« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 5 novembre 2019
L'homme qui aimait les ascenseurs (Charles Bukowski)
Harry attendait l'ascenseur devant l'immeuble. Au moment où la porte s'ouvrit, il entendit derrière lui une voix de femme : « Une seconde, s'il vous plaît. » Elle entra et la porte se referma. Elle était vêtue d'une robe jaune, ses cheveux étaient ramenés sur sa tête et de ridicules boucles d'oreilles en perles se balançaient au bout de chaînes d'argent. Elle avait un gros cul et elle était forte. Elle éclatait de partout dans cette robe jaune, seins et tout. Ses yeux étaient du vert le plus pâle et le transperçaient. Elle tenait un sac rempli de provisions marqué Vons. Ses lèvres étaient barbouillées de rouge. Peintes, épaisses, elles étaient obscènes, presque laides, une véritable insulte. Le rouge à lèvres vermillon luisait et Harry appuya sur le bouton arrêt.
L'ascenseur s'arrêta. Harry s'approcha d'elle. Elle paraissait frappée de stupeur. Elle lâcha son sac. Des boîtes de légumes, un avocat, du papier toilette, de la viande préemballée et trois barres de chocolat roulèrent sur le plancher. Il la fixa droit dans les yeux et lui dit : « D'après Husserl — et il est en désaccord là-dessus avec Brentano —, il ne peut y avoir aucune relation nécessaire entre cette catégorie d'objets intentionnels que nous appelons des perceptions, et les objets physiques existant dans le monde. »
Puis il appuya sur le bouton du deuxième étage et attendit en lui tournant le dos. La porte s'ouvrit et il descendit. L'ascenseur repartit.
(Étienne-Marcel Dussap, Forcipressure)
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