jeudi 25 décembre 2025

À la Bukowski

 

Celui que « l'être » exaspère a toujours la solution de s'enfermer dans une chambre palléale de mollusque (avec les branchies et le tube digestif) et de se rendre saoul à en crever.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Drap du motus

 

Le nihilique n'a rien à dire à personne. Il est taiseux comme un géranium délicat. Son nez coule-t-il ? Il se mouche dans le drap du motus.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Kafkaïen

 

Franz Kafka avait le chic pour inventer des situations kafkaïennes, et le pis, c'est qu'il se retrouvait parfois lui-même prisonnier des labyrinthes qu'il avait conçus. Ainsi lorsqu'il écrivit une « lettre au père » ; ou lorsqu'il se lança dans d'absurdes « préparatifs de noce à la campagne ».
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un auteur pécressiste

 

L'écrivain italien Cesare Pavese avait non seulement le courage de dire (il a écrit plusieurs livres) mais encore la volonté de faire (il s'est suicidé) : il était pécressiste (comme le chien Douglas).
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 24 décembre 2025

Vents carnassiers

 

Au dire du professeur Munteanu, le négateur Émile Cioran ne sortait dans la rue que pour « baigner sa face jaunie dans les vents carnassiers ». Il disait que ça lui donnait un coup de fouet ; qu'après ça, il pouvait être négatif pendant au moins huit heures non-stop.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Arcanes branchus

 

Les organes (foie, cœur, cerveau, etc.) ont certainement une utilité, mais ils sont aussi — et peut-être surtout — « les arcanes branchus de notre déchéance ».
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Pensée-moignon

 

C'est par abus de langage que les philosophes sont appelés des penseurs. Car on a beau chercher, on ne trouve dans leurs systèmes pas plus de pensée qu'il n'y a de beurre au fiacre. Ne s'y trouve que de la « pensée-moignon ».
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Larrons larviformes

 

Tandis qu'il pousse son chariot dans les allées du supermarché, le nihilique a l'impression d'être un Christ en croix entouré de larrons larviformes (les autres clients du supermarché).
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 23 décembre 2025

Décevants insectes

 

L'écrivain Ernst Jünger croyait possible de découvrir le sens caché de l'univers en observant les insectes. Mais il eut beau observer et observer, il n'arriva à rien de tangible.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Bitoniaux


Le « progrès technique » dont le monstre bipède s'enorgueillit tant, ce « progrès » n'a fait qu'amplifier la malignité des objets. Avant, on tapait dessus du plat de la main, on leur donnait un coup de pied et ils arrêtaient leurs singeries. Mais maintenant qu'ils sont bardés de bitoniaux, leur vice ne connaît plus de bornes.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Retenez-nous

 

Nous recevons de la vie force bourrades, et à la fin la moutarde nous monte au nez. Comme Émile Cioran, nous ne savons pas encore ce que nous allons faire mais ça ne va pas être beau.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Malheur presque parfait

 

Solitude, vieillissement, alopécie, sentiment d'être méprisé parce qu'on ne prend pas les vignettes... Pour être superlativement malheureux, il ne nous aura manqué que d'être roumain.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 22 décembre 2025

Lecture consolante

 

En lisant l'Ecclésiaste, on se pénètre de l'idée que tout est périssable, et c'est là une pensée infiniment apaisante pour celui que martyrise une mégère difforme au faciès d'hippopotame. Oui, en vérité, telle est la leçon de l'Ecclésiaste : les mégères aussi sont périssables, et leur ressemblance avec un hippopotame ne saurait les préserver de l'annihilation.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Foucaldisme pariétal

 

Ce besoin, chez l'homme, de « créer des concepts »... Déjà l'ineffable homme des cavernes... Avec son petit panier de cerises sauvages et ses morceaux de silex... N'était-il pas une sorte de Foucault embryonnaire ? La folie, les prisons, la « mort de l'homme »... Pour qui sait regarder, tout est déjà dans ses peintures rupestres.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Souffrir, écrire

 

« Je souffre trop, il faut que j'écrive. Mais je ne sais pas quoi écrire, si ce n'est que je souffre trop. Monsieur Pipo, aidez-moi ! »
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Picucule


Que picucule soit le nom usuel du dendrocolapte, nous voulons bien le concéder, mais en contrepartie, nous aimerions qu'on nous permette de détruire le monde ou tout au moins de bien l'esquinter.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 21 décembre 2025

Aime Chagall ou meurs (socialement)

 

Un type qui trouve le Chagall moche, que peut-il faire ? Une seule chose : dissimuler. Car sinon... gare à lui !
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Autokitschification de Giacometti

 

