mercredi 31 octobre 2018

Terreur de la pensée


Me saisit en son cortile l'horreur propre à l'intellection.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Chausse-trape


Celui qui s'appliquera à classifier le réel fera bien de se garder du défaut dans lequel sont tombés Linné et Scopoli au sujet des poissons cartilagineux, en les reportant parmi les amphibies 1.

1. Fort heureusement, Gmelin a rétabli avec juste raison les deux familles des branchiostèges et des chondroptérygiens.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune femme lisant la Mélancolie bourboulienne de Léon Glapusz

Aperception du Rien


Selon Bichat, les rayons lumineux doivent, pour être aperçus, frapper notre rétine. De même, les aliments doivent se mettre en contact avec nos organes s'ils veulent être assimilés en notre propre substance. Dans l'ordre de l'esprit, de façon analogue, pour que l'idée du Rien nous imprègne, il faut d'abord qu'elle entre en collision avec notre pachyméninge. Le commerce de la femme y aide beaucoup, au dire de Gragerfis (Journal d'un cénobite mondain).

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Encellulement phrastique


Claquemuré dans l'épaisseur trouble du vocable.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Amputation


Au colt Frontier des suicidés philosophiques, Origène préféra le couteau de cuisine, et il ne visa pas directement le Moi, mais un simple acolyte.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

L'actrice Sylvia Kristel lisant Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Folie circulaire


En septembre 1911, le Moi est envoyé une première fois à l'asile de Ville-Évrard, en Seine-et-Marne, avec un diagnostic de « dépression mélancolique » occasionnant, selon le médecin-chef, une grande faiblesse de l'attention et l'impossibilité de tout travail intellectuel. Un diagnostic ultérieur de « folie circulaire » et de « paralysie générale » laisse deviner une psychose maniaco-dépressive, peut-être aggravée par les effets tardifs d'une intoxication par l'idéalisme fichtéen.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Volonté de divinité


L'omnipotence jubilatoire et hyperesthésique du suicidé.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Un remède souverain contre la gravelle


« Lorsque l'expulsion des pierres est continuelle, et lorsque la prêle, la verge d'or, le lierre terrestre, les framboises, le marrube blanc, la bétoine de Paul, l'impératoire, les sommités de mille-feuille, les mauves, l'écorce de la racine de l'aubépine d'Égypte, les différentes espèces de mousses, les baies de genièvre torréfiées, les framboises séchées, les noyaux et le fruit rôti des cerises, se révèlent tous impuissants à stopper la maladie, il faut nécessairement faire usage de l'idée du Rien. On en prendra une cuillerée le matin, sur laquelle on boira du thé. On a remarqué que des personnes qui avoient été tourmentées pendant plusieurs années de douleurs néphrétiques, s'étoient fort bien trouvées de l'usage de cet électuaire. » (Robert James, Dictionnaire universel de médecine, Trad. par MM. Diderot, Eidous et Toussaint, Paris, 1746)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mardi 30 octobre 2018

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Jusqu'au-boutisme


À l'instar de Simmel, le suicidé philosophique rejette toute définition organiciste de l'individu, car une telle définition induit trop à ses yeux le fait de penser le Dasein comme une entité cohérente et autonome. Mais son opposition, contrairement à celle de Simmel, prend la forme d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe, et il s'oppose jusqu'à ce que mort s'ensuive.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

La vie


Tout cela n'est ni tragique, ni héroïque. Il ne s'agit que de l'épuisement d'un possible.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Cautérisation du Dasein


« L'idée du Rien, affirme Hippocrate, est ennemie de toute pourriture, parce qu'elle consume et dessèche l'humidité imbue en la pachyméninge, et corrige l'intempérature froide et humide ; ce que ne fait pas l'idéalisme transcendantal, lequel, aux esprits cacochymes, cause quelquefois inflammation, gangrène et mort. »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune femme lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Un sceptique de notre temps


