« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
dimanche 11 novembre 2018
Creux sémantique
Le flot d'images suggéré par le vocable reginglette n'était sans doute pas le même dans l'esprit d'un philosophe de l'antiquité que dans celui d'un suicidé philosophique actuel. Le mot est toutefois resté dans le même creux sémantique, pour parler comme René Thom.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Purgatifs
Placé dans l'incapacité momentanée d'expulser les matières excrémentitielles accumulées — et quelquefois desséchées — dans son rectum, l'homme peut être tenté de recourir à ce puissant purgatif qu'est l'idéalisme fichtéen. Il existe cependant d'autres médicaments mieux connus, plus sûrs et moins dangereux. Pinel s'en tient aux légers laxatifs, aux purgatifs doux ; les chicoracées, les plantes savonneuses, combinées avec quelques sels neutres, suffisent en général pour faire cesser la rétention.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Le nihilisme est un humanisme
« La pensée nihilique, c'est d'abord la rigueur glacée du Rien, mais c'est aussi, alliées à cette rigueur, la chaleur de la vie, la profondeur de la réflexion, la beauté et la puissance d'une doctrine tout entière inspirée par l'esprit de limiter la souffrance humaine sans s'interdire aucun moyen, jusques et y compris le muscadet et l'homicide de soi-même. » (Edmond Chassagnol, Théorie du trop-plein)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Luciférien
La morale de l'homme du nihil se réduit à l'orgueil de contrarier.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
samedi 10 novembre 2018
Pétrification
Si l'on considère que des terres humides et molles deviennent dures comme le roc par le froid de l'hiver, on doit en inférer que tout notre être s'endurcit progressivement à mesure qu'il s'éloigne du soleil. Voilà pourquoi l'homme du nihil, impatient d'activer la pétrification de son Moi, cherche refuge dans l'ombre propitiatoire d'un cagibi rienesque, qu'il ne quitte que pour faire ses courses (il n'a pas de domestiques).
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Un ambitieux programme
Écraser le monde pour en exprimer le suc, puis se vautrer dans les décombres. Écrire une mystique du Rien à l'usage des suicidés philosophiques.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Ridicule
Un sens aigu du ridicule rend malaisé, voire impossible, tout effort en vue d'expliquer les propriétés macroscopiques du picodon fermier (saveur, texture, etc.) à partir du comportement microscopique des atomes et des électrons.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Exploits du nihilique
« L'homme du nihil entreprend tout d'abord de terrasser son Moi. Il s'y applique consciencieusement, méthodiquement, employant à cette fin de grandes quantités de muscadet. Le succès qui couronne cette entreprise et l'accroissement rapide de ses forces navales viennent donner un stimulant nouveau à sa soif de conquêtes et d'aventures. Il stationne un moment dans son "cagibi rienesque", puis se propose un nouvel objectif : en finir avec le réel. Mais cela lui paraît quand même un trop gros morceau, alors il se recouche — et gémit. »
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
La vie : une saugrenue panade
Et le Grand Rien balaiera toute chose, abolissant la saugrenuité de la panade avec la panade elle-même.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Entraves bureaucratiques
L'homicide de soi-même n'exige que peu de matériel et de compétences. À la rigueur, il suffit d'un seul instrument et de quelques semaines d'apprentissage. Mais les nombreux règlements dont cet art a été l'objet en rendent la pratique assez difficile.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Absence de sol
Il est notoire que certains organismes parviennent à prospérer même en l'absence de sol : sur un rocher nu ou un vieux mur, poussent les lichens et les mousses ; la joubarbe des toits se développe sur le faîte des maisons ; le pleurocoque est une algue verte qui couvre le tronc des arbres ; l'homme du nihil se nourrit de l'idée du Rien, etc.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Un asocial
Le suicidé philosophique vit dans les bois, dans les déserts, sans lois ni demeure fixe, et prône la tératologie comme science de l'Unique.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Lanterne des morts
Vers le onzième siècle, apparaît dans la douceur romane du cimetière un petit fanal, haut de huit à douze mètres, dont le sommet est évidé par des arcades à travers lesquelles se projette la lueur d'une lanterne. Cet édicule, connu sous le nom de lanterne des morts, servait à indiquer aux nihiliques tentés par l'homicide de soi-même, pendant la nuit, l'existence d'un cimetière, et à faire naître dans leur esprit des images de débris humains à demi putréfiés, de charniers croulant sous des amas d'ossements en décomposition, pour les inciter à « y réfléchir à deux fois ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
mercredi 7 novembre 2018
Un malotru
Le Moi parlerait-il le grec aussi correctement que Xénophon, Démosthène et Isocrate réunis qu'il n'en resterait pas moins un malotru. En outre, comme l'a fait remarquer le révérend père Gillet, sans la connaissance supplétive de l'hébreu, on se flatterait mal à propos de réussir dans une traduction de l'historien Josèphe.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Négation de la substance
Contrairement à ce que s'imagine le profane, la réalité des phénomènes est tenue pour certaine par le sceptique : l'apparence ne se discute pas. Un sceptique conséquent ne dira pas : « la matière fécale est nauséabonde » ; mais plutôt : « cet excrément, en tant qu'il m'apparaît, le fait avec fétidité ». Du point de vue de la connaissance, cela revient à nier la catégorie de substance, pour n'affirmer que des apparences sans substrat métaphysique.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Des êtres équivoques
« Les phénoménologues, afin d'être plus près de la réalité empirique qu'ils scrutent inlassablement, plient et écartent leurs jambes de manière à être très peu élevés au-dessus de la terre, sur laquelle ils paraissent plutôt ramper que marcher, ce qui les a parfois fait confondre avec les reptiles. Cependant, cette dénomination ne devrait appartenir qu'aux serpents et aux animaux qui, presque entièrement dépourvus de pieds, ne changent de place qu'en appliquant leur corps même à la terre. Ces philosophes possèdent en revanche des caractéristiques communes avec les crocodiles : ils sont revêtus de plaques dures, d'une croûte osseuse, d'écailles aiguës, de tubercules plus ou moins saillants, etc. » (Lacépède, Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares, 1788)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Formation du suicidé philosophique
« On ne peut sûrement faire mieux pour former un suicidé philosophique que de suivre scrupuleusement le règlement de 1791. Cette méthode en effet joint partout l'utilité et la raison physique à la grâce et à la régularité ; et on chercherait en vain ailleurs le plus vite et le mieux. Le candidat à l'homicide de soi-même devra donc régulièrement tous les mois tirer à la cible, à toutes distances et dans toutes les positions ; en marchant, et même sur des objets rendus mobiles. Ainsi, il sera en mesure de faire face à toute éventualité, y compris celle où la pensée de se détruire le poignerait sur un trottoir roulant. » (Virgile Schneider, Résumé des attributions et devoirs du suicidé philosophique, Dondey-Dupré, Paris, 1823)
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Mise au point
Il n'y a aucun rapport entre la Weltanschauung de l'homme du nihil et l'organisation celluleuse de la vessie natatoire de certains silures, etc., dont les divisions sont des productions de la membrane propre, qui a, dans ce cas, la consistance du parchemin, et ne jouit d'aucune contractilité ; c'est à tort qu'on les a souvent confondues.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Inscription à :
Articles (Atom)