« Tiens, et si je faisais un homme qui marche ? », se dit Alberto Giacometti un jour de 1947. Aussitôt dit, aussitôt fait. Sans en avoir conscience, le sculpteur venait de se « kitschifier » de façon irréversible. On lui avait pourtant dit d'être prudent, avec son argile, son bronze et tout ça — mais il n'écoutait rien.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Long vers la fin

 

Une vie entière à se demander « pourquoi diable suis-je ? », c'est long — surtout vers la fin.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Erreur de calcul

 

Dans Les Possédés, Kirilov se tue pour prouver au vulgum pecus qu'il est Dieu. Mais c'est un échec, personne ne croit qu'il est Dieu. Il a fait une erreur de calcul quelque part. Il a voulu dériver le laplacien en coordonnées sphériques et il s'est trompé, à tous les coups.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 20 décembre 2025

Jambonneau


Les théologiens affirment que la tristesse est un péché contre l'espoir. Mais évidemment, cela n'a jamais dissuadé personne d'être triste. L'espoir ! Chacun sait que l'espoir est un salop qui ne tient jamais ses promesses et vous prend pour un « jambonneau ».
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Loin du Giorgion

 

On peut dire bien des choses du suicidé philosophique, mais certainement pas que ses œuvres se ressentent de la manière suave du Giorgion ; surtout pas son œuvre maîtresse, l'homicide de soi-même.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Un veinard

 

Heureux Job, qui n'avais pas besoin de montrer ton fiacre pour gagner ta vie, comme l'antiphysique de Charles Aznavour !
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Sublimité porcine

 

Dans ses meilleurs moments, la vie atteint à une sorte de sublimité porcine qui n'est pas sans rappeler le masque mortuaire de Martin Luther.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 19 décembre 2025

Sans surprise

 

En début de soirée, nous avons le choix entre premièrement : regarder le journal télévisé ; deuxièmement : lire un livre ; troisièmement : contempler, devant la maison, l'étang tout brillant de la lumière flavescente du crépuscule, et caresser pour la millionième fois la pensée de nous détruire. — Nous choisissons la troisième solution.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Souffrance

 

Les chrétiens pensent que la souffrance a une signification, qu'elle vous rachète. Du moins le pensent-ils jusqu'au moment où ils attrapent un panaris.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Empêcheurs d'inexister en rond

 

Le non-être est un état parfait. Et l'on comprend que celui qui en jouit n'en sorte que contraint et forcé, en maudissant ses géniteurs, l'obstétricien flamand Jean Palfyn et le philosophe Michel Serres (ce dernier uniquement par acquit de conscience et pour faire bonne mesure).
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'étrangleur de l'Odéon

 

Le négateur Émile Cioran avait une vision si précise de l'avenir que s'il avait eu des enfants, il les eût étranglés sur l'heure avec une corde à linge.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 18 décembre 2025

Morsure quotidienne

 

Rivarol dit que le temps efface le souvenir des malheurs, jamais celui des fautes. C'est vrai en général, et ça l'est aussi pour la faute suprême : celle d'exister. Le remords d'être au monde ne nous poigne-t-il pas chaque jour plus cruel, à mesure que la vie s'écoule ?
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Eudémonologie

 

Pour ne pas être tenaillé plus tard par la nostalgie, il faudrait faire de sa vie un désastre de tous les instants. Mais ce n'est pas une solution parfaite, car le vieux désastreux aura tout de même la nostalgie du jeune désastreux qu'un jour il fut.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Flop de la mort

 

La mort est la plus excellente des farces, mais celui qu'elle devrait désopiler ne rit pas car — c'est très étrange ! — ses muscles zygomatiques ne répondent plus.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Néant grimaçant

 

La femme, avec son pondéreux bagage de duplicité, d'absence d'âme et de sottise satisfaite d'elle-même, représente non pas la vie comme on l'entend trop souvent dire mais « le néant du monde en proie à sa grimace ».
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 17 décembre 2025

Acte libre

 

Au sens strict où le physicien Niels Bohr a pu dire que « l'aspect corpusculaire est complémentaire de la réalité », l'acte de se pendre avec ses bretelles s'inscrit par-delà le déterminisme.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Quand vivre

 

« Demain, dis-tu sans cesse, demain tu vivras. Dis-moi, ce demain, quand vient-il ? Vivre aujourd'hui, c'est déjà vivre trop tard.
— Oh, bon Dieu, me fais pas chier ! Je fais ce que je veux, merde ! »
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Margouillis

 

« Ce monde est un margouillis exophtalmique (eine exophtalmische Margouillis) », est-il dit dans le Ginza, texte gnostique d'une secte mandéenne de Mésopotamie. — S'en souvenir toutes les fois qu'on ne dispose pas d'un argument meilleur pour se faire sauter le couvercle.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Tristesse de coléoptère

