« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
dimanche 17 février 2019
Constipation et révolution
Les révolutionnaires ont toujours soupçonné la constipation de porter les esprits à un désespoir stérile et à on ne sait quelle angoisse métaphysique qui détourne l'attention des injustices d'ici-bas, qu'ils désirent abolir, et de la condition des misérables, qu'ils sont pressés de transformer. Ils accusent ce désordre intestinal de provoquer d'obscures et vaines rêveries qui font apparaître à la fin tout effort — et pas seulement celui de « faire » — absurde et insensé. Va-t-on impunément laisser le « Suisse », par son mauvais vouloir, miner le moral des ouvriers de l'avenir?
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Exostose
L'idée du Rien, exostose où s'agglutinent les récréments de l'âme.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Un mollusque roublard
27 juillet. — « Le plus rusé des mollusques, selon Aristote, est la seiche. Elle ne jette pas seulement son encre quand elle a peur, comme le polype et le calmar, mais elle se sert de cette liqueur qu'elle a en grande abondance et qui est fort noire, soit lorsqu'il faut échapper à la main du pêcheur, soit lorsqu'elle veut attraper les poissons en se rendant invisible. Elle saisit alors de gros poissons et même des muges. » (Armand Gaston Camus, Notes sur l'Histoire des animaux d'Aristote, Paris, Desaint, 1783)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Un pionnier de la nihilologie
En 1933, le recteur de l'université de Leyde, J. Huizinga, choisit pour thème de son discours solennel : L'Idée du Rien chez Raymond Doppelchor. Il en reprit et en développa les thèses dans un travail original et puissant publié en 1938, Homo nihilensis. Cet ouvrage, contestable en la plupart de ses affirmations, n'en est pas moins de nature à ouvrir des voies extrêmement fécondes à la recherche et à la réflexion. C'est en tout cas l'honneur durable de J. Huizinga d'avoir magistralement analysé plusieurs des caractères fondamentaux de l'idée du Rien et d'avoir démontré l'importance de son rôle dans le développement même de la civilisation.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Détachement cupressiné
Fastigié tel un cyprès, indifférent à la logique des cupulifères, je languis dans le hamac de l'haeccéité.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
samedi 16 février 2019
Algèbres de quaternions
28 septembre. — Arrivé hier, un petit volume d'André Blanchard que je ne possédais pas : Les corps non commutatifs (Presses Universitaires de France, 1972). Bonheur de retrouver cet algébriste désenchanté, si proche, par la manière et par l'esprit, de Calaferte ou de Perros, autres dyscoles au grand cœur et à la plume alerte. La couverture est hideuse, mais le livre — tel les « silènes » de Rabelais — est au-dedans plein d'une « celeste et impreciable drogue » — du moins pour qui s'intéresse à la chose mathématique.
Au hasard, ce portrait express des algèbres de quaternions, qui résume fort justement la duplicité — au sens premier du mot — de ces structures :
« Une algèbre de quaternions n'est pas toujours un corps, même si on ne considère que le cas non dégénéré. Le théorème I-5 précisera la structure des algèbres de quaternions non dégénérés. »
Bien vu. C'est dit en trois lignes. Les algèbres de quaternions sont des objets mathématiques qu'on admire — admirer « se dit aussi de la surprise que cause ce qui paraît extrême, excessif dans son genre » selon l'Académie —, mais qui ne suscitent guère de sympathie.
André Blanchard est, au contraire, de ceux qu'on aurait aimé connaître, pour ses « révoltes logiques », ses vacheries, ses faiblesses, sa pudeur ou sa mélancolie... Pour son humanité. Simplement.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
À la grâce de Dieu
Loyola professait qu'il fallait agir en ne comptant que sur soi, comme si Dieu n'existait pas, mais en se rappelant constamment que tout ne dépendait que de sa volonté. Et c'est bien ce que fait le constipé « crispé sur son soliloque » !
