lundi 25 août 2025

Strapontin

 

Le strapontin — thaumaturgie du mot ! — est un siège d'appoint repliable, généralement inconfortable. « Le cocher abattait pour qu'elle eût une place les rebords du strapontin. » (Maurois, Climats, 1928, p. 16) « La vie est une indicible rémoulade. » (Wittgenstein, Investigations philosophiques, 1953, p. 192)
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

dimanche 24 août 2025

Si on ne chantait pas ?

 

Dans sa chanson Si on chantait, le chanteur Julien Clerc paraît se demander ce qui se passerait si on chantait. Et la question se pose, en effet. Mais on ne chantera pas — car on est frappé d'acédie monastique.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

La solitude en sept mots

 

Émile Littré dit de la solitude qu'elle est « l'état de celui qui est seul ». On ne saurait mieux dire, ni rendre de façon plus poignante l'horreur de ce terrible fléau.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Tu es Petrus

 

« Pierre, tu es Pierre.
— En effet.
— Très bien. Tu vas me servir à construire mon Église.
— Ah ? D'accord.
— Je te donnerai aussi les clés du Royaume des Cieux. Il faudra y faire bien attention.
— Ne vous en faites pas. Je suis un gars soigneux.
— Vaudrait mieux parce que si tu les perds, ça va barder. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Une pensée familière

 

Deux ou trois fois par semaine, l'idée de l'homicide de soi-même, sympathique et fraîche comme une barrique de muscadet, surgit dans notre « conscient intérieur ». Au début on est un peu décontenancé, puis on s'y fait, puis on l'attend comme une vieille amie.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

samedi 23 août 2025

Un crack de l'existence

 

L'homme de la Nature et de la Vérité se sent dans le réel comme un poisson dans l'eau. Il s'y déplace sans encombre et sans angoisse. Il est même capable de conduire un break.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Une angoissante traversée

 

Traverser le pont Mirabeau, il y a de quoi avoir le trac. Pour peu que vienne la nuit et que sonne l'heure, on est frais.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Machine à vieillir

 

Tout être vivant — à l'exception insignifiante du protiste — peut être qualifié de « machine à vieillir ». Mais c'est chez la femme que c'est le plus frappant.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Perec se souvient des pétaux

 

« Je me souviens, en sciences naturelles, avoir étudié les pétaux et les sépaux. Il y avait aussi les étamines et le pistil. » (Georges Perec, Je me souviens)
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

vendredi 22 août 2025

Ce qu'il avait

 

« Il était né, voilà ce qu'il avait. » 
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Âcres ressouvenirs

 

Quand on se remémore les fois où on a été ridicule, on se dit qu'on paierait cher pour rassembler les témoins de ses déconfitures et les jeter dans le Bosphore, enfermés dans un sac de cuir plein de vipères. Mais en formant ce projet, on est encore ridicule !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

La douleur d'exister

 

Dans une lettre poignante à Sopatros d'Apamée, Jamblique dit que l'existence lui fait le même effet qu'un « dur coup de poing de Blek le Roc ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Comme l'oiseau

 

Abandonné de Dieu et des hommes (à l'exception de Simone Boué et d'Ionesco), le négateur Émile Cioran aurait pu clamer avec Michel Fugain : « Je suis seul dans l'univers ! » Lui aussi avait peur du ciel, de l'hiver et du temps qui passe. Mais quant à « faire comme l'oiseau », il s'en sentait incapable.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

jeudi 21 août 2025

Vague inquiétude

 

Le 24 juillet 1927, l'écrivain japonais Ryūnosuke Akutagawa parvient enfin — c'est sa deuxième tentative — à réussir son suicide par ingestion de véronal. Il laisse derrière lui ces seuls deux mots : Bon'yaritoshita fuan, qui signifient « vague inquiétude ». À lui aussi, la vie inspirait « un traczir à tout casser ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Substitution de concept

 

Chez Parménide, on peut remplacer « l'Être » par « le Rien », ça marche aussi bien et même mieux. « Il n'est que le Rien, immobile, complet, homogène, et tout le reste n'est que variation d'éclat par la surface. » Vous voyez ? Comme quoi... Hein ?
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Incertitude

 

22 février 1969, 6 heures du soir. Émile Cioran écoute les Variations Goldberg sur son vieux tourne-disque ; le ciel est bleu pâle, un oiseau y passe en vitesse. Il rentre sans doute. Ou peut-être qu'il sort ? Avec ces volucres, on ne peut jamais savoir.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Un flatulent mystique

 

