurs, la bousculade, l'eau entrant dans les voies respiratoires du poëte... Ç'a dû être assez horrible, en fait.
Il y a des jours où on se sent tellement mal qu'on aurait envie d'imiter Jésus et de s'écrier : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Mais on ne le fait pas, car si c'est pour que notre appel se mêle au cri perdu des moutons des tabors, ce n'est pas la peine, ça ne servira à rien.
La poésie n'existe pas. La meilleure preuve de son inexistence est qu'il est impossible de la définir. À l'instar de la solution consistant à boucher les trous de la tartine avec du beurre, de la margarine ou de la crème de marron, elle est un leurre : on peut écrire autant de sonnets qu'on veut, le réel coule par les côtés.
Le pin est un résineux à feuilles en aiguilles groupées en faisceaux, dont les fructifications sont des cônes constitués d'écailles. Le charme, quant à lui, est un arbre de taille moyenne, à feuilles caduques, appartenant à la famille des bétulacées. Il est assez répandu dans les forêts d'Europe centrale. Même un benêt ne saurait les confondre.
Chaque fois qu'il le peut, Jorge Luis Borges nous rappelle que le poëte Cansinos Assens était capable de saluer les étoiles dans une vingtaine de langues. Et il fait bien car c'est le genre de choses que, distrait par les vicissitudes de l'existence, on a vite fait d'oublier.
Le gars Zola Émile nous a trop fait suer avec ses ahuris de rougon-macaques. Nous le condamnons au supplice du pal. Nous t'en foutrons des Gervaise et des Lantier, nous, tuouaouar.
Breton a fait fausse route, avec sa beauté convulsive. Ce qu'il aurait dû dire, c'est : « Le faldistoire sera falciforme ou ne sera pas ». En effet, pour être à la fois grandiose et confortable, un siège d'évêque doit être en forme de faucille. C'est clair, net et incontestable (contrairement à la beauté).
Muni d'un saucisson à l'ail, vêtu d'une robe de chambre à ramages, Paul Claudel parcourait à grands pas, tel un prophète hébreu, les couloirs méandreux de la neurasthénie. Comble de déchéance, le saucisson n'était pas pour la « briffe », c'était pour se sentir moins seul.