lundi 2 décembre 2024

Descente à Mijoux

 

Il arrive un moment dans la vie où la beauté vous paraît presque aussi repoussante que la laideur. Il est alors temps de quitter la Faucille et de redescendre à Mijoux pour arriver à Saint-Claude par Septmoncel, autrement dit de tirer sa révérence à ce « monde de néant ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Recette du succès de Kérouac

 

Si Jacques Kérouac avait été un petit gros, personne ne lirait plus ses livres aujourd'hui. Mais c'était un grand sec, qui en outre avait le même blue jean que James Dean (il faisait sa frime). À quoi tient le succès, dans le domaine des lettres !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

La belle vie

 

Faire une partie de bouligne avec Raymond Queneau ; puis, s'il nous reste un peu d'oseille, boire un ouiski ou un coquetèle au bar du bouligne... C'est ça qui serait choucard.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Jeune fille russe

 

Pas plus que le vieux Tourgueniev, nous ne pouvons détruire en nous le souvenir de la « jeune fille russe ». C'est emmouscaillant.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 1 décembre 2024

Prénoms

 

Paul Rée n'aimait pas son prénom. Il s'en plaignait souvent à Nietzsche et à Lou Andreas-Salomé. Il aurait voulu s'appeler Mifasol, comme Marisol Touraine. Quant à sa femme, il ne l'avait pas encore trouvée mais il voulait absolument qu'elle se prénommât Hilde, pour le calembour et parce qu'il aimait bien les prénoms germaniques traditionnels.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Carbonarisme bipédique

 

Il n'est pas besoin d'être un fin psychologue pour arriver à la conclusion que les gens sont des salops et qu'on ne peut pas leur faire confiance. Ils sont tout le temps à mijoter des coups fourrés. Ils fomentent ; ils trament ; ils ourdissent. On dirait des « carbonari ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Esprit de sacrifice

 

L'être humain peut sacrifier sa vie pour sauver son enfant (en se jetant à l'eau ou en entrant dans une maison en feu) mais remarquez qu'il ne le fera jamais pour sauver sa bonne femme. On peut dire beaucoup de choses de lui mais il n'est pas con à ce point-là.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un philosophe prévoyant

 

Les concepts qu'il n'utilisait plus, le philosophe Jean Grenier les remisait à la cave pour les plus gros, dans un cabanon de jardin pour les autres. Il disait que « ça peut toujours servir ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 30 novembre 2024

Le monstre bipède : un artiste du creux

 

Jetez un coup d'œil dans l'âme d'autrui, vous ne verrez que le vide. Puis jetez un coup d'œil dans la vôtre : même chose. Le vide, toujours le vide... Ce n'est pas avec ça qu'on va construire une « relation romantique » avec une personne du sexe, astheûre.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Grosse excuse

 

C'est Ponce Pilate qui demande à Jésus ce que c'est que la vérité, et alors Jésus dit comme ça qu'il a dû aller à l'enterrement de sa grand-mère et qu'il n'a pas eu le temps de réviser.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

En désespoir de cause

 

Si nous avions un petit reste d'énergie, nous écririons une lettre à la Kommandantur pour dénoncer la malrucienne « condition humaine ». Connaissant les Alboches, ça barderait pour son matricule.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Thérapeutique

 

Untel est un salop. Il fallait que ce soit dit. Émile Cioran assure que ça soulage. Il recommande même de l'écrire plein de fois sur un petit bout de papier que l'on place ensuite dans sa chaussure. 
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 29 novembre 2024

Un maigre bilan

 

Le monstre bipède, la seule chose qu'il sait faire, c'est vieillir. Pour ça, moïeux, ça y va : il vieillit comme il respire. Pour être tout à fait juste, précisons tout de même que certains écrivent aussi des poëmes (mais ça ne casse pas trois pattes à un canard).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Quena

 

