« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mercredi 17 octobre 2018
Concert
« Un Anglais séjournant à Ostende manda plusieurs musiciens pour un concert qu'il voulait faire exécuter chez lui. Ils arrivèrent, et, comme ils se préparaient à jouer leur musique ordinaire, l'Anglais tira de son portefeuille un chef d'œuvre, à ce qu'il disait, et le plaça sur les pupitres ; c'était une messe des morts d'un fameux maître d'Italie. Les symphonistes, les chanteurs, s'efforcèrent de mettre dans leur exécution tout le sombre, tout le pathétique, toute la tristesse que ce genre exige ; ils y réussirent si bien qu'au dernier requiem le dilettante se brûla la cervelle d'un coup de pistolet. »
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
mardi 16 octobre 2018
Philosophes fétides
« Le philosophe fétide diffère essentiellement du philosophe ordinaire par l'odeur vive et désagréable qu'il répand par le choc et souvent même par le simple frottement. Cette odeur a quelque analogie avec celle des gaz hydrogènes sulfuré et carburé, et dans les philosophes bien fétides, elle se conserve plus d'une minute après le choc. » (Pierre Marie Sébastien Bigot de Morogues, Notice sur les philosophes fétides des environs de Nantes, in Annales du Muséum national d'histoire naturelle, vol. 9, Paris, Tourneisen, 1807)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Proverbe nihilique
Le fleuve du Rien importe davantage que l'aspect hirsute de ses rives.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Nécrophores
Les nécrophores sont ces insectes qui se rencontrent sous les cadavres, par exemple de taupe ou de rat, qu'ils enfouissent en s'y mettant à cinq ou six avant d'y déposer leurs œufs. Le nécrophore peut être dit fossoyeur (Necrophorus vespillo, Latr.), mortuaire, (N. mortuorum, Latr.), germanique (N. Germanicus, Latr.), ou inhumeur (N. humator, Latr.). Le nécrophore germanique est le seul à être muni de concepts, au dire de M. Pierre Boitard (Entomologie ou Histoire naturelle des insectes et des myriapodes, Roret, Paris, 1843).
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Tempête sous un crâne
S'il fallait comparer la pachyméninge de l'homme du nihil à une mer, ce serait certainement l'Euxin, dont Crispus nous dit que « sa surface est presque toujours embrumée, à moins qu'elle ne soit battue des vents : alors les vagues y sont mauvaises, courtes, variées, inégales dans leur fluctuation, dangereuses surtout lorsqu'il y souffle un vent de nord, dont l'effet est de presser les ondes l'une sur l'autre, tandis que le choc du rivage en renvoie d'autres en sens contraire. » Ce vent du septentrion, que l'on peut assimiler à l'idée du Rien, est si violent qu'il fait souvent perdre son foc au navigateur, nous dit Valérius Flaccus.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Rhétorique
Un homme féru de métonymie dira un caudebec, au lieu de dire, un chapeau fait à Caudebec, ville de Normandie. En revanche, quand Tite-Live appelle Annibal le Carthaginois — « le Carthaginois, dit-il, avait un grand nombre d'hommes » —, il use d'une antonomase.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Un héros de notre temps
Humble personnage sans ambition terrestre mais affamé de grandeur spirituelle, réunissant esprit critique et imagination déréglée, attentif au monde extérieur mais aussi observateur de « l'infiniment petit de l'espace du dedans », le suicidé philosophique assume sa condition de « handicapé de la vie » pour mieux la dépasser et, grâce à l'idée du Rien, aller à l'extrémité de lui-même, à cette frontière de notre condition où les mystiques atteignent la plénitude « parce qu'ils sont vidés de tout le vide du monde ».
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Lavement
Dans les Nouvelles formules de médecine, ouvrage de Pierre Garnier publié en 1726, on trouve la recette suivante du Lavement pour les Crottes ou grande constipation de ventre : « Prenez de grandes et petites passerilles de chacune deux onces ; faites boüillir tout dans s. q. de boüillon de tripes, puis dans chopine de coulûre on dissoudra demi-livre d'huile commune, quarante grains de trochisques alhandal en poudre, pour un lavement. » En 1794, Johann Gottlieb Fichte reprendra cette recette dans ses Principes de la doctrine de la science, ouvrage dont la lecture seule suffit, la plupart du temps, à guérir la « grande constipation de ventre ».
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
lundi 15 octobre 2018
Un cadavre incomplet
L'homme du nihil subsiste plus ou moins longtemps, suivant une foule de circonstances qui dépendent de sa constitution, de son exposition à l'idéalisme allemand, de la température de l'atmosphère, de son humidité ou de sa sécheresse, etc. Cadavre incomplet, il est comme la transition de la vie à la putréfaction. Craignant, s'il bouge, de réveiller le féroce Moi, il s'efforce d'obéir à cette loi commune, l'inertie, qui régit les corps inorganiques. Malgré cette précaution, il maigrit, une couleur jaune teint sa peau et ses yeux, ses viscères s'engorgent, et communément la mort, qui le guette au centre des marais Pontins, vient fermer quelque temps plus tard cette carrière de souffrances.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Un joli travail
« L'éternel est son nom, l'haeccéité son œuvre. » (Racine, Esther, III, 4)
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Vie souterraine
Pour la vie ténébreuse et fouissante que mène l'homme du nihil, la nature lui a donné une tête en museau de porc, un thorax convexe et déclive sur ses côtés, solide, dur et renforcé intérieurement par des arcs-boutants presque osseux. Ces formes disgracieuses lui interdisent pratiquement toute vie mondaine mais s'accommodent très bien à la progression souterraine dans la tourbe glaiseuse du quotidien.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Nageoires
Les puissants instruments qui concourent à imprimer à ses évolutions une vélocité prodigieuse, et qui lui permettent d'affronter les eaux les plus agitées, doivent faire envisager le suicidé philosophique comme un animal essentiellement nageur, à l'instar du Saurien de Gigondas (neustosorus gigondarum), dont on a retrouvé les ossements fossilisés dans une montagne du Vaucluse.