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Lubricité du papion
31 décembre. — « Je sais qu'on a révoqué en doute ce que Bontius et Le Guat disent de la pudeur des orangs-outans femelles qu'ils avoient vues aux Indes, mais au moins les observateurs conviennent-ils que ces animaux, amenés en Europe, savent se contenir, et ne copient jamais la détestable lubricité du papion. » (Cornélius de Pauw, Recherches philosophiques sur les Américains, Londres, 1771)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
vendredi 15 février 2019
Bistouri pachynihilique
L'esthète du nihil se livre à de savantes permutations de viscères.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Page de journal
30 décembre. — « Les Égyptiens, qui voyoient le bien et le mal régner également dans le monde, et qui ne pouvoient concevoir qu'un Être essentiellement bon eût pu permettre le mal, encore moins en être l'auteur, furent les premiers qui inventèrent deux principes, l'un bon, et l'autre mauvais, et qui introduisirent cette erreur, qui dans la suite a fait tant de progrès. Ils désignèrent le bon principe sous le nom d'Osiris, et le mauvais sous le nom de Typhon. » (Dictionnaire pour l'intelligence des auteurs classiques, grecs et latins, tant sacrés que profanes, Tome trente-unième, Paris, Delalain, 1785)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Un abri précaire
Dans l'opisthodome hypocoristique de l'obscur et de l'in petto.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Congre encore
28 octobre. — « La pêche du congre se fait avec des hameçons ; il faut se rappeler que ce poisson se défend vigoureusement, et que lorsqu'il trouve quelque rocher, il y prend un point d'appui avec sa queue, de telle sorte qu'il est extrêmement difficile de lui faire lâcher prise. » (E. Sauvage, Merveilles de la nature. Les poissons et les crustacés, Paris, J.-B. Baillière, 1893)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
jeudi 14 février 2019
Le monde
Les figures de cauchemar qui grouillent dans cet habitacle de l'ignoble renforcent mon inclination à la pochardise et au suicide.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Poëme en ocle
29 décembre. — Agatocle, binocle, Empédocle, Locle, girofle (Thur. 251), gérofle, Parthénople, Patrocle, socle, sinople.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Dédain de la durée
Contrairement à l'artiste de l'âge classique, le sujet déféquant renonce expressément à la qualité, et par conséquent à la durée. Ce sacrifice lui coûte peu, car il désire justement que son œuvre soit actuelle et qu'elle réponde aux besoins — pressants ! — de l'heure. L'excrément n'a pas pour modèle le buste qui survit à la cité. Son créateur ne fait rien pour le sauver du désastre qui le guette. Il n'essaie même pas de lui assurer la longévité des palais et des temples. On dirait qu'il se contente de la plus fragile demeure : baraque de planches ou cabane de roseau.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Salop de cogito !
La pensée est infâme en tant qu'elle attise l'illusion d'exister.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Incisives
28 décembre. — « Les singes, les sapajous, les sagouins, la roussette, l'hippopotame, etc. ont comme l'homme quatre dents incisives à chaque mâchoire, mais la forme et la position de celles de l'hippopotame sont bien différentes de celles de l'homme ; les inférieures du quadrupède sont cylindriques, fort larges, surtout celles du milieu ; elles sont dirigées en avant et ne touchent aux supérieures que par les côtés ; le pécari et plusieurs espèces de chauve-souris, telles que l'oreillard, la pipistrelle, la noctule, etc. ont quatre dents incisives à la mâchoire de dessus, et dix à celle de dessous : les incisives dans ces animaux sont festonnées en deux, trois ou quatre lobes ; deux des incisives supérieures de l'oreillard sont fourchues ; les phoques ont, au contraire de ces animaux, six incisives à la mâchoire supérieure et quatre à l'inférieure ; les quatre du milieu de la mâchoire supérieure du phoque des Indes ont chacune deux branches comme celles de l'oreillard. » (Pierre Marie Auguste Broussonet, « Considérations sur les dents en général et sur les organes qui en tiennent lieu », in Mémoires de l'Académie royale des Sciences, Paris, Imprimerie royale, 1789)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mercredi 13 février 2019
Critique littéraire
« Ausculter l'idée du Rien, étudier sa façon d'investir peu à peu la pachyméninge jusqu'à la soumettre entièrement ; décrire les cruautés de l'haeccéité ; raconter les souffrances de l'homme du nihil embouqué en d'usuelles asphyxies, et le soulagement fugace que lui procure le vocable reginglette ; peindre l'insolence du Moi, la vilenie du monstre bipède... Le plan était séduisant, majestueux et des plus instructifs ; mais Doppelchor n'avait-il pas trop présumé de ses forces en essayant de reproduire un tableau qui, pour être dignement exécuté, aurait exigé dans le même écrivain l'érudition de Denys d'Halicarnasse et de Plutarque, la sagacité et le coup d'œil de Polybe, la pompe de Tite-Live, la vigueur de Salluste, la vue perçante de Tacite et l'inimitable énergie de son mâle pinceau ? » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Tuf de Pausilippe
26 décembre. — « Le tuf de Pausilippe provient presque entièrement du trachyte ; il se compose en général d'une matière pulvérulente et de fragments de grosseur diverse, consistant en pierre ponce pour la plupart, et en galets de trachyte, de roches anciennes et de calcaire gris ; la matière pulvérulente, rarement en couches isolées, sert presque toujours de pâte aux fragments, et elle est identique par sa composition chimique à la pierre ponce. Enfin on rencontre dans le tuf des huîtres, des cardiums, des buccins, des patelles, fossiles dont les analogues vivent encore dans la Méditerranée. Le tuf de Pausilippe est remarquable par la régularité de ses couches horizontales près de la mer, et par une inclinaison de 12 à 14° qu'il affecte dans des couches qui constituent plusieurs des collines des champs Phlégréens. » (M. Dufrénoy, « Mémoire sur les terrains volcaniques des environs de Naples », in Journal des Savants, Paris, Imprimerie Royale, 1839)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Ni dieu ni diable
Les constipés rapportent tout au sentiment de l'infini, qui les obsède. Ils supportent mal les bornes de la condition humaine et d'un même mouvement se dressent contre le Créateur, la création et les créatures. Renonçant à émouvoir le ciel, ils cherchent à mettre en branle les puissances de l'abîme. Mais c'est en vain : « quand ça ne veut pas, ça ne veut pas »... En désespoir de cause, ils doivent faire appel au médiateur du « cas » par excellence : le jus de pruneau.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
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