Même si, fatigué de l'existence, on se retrouve un jour à nager dans le brouillard et à rouler dans l'herbe, on n'écoutera pas Tom à la guitare ni Phil à la quena. Ils peuvent aller se faire voir chez Plumeau, ces cons de hippies, avec leurs « barrettes de shit ». Et le gars Phil, il peut se la carrer dans le fiak, sa « quena ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une émouvante réunion

 

Il n'y a pas plus comique que ces critiques de livres où l'on vous dit que « l'intime rejoint l'universel ». On aimerait voir ça, c'est sûrement très émouvant. Cette réunion de l'intime et de l'universel, c'est-à-dire.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Conversion du Dasein

 

Sans aller jusqu'à dire que la vie est un convertisseur Bessemer, on avouera qu'elle convertit. Elle prend un homme jeune et en bonne santé et le transforme en un « vieux jeton » affligé de toutes sortes de maux, simplement en utilisant l'oxygène de l'air (comme le convertisseur Bessemer).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 28 novembre 2024

Une aversion qui tient compagnie

 

Alfred de Musset avait horreur du pain. Ce n'était pas grand chose, mais ça l'aidait à se sentir moins seul.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Tout passe

 

La fleur se fane, le petit chat se fait écraser, la jeune fille en fleur se transforme en « milf »... C'est ce qu'on appelle l'impermanence des choses — et ce n'est pas gai (sauf peut-être pour le philosophe Bergson, qui était assez amateur de « milfs »).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Jacks of all trades

 

En plus d'être experts dans le domaine de la poésie intimiste, les membres du « groupe Verlaine » — Arthur Rimbaud, Tristan Corbière, Germain Nouveau, Verlaine lui-même — se faisaient forts de vous installer des panneaux photovoltaïques « en moins de temps qu'il n'en faut pour cuire des asperges » (avec contrat de maintenance).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

La solution du maurrassisme

 

Il ne faudrait pas croire que quand on est dégoûté de tout, on n'a le choix qu'entre la bouche d'un pistolet et les pieds d'un crucifix. Il y a aussi la solution du maurrassisme. Car être maurrassien, ce n'est pas seulement montrer un attachement quasi religieux à la personne du roi, ce n'est pas seulement exalter le sentiment national, c'est aussi une façon de dire « merde à celui qui le lira ». Et quand on est dégoûté de tout, c'est exactement ce qu'on a envie de dire.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 27 novembre 2024

Pitié pour le romancier de l'absurde

 

Si les gens se contentaient de citer Sacha Guitry ou Tristan Bernard... Mais il faut aussi, pour se faire mousser, qu'ils citent le négateur universel Émile Cioran, le penseur paradoxal Frédéric Nietzsche et le romancier de l'absurde Albert Camus, les salops ! Arrière ! Bas les pattes ! Pas touche au romancier de l'absurde, au moins !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Déchéance

 

La vie, ça ne commence pas si mal, on est assis dans le fauteuil à oreilles des Auersberger, on mange des petits fours, on écoute les conversations... Mais très vite, la situation se dégrade, on doit quitter le fauteuil à oreilles des Auersberger, et finalement, après des années de déchéance, on se retrouve assis sur la banquette de la salle Bordone, seul, vieux, perclus de rhumatismes, à attendre la mort. Seule consolation : on peut apercevoir l'Homme à la barbe blanche du Tintoret (en se penchant un peu).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Mon pote le citant

 

Qu'ont les gens à citer ? Pourquoi citent-ils ? Ne voient-ils pas que c'est humiliant, de citer ? Est-ce que nous citons, nous ? Nous ne citons pas !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pas Keats

 

Les personnes qui citent Keats n'ont honte de rien. Elles mériteraient le supplice du pal. Si elles veulent tellement faire « jore », elles devraient le faire avec quelqu'un d'autre. Parce que Keats... non. Déjà qu'il ne supportait pas la souffrance d'être heureux... alors être cité par des imbéciles qui font « jore »...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mardi 26 novembre 2024

En loucedé

 

