samedi 22 novembre 2025

Nous voulons des méchants

 

Chez Dostoïevski, le starets Zosime nous bassine. Quant à ce béjaune d'Aliocha, n'en parlons pas, il est d'une mièvrerie insupportable. En littérature, ce que nous voulons, c'est des méchants. Des méchants, vous entendez ? 
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

vendredi 21 novembre 2025

Système avoir les foies

 

Selon Lucrèce, la peur de la mort gâche la vie. Mais selon d'autres penseurs — dont Floutier Jean-Guy —, la vie fait déjà si peur qu'elle suffit à se gâcher elle-même.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Bouc-émissarisation des littérateurs

 

Tout ce qu'on est ou presque vient des livres. Alors comme on n'aime pas ce qu'on est, on blâme les livres et ceux qui les ont écrits — surtout Christian Bobin et Marguerite Urcelar, bien qu'on n'ait jamais rien lu d'eux.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Esprit frère

 

Quand on lit ces mots de Baudelaire : « Je veux dormir ! Dormir plutôt que vivre ! », on se dit : « Tiens, lui aussi. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Le ridicule et la mort

 

Tout le monde n'attrape pas un panaris, mais il y a deux choses auxquelles l'homme n'échappe pas, ce sont le ridicule et la mort. En un sens, la plus bénigne est la dernière, car elle n'arrive qu'une fois, tandis que le ridicule... c'est tout le temps.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

jeudi 20 novembre 2025

Nâtal

 

Le poëte Francis Jammes prononçait nâtal. « La terre nâtale », disait-il.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Métamorphose de la vieillesse

 

Kafka force le trait. Dans la vraie vie, ce n'est pas tout d'un coup, comme ça, un matin, qu'on s'éveille transformé dans son lit en une véritable vermine. Ça prend plus de temps. C'est plus graduel. Mais ça finit par arriver... Et à tout le monde, pas seulement à Grégoire Samsa.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Les conquérants

 

S'il faut en croire José-Maria de Heredia, on trouve à Palos de Moguer (en Andalousie) beaucoup de restaurants de routiers. Le poëte prévient qu'il faut redoubler de prudence sur la route car lesdits routiers sont souvent ivres (d'un rêve héroïque et brutal).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Cérémonial cathartique

 

Au dire de son ami Bioy Casares, quand Borges devait s'acquitter de la « grosse commission », il le faisait en invoquant les mânes de Carlyle, d'Emerson et de Walt Whitman (parfois aussi de Henry James).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mercredi 19 novembre 2025

Un serin

 

Tout jeune déjà, Sartre clamait à qui voulait l'entendre que « l'en-soi n'a pas à être sa propre potentialité sur le mode du pas-encore ». Ses parents en étaient gênés et lui disaient qu'il était un « serin ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Dînatoire

 

Quel genre de personne, ou plutôt quel genre de monstre faut-il être pour dire qu'une chose — par exemple un coquetèle — est « dînatoire » ?
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Un dévergeot

 

Le pauvre Gérard de Nerval se décrivait lui-même comme « le ténébreux, le veuf, l'inconsolé ». De fait, il ne lui arrivait que des déboires : on abolissait sa tour, sa seule étoile mourait inopinément, et pour couronner le tout, son luth constellé portait le soleil noir de la mélancolie.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Hikikomori

 

Le gouvernement japonais considère qu'un individu devient un hikikomori dès lors qu'il a passé plus de six mois enfermé seul dans sa chambre à lire du Xavier de Maistre.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mardi 18 novembre 2025

Ya no puede caminar

 

Chez les bouddhistes, les deux véhicules de pompier (le grand et le petit) ont en commun les trois caractéristiques de l'être (impermanence ; souffrance ; irréalité du Moi), les quatre nobles vérités, la transmigration, le karma et la voie moyenne. Le plus grand des deux véhicules se distingue par son idéalisme absolu (derrière les apparences, il n'y a rien ; l'univers est une illusion ; vivre est la même chose que rêver) et par son klaxon à cinq trompes qui joue La Cucaracha.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Intuition bergsonienne

 

