jeudi 12 juillet 2018

Mal-être existentiel du capitaine Haddock


Quand Tintin fait sa rencontre sur le navire Karaboudjan, le capitaine Haddock est engagé dans un effroyable processus d'autodestruction : il boit, consciencieusement, systématiquement, jusqu'à être « saoul comme une bourrique ». Il boit pour oublier son Moi, sans doute, mais surtout pour noyer le désespoir qu'il ressent à vivre isolé dans un univers de menace et de désolation, sans autre perspective que la mort. En cela, il est un véritable héros existentialiste, un cousin de Meursault et de Roquentin.

Tintin qui, en « homme de la Nature et de la Vérité », ignore le sens tragique de l'existence, tente de le culpabiliser : « Songez à votre dignité, capitaine !... Que dirait votre vieille mère si elle vous voyait dans cet état ? »

Et ça marche ! Le capitaine s'effondre : « M-m-ma vieille m-m-mère ?... Bou-ou-ouh... Maman ! M'man-an !... Bou-ouh ! » Il prend alors de « bonnes résolutions » et sous l'influence de son puritain camarade, qui a fait de lui une sorte de born again, il ira même jusqu'à devenir le président de la ligue des marins anti-alcooliques dans L'Étoile mystérieuse.

Mais cela ne durera qu'un temps et le Loch Lomond, efficace antidote à l'atrocité du quotidien, finira par reprendre ses droits.


(Hermann von Trobben, Le Monocle du colonel Sponsz)

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