 

Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, il y a peu de chances pour que l'abîme te regarde en retour (en général, les abîmes ne regardent pas), mais tu risques fort de t'enfoncer dans une tristesse de coléoptère.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 16 décembre 2025

Pose philosophique

 

Socrate, la veille de sa mort, était en train d'apprendre un air de flûte. « À quoi cela te servira-t-il ? lui demanda-t-on. — À rien, mais j'aimerais donner l'impression que je suis un vrai dur à cuire, un type qui n'a peur de rien. — Ah oui, sensass comme idée ! Tu me prêtes ta flûte ? »
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Esprit frère

 

Le compositeur allemand Jean-Sébastien Bach peut être considéré comme un précurseur du nihilique. Primo, il a composé une cantate intitulée Ich habe genug — titre que l'on peut traduire par : « J'en ai assez et plus qu'assez » ; deuzio, cette cantate se termine par l'aria Ich freue mich auf meinen Tod, ce qui signifie : « Puisque c'est ainsi, je vais me pendre avec mes bretelles. »
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'hypothèse du Topset

 

L'autrui lévinassien juge son existence nécessaire quand la nôtre ne nous semble même pas probable. Aurait-il mangé du Topset ? 
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Assez de salamalecs

 

Même si cela a déjà été dit et ressemble à une évidence, on peut le répéter : tout a déjà été dit. Alors ça suffit, maintenant, les « littérateurs » !
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 15 décembre 2025

Indécrottable


 
Lorsqu'on voit ces hideuses mémères, ces grosses dondons, ces vieilles biques, on se demande comment on a pu être assez bête pour souffrir, étant jeune, par le « beau sexe ». Mais attendez ! Il y a pis ! Cinq minutes après avoir croisé l'un de ces spécimens, on aperçoit un tendron et... on serait prêt à remettre ça! On accepterait avec joie de souffrir comme devant! Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Scrupule phénoménologique

 

« La chaise n'est pas dans la conscience », dit Jean-Paul Sartre au début de L'Imaginaire. Et lorsque le nihilique regarde une chaise, c'est effectivement la chaise qu'il vise et non son image dans la conscience. Mais quand il s'agit de s'asseoir, c'est autre chose : il n'oublie pas que « rien n'est » et préfère rester debout pour ne pas courir le risque de s'esquinter le fiacre (il possède un fiacre).
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Variante

 

Contrairement à ce que prétend le négateur Émile Cioran, le premier mot qui vient à l'esprit, quand on descend dans la rue, n'est pas forcément extermination ; cela peut être xéranthème xénotropique (deux mots, dans ce cas).
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Exploit


Au simple moyen d'une calvitie, on réalise l'exploit d'être, comme la vie, à la fois tragique et ridicule.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 14 décembre 2025

Ceinture et bretelles

 

Les gens qui disent que « c'est ceinture et bretelles », nous aimerions leur verser du plomb fondu dans la bouche, comme on fit à saint Jovite et à saint Prime.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Facétiosité du Rien

 

Tant est banal le Rien qu'on le rencontre cent fois par jour sans y prêter attention. On le confond avec son cousin le quelque chose dont il emprunte les traits pour se divertir aux dépens du monstre bipède.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Trémoussements

 

Le monstre bipède se démène comme un forcené : il voyage, il a des aventures sentimentales, il fréquente des restaurants gastronomiques, il fait de la plongée sous-marine, etc. — dans le seul but de se créer des souvenirs et se persuader qu'il n'a pas vécu en vain. Mais il a beau s'agiter, sa vie se résume tout de même à un monumental zéro — comme celle du nihilique, certes, mais celui-ci du moins ne s'est pas donné le ridicule de sauter dans le vide accroché à un élastique, et c'est avec une grande économie de moyens qu'il est parti de pas grand chose pour n'arriver à rien.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

L'art d'être bref

 

Par l'homicide de soi-même, accorder sa vie à l'idéal de concision d'un Tacite ou d'un La Bruyère.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 13 décembre 2025

L'amour disent-ils

 

Toute relation sentimentale se ramène à une tentative de « placement de produit ». Il y a toujours tromperie sur la marchandise, mais on s'en aperçoit trop tard, fasciné qu'on est par les « biberons Robert » et le « boule ».
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

Non

 

Le nihilique est « l'homme qui dit non » : non à la réalité empirique, non au vouloir-vivre, non au destin, non au cézannisme géométrique, non au Moi, non à la vie et à l'instinct. Et cependant qu'il dit non, il dit aussi l'alternative cruelle, à chaque instant, de la vie et de la mort, rejoignant curieusement le Baudelaire d'Un mangeur d'opium.
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)