(Marcel banquine, Exercices de lypémanie)
Inconscience du Dasein
L'étant existant, parce qu'il est capable de manier la brouette, de charroyer des cailloux et de faire des plates-bandes, n'a que trop tendance à considérer que la vie n'est pas une maladie mortelle. Il « se sent trop bien » pour envisager sa propre disparition. Pauvre insensé ! Fou !
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Rhumatismes
« On fait d'ordinaire les acquisitions de la maladie de rhumatisme, les uns pour avoir été trop longtemps dans l'eau froide ; d'autres, pour avoir été mouillés par la pluie, par un temps froid ; d'autres, pour avoir supporté trop longtemps une petite colonne d'air, qui a frappé avec action les unes ou les autres parties du corps, qu'on nomme vent coulis communément ; d'autres, pour avoir changé des vêtements chauds en de plus légers ; d'autres, pour avoir habité des lieux humides ; d'autres, pour avoir couché les fenêtres ouvertes, par un grand chaud ; d'autres, après des exercices violents, avoir respiré un air trop froid ; d'autres, pour avoir supporté un froid, soit de nuit ou de jour, particulièrement à l'armée ; aussi en sortant de son lit, le matin, étant en sueur, ou en transpiration. Enfin le rhumatisme en général, est une suite du chaud au froid, par des transpirations interceptées. » (J. A. Loubet, Lettres sur la maladie de la goutte, Duchesne, Paris, 1757)
— De façon analogue, quand on passe du sentiment du quelque chose à l'évidence du Rien — avec ou sans transpirations interceptées —, on s'expose à subir ce que les savants appellent une « vie de merde » — sans préjudice de rhumatismes éventuels.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Sceptiques et ophiures
Ce serait une grave erreur que de confondre les sceptiques avec les ophiures. Les sceptiques prétendent qu'il est impossible de savoir, de deux opinions opposées, laquelle des deux est conforme à la vérité, tandis que les ophiures sont des échinodermes voisins des astéries (ou étoiles de mer). Ils se nourrissent principalement de jeunes mollusques et d'annélides. Leurs cinq bras sont fins, le disque central est bien individualisé et ils ne possèdent pas d'anus, contrairement aux sceptiques.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Pour ampliation conforme
Nous soussigné, Marcel Banquine, sain de corps et d'esprit, attestons par la présente que la vie entière n'est qu'un mélange de rêves peu suivis, presque toujours bizarres, et pour l'ordinaire malheureux. Pour valoir ce que de droit.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
Tétrarhynque
Aucun homme sensé ne saurait être de l'avis de M. Leblond touchant la détermination du petit animal à quatre trompes qu'il a trouvé dans un kyste situé sous le péritoine d'un congre. On peut accorder volontiers qu'il ne soit ni Floriceps ni Anthocéphale, puisque l'extrémité postérieure de son corps ne se termine pas par une vésicule, et que ce doit être un tétrarhynque ; mais ce n'est en aucun cas le Tetrarhynchus appendiculatus de Rudolphi. La plupart des vrais tétrarhynques qui ont pu être observés vivants avaient, à l'extrémité postérieure du corps, une sorte d'appendice qu'ils faisaient rentrer ou sortir suivant certains mouvements. Où est cet appendice, chez le tétrarhynque de M. Leblond ? — [Silence].
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
De l'inanité de l'être
Dans l'Apologie de Raimond Sebond, Montaigne, en proie à une crise de scepticisme, met en doute la véracité des sens et déclare impossible toute connaissance. Mieux encore, l'auteur affirme l'inanité de l'étant existant — le fameux Dasein des existentialistes — qui, selon lui, découle de cette impossibilité de connaître. Certains commentateurs ont vu dans ce texte une déclaration semblable à celle que profère, par son acte radical, le suicidé philosophique. D'autres ont établi un lien avec la formule de Sainte Catherine de Sienne : « Je suis celle qui n'est pas ». Mais tout cela n'est-il pas, finalement, « du pareil au même »?
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
dimanche 14 octobre 2018
Platonisme
Le platonisme est une théorie philosophique selon laquelle il existe des entités intelligibles en soi (crottin de Chavignol, gruère, picodon fermier, etc.), dont le contenu est indépendant de la contingence de l'expérience sensible. Cette théorie est une des réponses possibles, avec le nominalisme et le conceptualisme auxquels elle s'oppose, à la question du statut ontologique des spécialités fromagères.
(Marcel Banquine, Exercices de lypémanie)
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