Le philosophe Jean Grenier commit une terrible erreur le jour où il se déclara adepte d'une contemplation proche du Wou-Wei (non-agir), l'un des préceptes du Tao. Car ensuite, il dut se cacher derrière une fausse barbe pour aller faire ses courses. Il ne pouvait plus agir qu'« en loucedé ». Si on l'avait reconnu, ç'aurait été terriblement malaisant...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une vaste blague

 

On n'est pas sérieux, quand on est composé de mots. Or c'est le cas de presque toutes les « œuvres littéraires ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Yeux de poisson frit de la mort


Quand Pavese écrit « Assez de mots, un acte », il prête quelque peu à rire. S'il avait été à ce point dégoûté des mots, il aurait accompli son acte sans en faire un fromage, c'est-à-dire sans écrire « Assez de mots, un acte ». Mais les écrivains, il faut toujours qu'ils fassent les malins, même au moment de dévisser leur billard. Toujours est-il que pour Pavese, quand la mort vint, elle avait, de façon complètement inattendue, des yeux de poisson frit !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Syllogisme

 

D'après le professeur Munteanu, Émile Cioran se trompait sur le sens du mot syllogisme. Il pensait qu'il s'agissait d'un petit mammifère fouisseur (il confondait apparemment avec la taupe ou le hamster). Quand le professeur lui fit remarquer son erreur, il répondit que ce n'était pas grave, et que quoi qu'il en soit, il avait toujours voulu qu'un de ses livres ait le mot syllogisme dans le titre parce que « ça fait érudit ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

lundi 25 novembre 2024

Paradoxe de Tiouttchev

 

Doit-on croire Tiouttchev quand il exprime — dans son poëme Silentium — la pensée que « toute pensée exprimée est un mensonge » ? Si on le fait, on s'expose à croire un mensonge, mais si on ne le fait pas, c'est encore pis, on lui donne raison et on se contredit soi-même !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Liniment

 

Ajasson de Grandsagne, citant Pline, dit que les œufs de tortue, une fois durcis, font un bon liniment contre les écrouelles. Un liniment ! Nous t'en foutrons des liniments, nous, tuouaouar ! Pauvre con, avec tes liniments ! Tuouaouar, qu'on te dit !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un impensable épiscopat

 

On n'imagine pas monseigneur Vingt-Trois évêque de Trente (en Italie). Ou si on le fait, c'est avec une extrême réticence.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pour se rendre utile

 

Être capoulié du Félibrige — pour une heure, une heure seulement. Promouvoir et sauvegarder la culture des pays de langue d'oc, comme fit en son temps Joseph Roumanille. Ce serait une façon, sinon de justifier son existence, du moins de se rendre utile.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

dimanche 24 novembre 2024

Liste Otto

 

Quand un écrivain voit l'un de ses livres placé sur la liste Otto (comme ce fut le cas de Maurras), il doit le laver tout de suite avec du vinaigre ou avec du shampoing « Marie-Rose ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une terrible lacune

 

Avoir commis tous les crimes, hormis celui de porter un duffelcoat.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

La tentation du cambisme

 

Un beau jour, on s'aperçoit que le tracas d'exister n'est plus compensé par aucun plaisir, même minuscule. L'heure est venue de rejoindre François Donati à la Bourse de Paris — façon de parler. Comme a fait Pavese.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Épisode cévenol du Grandiloque

 

En octobre 1970, le négateur Émile Cioran connut un « épisode cévenol » suite au décès de son ennemi juré Lucien Goldmann. Il fut envahi, inondé même pourrait-on dire, de sentiments contradictoires tels que le soulagement, la culpabilité, et la peur d'y passer à son tour. Il raconte cela très bien dans ses Cahiers.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

samedi 23 novembre 2024

Objectifs de vie

 

Si ce qu'on veut dans la vie c'est voir le Czarny Dunajec, le plus simple est d'aller à Nowy Targ, dans la voïvodie de Petite-Pologne. Si par contre on veut trouver du sens à quoi que ce soit, alors là...
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Une affreuse bévue

