samedi 24 juillet 2021

Question d'habitude

 

L'ennui, ce « monstre délicat » dont parle Baudelaire dans le premier poëme des Fleurs du mal, est toute la vie de l'homme du nihil. Mais s'il faut en croire ce dernier, « on se fait à tout, même à se faire chier ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 23 juillet 2021

Cauchemardesque

 

Gragerfis raconte que l'homme du nihil, ayant aperçu de l'étant alors qu'il promenait son chien, se sentit envahi par une sorte de purpura inflammatoire avec accompagnement de frissons et de fièvre : il avait le visage écarlate. Il prit avec abondance du thé alcoolisé et acidulé de citron et en fut quitte le lendemain après plusieurs selles fétides.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 19 juillet 2021

Être absolu


À une époque, l'homme du nihil se mit en tête de devenir un être absolu, c'est-à-dire indépendant de toute relation extrinsèque. Hélas ! sa tentative fit long feu, car malgré qu'il en eût, il restait une personne, et dès lors, il sentait dans le temps, et pensait de même. Courroucé et déconfit, il dut accepter son échec et se contenter de vivre une existence relative, comme tout un chacun.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 17 juillet 2021

Cartes postales

 

L'homme du nihil voit la « réalité empirique » comme un immense marché aux puces. Quand il n'a rien de mieux à faire — quand il n'est pas occupé à méditer sur l'haeccéité, la temporalité du temps, la mortalité de l'être mortel —, il y déambule à la recherche de cartes postales, qui sont souvent chez lui l'amorce d'un désir violent de se détruire.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 16 juillet 2021

En peau de lapin

 

Le Français se flatte volontiers d'être, comme le cinéaste Buñuel, un anarchiste aigu, perceptif et libre. Mais — conséquence de son éducation jésuitique ? — dès qu'une bourrelle lui crie « les patins  ! », ou un tyranneau « le vaccin ! », il obtempère avec une obéissance loyolesque, perinde ac cadaver, « avec la servilité d'un cadavre ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Herméneutique du On

 

Quand un pouvoir despotique prétend lui injecter dans le corps une substance qui risque de le transformer, à plus ou moins long terme, en cheval, en crocodile ou en femme à barbe, l'homme du nihil ne peut que ressentir, comme avant lui Heidegger, l'urgence d'une herméneutique de la vie facticielle — à laquelle il appartiendra « de défaire l'explication reçue et dominante, d'en dégager les motifs cachés, les tendances et les voies implicites, et de pénétrer, à la faveur d'un retour déconstructeur, aux sources originelles qui ont servi de motifs à l'explicitation ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 14 juillet 2021

Mystères

 

Même si l'on admet que l'homme du nihil — ce solipsiste invétéré — est bien ce qu'il prétend, à savoir « celui qui est », on ne peut échapper à la question : pourquoi est-il ? Et que faisait-il dans son être avant qu'il lui plût de créer la « réalité empirique » ? À quoi s'occupait-il, dans le silence éternel d'un espace vide ? Et quelle mouche l'a piqué ? Pourquoi a-t-il décidé de créer l'univers, et cet univers plutôt qu'un autre ? Autant de mystères, autant d'abîmes... Autant de questions auxquelles l'homme du nihil lui-même est bien en peine de répondre. D'après Gragerfis, sa seule défense est : « Ça s'est fait comme ça, désolé. Je devais être un peu patraque. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 13 juillet 2021

Live free or die


« Vous avez entendu ce qu'ils ont dit ? Si vous ne vous vaccinez pas, ils buteront un otage toutes les trente secondes. Alors vaccinez-vous, bande de salops !
— Ce vaccin nous protégera-t-il de la sensation de vivre isolé dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort ? Non. Alors va te faire cuire un œuf.
— Je ne m'en mêle plus.
— Et tu fais bien ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 10 juillet 2021

Charogne

 

Gragerfis dit que l'homme du nihil ne veut pas être aimé, mais qu'il voudrait être compris et qu'il exige d'être respecté et considéré comme une exception ou encore mieux comme une « charogne ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 9 juillet 2021

Conjuration

 

Le vocable reginglette, ce vocable que, selon l'homme du nihil, « chacun répète en soi-même jusqu'à la fin », est — s'il faut en croire le même — « le seul moyen de s'arracher à ce ressassement mélancolique, à cette rumination morose sur l'haeccéité, à cette aversion pour l'existence qui empoisonnent la vie de toute créature pensante ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 5 juillet 2021

Jours vides

 

La vie de l'homme du nihil est pleine de jours vides, de ces jours qu'on pourrait appeler médicinaux. Mais il y a aussi les jours critiques, qui sont ceux dans lesquels se font les crises — les fameuses « attaques de pachynihil ». Et les jours contemplatifs, qui indiquent ou qui annoncent que la crise sera parfaite (et généralement elle l'est).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 4 juillet 2021

Memento excrementori

 

La nécessité où se trouve l'homme d'expulser quotidiennement des excréments devrait l'inciter à quelque modestie et le dissuader d'infliger des souffrances morales à ses semblables (par exemple en les trompant avec un garagiste de La Bourboule). Cette accointance avec la matière excrémentitielle devrait aussi, s'il avait un peu de pudeur, le retenir de « créer des concepts » et de concevoir aucune « pensée élevée ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 3 juillet 2021

Discussion de comptoir

 

« Quand on est mort, on est tranquille. On est d'autant plus tranquille qu'il n'y a plus de "on". Pas, Mimile ?
— C'est ben vrai, astheûre ! Crévindiou ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 2 juillet 2021

Dépossession existentielle

 

Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis note — en ayant l'air de s'en réjouir — que « l'existentialiste Martin Heidegger, qui a noirci tant de pages sur l'être et le temps, se trouve maintenant dépossédé de l'un et de l'autre, ayant été avalé par le pachynihil ». — Et de fait, depuis le 26 mai 1976, Heidegger est réputé ne plus exister — il est, comme on dit, « décédé ». Quant à savoir ce qu'il faut en conclure...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 1 juillet 2021

Un merveilleux remède

 

La connaissance des propriétés médicales du taupicide remonte à la plus haute antiquité, et la vénération religieuse que les anciens druides avaient pour cette substance se rattachait pour une bonne part à ses merveilleuses vertus pour la guérison des maladies — en particulier celle d'exister.

(Fernand Delaunay, Glomérules)