Il est difficile voire impossible d'impressionner les personnes qui nous connaissent intimement. Ainsi, l'épouse de Ruysbroeck l'Admirable ne trouvait pas qu'il l'était tellement. Il faut dire qu'il larguait d'énormes « caisses » dans le lit conjugal, le salop.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mercredi 20 août 2025

Libellula depressa

 

La libellule déprimée est un insecte odonate appartenant à la famille des libellulidés. Très commune en Europe, on la rencontre jusqu'en Asie centrale. Ce qui la distingue des libellules « normales », c'est le sentiment camusien qu'elle éprouve de vivre isolée dans un univers de menace et de désolation sans autre perspective que la mort. Les symptômes qui l'affectent — tristesse pathologique ; perte d'intérêt pour les activités professionnelles, sociales et familiales ; sentiment de culpabilité et d'échec ; diminution de l'estime de soi ; difficultés à se concentrer sur une tâche et à prendre des décisions —, ont un retentissement majeur sur sa vie, notamment sur le plan socioprofessionnel. Le risque de suicide est particulièrement élevé et concerne dix à vingt pour cent de ces insectes.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Phénoménologie

 

Malvine Steinschneider, l'épouse d'Edmond Husserl, trouvait que son mari était lui-même un phénomène. Il était en effet capable de jouer O sole mio en soufflant dans un ocarina par l'intermédiaire d'un tuyau relié à son fondement ! Comme Joseph Pujol !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

L'intelligence des électriciens

 

Dans sa chanson Gelato al limon, le chanteur Paolo Conte parle d'une femme qui entre dans sa vie « avec une valise de perplexité » (con una valigia di perplessita). Ému par sa détresse, il se propose de lui offrir « l'intelligence des électriciens » (l'intelligenza degli elettricisti). On comprend qu'il veut lui enseigner la loi d'Ohm et les lois de Kirchhoff, mais la connaissance de ces lois suffira-t-elle à tirer la malheureuse de l'angoisse où elle est plongée ? Et n'oubliera-t-elle pas de « mettre à la terre » ?
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

La vie selon Tchouang-Tseu

 

Il en est ainsi de toute chose, a dit Tchouang-Tseu : on commence au Perreux pour au final se retrouver à Bezons ou à Livry-Gargan. Ce qui d'abord se présentait bien se termine en catastrophe.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mardi 19 août 2025

La souffrance d'être heureux

 

John Keats : Je suis un lâche, je ne puis supporter la souffrance d'être heureux.
Luc Pulflop : Définis « heureux ».
John Keats : Euh...
Luc Pulflop : Tu vois ! Tu t'inquiètes pour rien. Il n'y a pas plus de bonheur que de beurre au cul.
John Keats  : Shit ! Goddam rascals !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Philosophie et mondanité

 

Quelqu'un qui comprendrait ce qu'est le temps, il est probable qu'il comprendrait aussi ce qu'est l'être, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il « saurait y faire avec les gonzesses ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Développement personnel


L'être humain lit des livres de « développement personnel », tout ça pour finalement se casser la gueule dans les escaliers (ou attraper un panaris).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Une idée tordue

 

Le poëte Baudelaire voulait que sa « bonne amie », quand elle serait réduite à l'état de cadavre, transmette aux insectes nécrophores qui la dévoreraient le message suivant : qu'il avait gardé la forme et l'essence divine de ses amours décomposés. Il avait de ces idées, un peu, le gars...
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

dimanche 17 août 2025

Paroles

 

Il faudrait pouvoir se taire une bonne fois, rejoindre la niobite et la proustite à l'extrême de la taciturnité... Mais c'est plus fort que soi, on cause, on s'épanche... Le Moi, quel phraseur !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Comme Francinet

 

À certains égards, la situation du Dasein rappelle celle du jeune Francinet, le héros d'Augustine Fouillée. Comme Francinet, il est seul et sa tâche — parcourir le chemin « de l'utérus au sépulcre » — est austère. Triste est son cœur, lourd son effroi !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Vie compliquée du nihilique

 

Quand on croit que « rien n'est », on ne s'aventure dans une boulangerie qu'avec crainte et tremblement. On y entre plein d'angoisse, et on en ressort penaud avec une boule de pain de campagne.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Mais les vers souverains demeurent

 

De tout l'œuvre d'un poëte, ne restent souvent que quelques vers, ou même quelques mots. Lait noir de l'aube pour Celan, métaplaques métalliques pour Ghérasim Luca... Toute une vie pour quelques mots, est-on tenté de dire. Mais ça valait le coup. Ça valait le coup — sûrement.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)