 

Heinrich Heine disait qu'il aurait voulu conserver le corps — le corps « si jeune, si tendre » —, mais que quant à l'âme, on pouvait bien l'enterrer car il en avait plus qu'assez. Négligence des croque-morts ou quoi, on enterra le tout (au cimetière de Montmartre).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Un historien inexorable

 

Sulpice Sévère ne l'était pas autant que Septime, mais quand même pas mal. Avec lui, il fallait filer doux, sinon c'étaient tout de suite les verges. Il n'y a qu'à lire sa Vie de saint Martin pour s'en rendre compte.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Projection

 

Dans ce « monde de néant » où tout est ignoble, la seule façon d'aimer telle ou telle chose est d'y projeter des qualités qui ne s'y trouvent pas. Cela vaut pour l'art comme pour les personnes du sexe (sur lesquelles on peut projeter des « biberons Robert », par exemple).
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

vendredi 22 novembre 2024

Effronterie cruelle de la jeunesse

 

« Jeunesse, belle jeunesse, reviens ! », s'exclame-t-on, imitant le rêveur de la fiction de Jean-Paul (La Nuit du nouvel an). Mais elle ne revient pas. Et non seulement elle ne revient pas, mais elle menace d'appeler les flics, la garce ! Elle gueule partout qu'on lui a mis « la main au pot » !
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Noli me tangere

 

À la mort : « Arrière, poussière !... Laisse-moi !... Je fais le zouave, entends-tu ?... Je fais le zouave !... »
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

L'être est une tête de veau à la vinaigrette

 

Normalement, quand on ne sait rien sur l'être et qu'on a le malheur d'être interrogé, on n'en mène pas large. Mais Heidegger, lui, ça ne le dérangeait pas. Il disait ce qui lui passait par la tête. Il inventait au fur et à mesure. Son excuse était que selon Aristote, « l'être se dit de multiples façons » — alors pourquoi pas comme ça aussi.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Parle plus fort

 

La voix de l'homme ne porte pas. Ses lamentations se mêlent aux cris perdus des moutons des tabors, et on ne comprend rien à ce qu'il dit. Dieu (s'il existe) ne risque pas de l'aider, dans ces conditions.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

jeudi 21 novembre 2024

Diagnostic

 

Vous n'aspirez qu'à une chose : que le monstre bipède vous laisse tranquille ; qu'il vous oublie. Vous êtes un misanthrope, comme cela s'appelle.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Pulsion de mort

 

L'existence est un tel pensum qu'il y a des jours où on voudrait la jeter dans la Vologne, les mains liées avec du fil de fer. Seule nous retient la peur des gendarmes et du juge Lambert.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Achab, c'est nous

 

Si nous n'étions aussi modeste, nous pourrions croire que Melville nous a pris pour modèle quand il a créé le capitaine Achab. Comme dirait l'autre, le capitaine Achab, c'est nous. Une grosse baleine nous a fait du tort et maintenant nous voulons nous venger.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Séisme pianistique

 

Selon les jours, selon qu'il y avait de la lune ou qu'il n'y en avait pas, Glenn Gould se situait entre sept et huit sur l'échelle ouverte de Sviatoslav Richter, ce qui correspond à « un séisme pianistique d'assez large magnitude, ressenti sur une grande distance ».
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

mercredi 20 novembre 2024

Une écœurante pléthore

 

Quand on songe au nombre pharamineux de Bernoulli qui étaient mathématiciens, cela donne le tournis et — après tout pourquoi ne pas le dire — cela dégoûte un peu.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)

Fatalité de l'aboulie

 

Si détaché ou endurci que l'on pense être, les horreurs de l'existence, à force de répétition, vous plongent dans une morne autant que jeanmichelle apathie.
 
(Lucien Ganne, Syllogismes de la mer Rouge)