Le philosophe Bergson souffrait de la solitude et aurait bien aimé rencontrer une « milf ». Il lui aurait montré son « élan vital », sa « durée » et son « évolution créatrice ». Mais il ne savait pas où chercher. Son cousin par alliance Marcel Proust lui conseilla de s'inscrire à un atelier d'écriture ou à un club de cinéphiles, mais Bergson avait l'intuition que ça ne donnerait rien.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

De l'amour

 

Aimer quelqu'un : la gênance. Se laisser aimer par quelqu'un : la gênance. Nourrir des illusions sur la nature humaine ; se croire quelqu'un : deux façons d'être un jobard.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Entrée de l'homme noir dans l'histoire

 

Au début de la pièce de Xavier Forneret, Bénita, veuve du baron de Rimbo, fait de la broderie avec Guitta, sa fille adoptive. L'homme noir n'est pas encore entré dans l'histoire. Il n'apparaîtra qu'au deuxième acte.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

lundi 17 novembre 2025

Un cocktail fatal

 

« Monsieur Pessoa, la source de tous vos problèmes, c'est que vous êtes intranquille », avait dit son médecin à Fernando Pessoa. Sur le coup, il y avait prêté peu d'attention, mais... son intranquillité, combinée à une mauvaise circulation, avait fini par lui valoir des varices. « Ô roues, ô engrenages, r-r-r-r-r-r-r éternel ! Violent spasme retenu des mécanismes en furie ! », s'était-il alors exclamé.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Rituel hideux

 

Lovecraft dit que si l'être humain, à de certains moments, se précipite aux ouataires, c'est pour répondre à un impérieux « appel de Cthulhu » ; et qu'il se livre, derrière les murs de l'édicule, à un « rituel hideux ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

C'est donc ça

 

Les gnostiques et les kabbalistes croient que l'univers est l'œuvre d'un dieu déficient, dont la fraction de divinité est proche de zéro. C'est ainsi qu'ils justifient l'existence du mal et des garagistes de La Bourboule.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Misonéisme

 

Plus radical que le Tancrède du Guépard, nous voulons que rien ne change pour que rien ne change. Ce n'est pas que aimions tellement le réel comme il est, mais nous y sommes habitué et nous abhorrons la nouveauté.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

dimanche 16 novembre 2025

Apanage des chauves

 

Seul un individu ayant perdu ses cheveux a le droit de parler d'irréparable. Cioran non ; le banquier Roberto Calvi si.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Hâblerie bouddhique

 

Supposons qu'un disciple du Bouddha vous dise : « Succès et échec, vie et mort, plaisir physique et douleur physique ; je ne suis ni ami ni ennemi de ces fictions. » Demandez-lui alors : « T'as déjà eu un panaris ? »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Résurrection du risque zéro

 

« Le risque zéro existe. Il existe ! Il est ressuscité !
— En vérité, il est ressuscité. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Malaisance de Boileau

 

Le moment où Boileau parlait était déjà loin de lui, et c'était horriblement « malaisant » pour le poëte.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

samedi 15 novembre 2025

Last exit to Montcuq

 

Quand on vient de Figeac et qu'on veut rejoindre Montcuq, il faut, sur l'autoroute A20, prendre la sortie 57 vers Villeneuve-sur-Lot, sous peine de se retrouver à Montauban.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Inconscience du Dasein

 

L'homme, ce n'est pas très original que de le dire, est un être chétif et débile. Une piqûre de guêpe, un engorgement dans ses tubulures internes et il s'écroule. Pourtant, aussi fou que cela paraisse, il forme des projets ! Il parle d'aller acheter une boule de campagne au Fournil du Léguer !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Douleur d'exister

 

Quand on est jeune, on croit que la douleur d'exister est quelque chose de métaphysique, mais en vieillissant, on constate qu'elle ne se manifeste pas seulement dans l'âme mais aussi dans les genoux, les côtes, le péritoine, et cætera.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Erreur d'orientation

 

Il n'y a pas de métier plus pénible que celui dont parle Pavese, à savoir celui de vivre. Le métier de ne pas vivre nous aurait mieux convenu mais on a été mal orienté.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)