Disciple moderne de Pyrrhon, le fantaisiste français Joseph Pujol (né à Marseille le 1er juin 1857 – mort en 1945), dont le nom de scène était le Pétomane, acquit la célébrité pour le don qu'il avait de contrôler ses muscles abdominaux. Cette étonnante faculté lui permettait de lâcher des gaz à volonté : il pouvait ainsi jouer Au clair de la lune avec un flûtiau, et éteindre les lumières de la scène. On prétend même qu'il pouvait jouer O sole mio en soufflant dans un ocarina par l'intermédiaire d'un tuyau relié à son fondement. Dans l'intimité, il professait le doute systématique et la suspension du jugement, allant jusqu'à soutenir qu'il est impossible de savoir si nous savons quelque chose. Non plus que de Pyrrhon, aucun écrit de Pujol ne nous est parvenu.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Dur labeur


Édifier sa vie comme un dithyrambe à la gloire du Rien.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Introspection


« Fouillant les circonvolutions de ma pachyméninge, je cherche le diverticule où l'idée du Rien a son siège. Je le trouve enfin. L'endroit est désert, comme tous les bouts de ville qui ont l'air oubliés même de leurs habitants, mais sans rien d'inquiétant ou d'insolite. »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune femme lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Impudence philosophique


« Ils sont encore une foule de subtiles niaiseries bien plus spirituelles que toutes celles-là. Ce sont des notions, des relations, des formalités, des quiddités, des haeccéités, toutes choses qui ne peuvent être aperçues que par ceux qui ont d'assez bons yeux pour voir, au milieu des plus épaisses ténèbres, ce qui n'existe nulle part. » (Érasme, Éloge de la folie)

— Oh ! Oh ! Comme tu y vas, mon ami !


(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Stupeur


Le réel est aussi le lieu de mon inaptitude à la pensée.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Pêche au concept


Le philosophe entre nu ou presque nu dans la vase de la « réalité empirique » ; il examine les endroits où se sont enfouis les concepts, et que l'on reconnaît aux trous en entonnoir qu'ils forment pour leur respiration ; il les en fait sortir par la compression ou l'ébranlement de ces entonnoirs, et il les prend à la main, ou il les assomme avec un bâton.

(Thésar du Jin, Carnets du misanthrope)

lundi 29 octobre 2018

Interlude

Jeune fille lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Preuve par le boyau


L'Anglais William Derham (1657-1735), quoique son nom ne brille guère au firmament de la philosophie, est l'auteur d'une ingénieuse démonstration de l'existence de Dieu : « La conformation singulière des intestins, leurs tuniques, leurs glandes, leurs fibres qui se croisent les unes les autres, leur mouvement péristaltique, leurs contorsions en forme de limaçon pour retarder le mouvement du chyle : ces merveilleux ouvrages du Créateur prouvent tous évidemment que l'objection des athées est entièrement frivole, et n'est appuyée sur aucun fondement. » (William Derham, Théologie physique ou démonstration de l'existence et des attributs de Dieu tirée des œuvres de la création, Jean Daniel Beman, Rotterdam, 1726, pp. 288-290)

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Nosographie de l'étant existant


L'ulcère ornemental de l'idée.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Opportunisme


« Convaincu que l'union fait la force, je décidai de m'entendre avec l'existentialiste chrétien dans un même sentiment de haine ou de dégoût pour ce qui est, dans un même besoin de détruire le réel ou d'y échapper. »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Interlude

Jeune fille lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Dangers de l'ontologie critique


« Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Toujours est-il qu'après avoir lu les Méditations personnelles sur la philosophie élémentaire de Johann Gottlieb Fichte, le Moi perdit toute apparence humaine. Ce fut un animal très vieux, très sale, qui songeait près d'un feu de bois dans son grenier et murmurait d'une voix sénile et cassée des chansons des jours passés, en faisant cuire des pommes de terre pour se conserver une tenace étincelle de vie. »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Nouvelles investigations sur l'être (suite)


La rémoulade n'est qu'une sauce, pas même un concept ; une sauce faite de fines herbes, ail, huile et jus de citron, qui se sert avec des viandes froides et des poissons cuits au court-bouillon.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)