Le réel a des façons si bizarres et inquiétantes qu'on pourrait penser qu'il « prend des substances » — qu'il « consomme ».
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
samedi 23 décembre 2023
Je me souviens de Je me souviens
Dans
un ouvrage dont on préfère ne pas se souvenir pour ne pas mettre en
branle une cauchemardesque regressio ad infinitum, l'écrivain Roland
Brasseur se souvient du Je me souviens de Georges Perec.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
vendredi 22 décembre 2023
Rugosité du nihilique
Le
pouce-pied de la misanthropie a fini par former autour du nihilique une
carapace éruciforme qui lui donne — mais oui — un aspect rugueux.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Karakozov
Dans
Les Frères Karamazov, le personnage d'Alexeï est inspiré du
révolutionnaire Dmitri Karakozov qui attenta à la vie du tsar Alexandre
II en avril 1866. Selon Bakounine qui en trace le portrait dans son
Catéchisme révolutionnaire, ce dernier « était couvert d'une énorme
quantité de pouces-pieds, ce qui lui donnait un aspect rugueux ».
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Mocha Dick
Le
véritable nom de la baleine blanche n'était pas Moby Dick mais Mocha
Dick. Elle était, nous dit l'explorateur Jeremiah Reynolds, « couverte
d'une énorme quantité de pouces-pieds, beaucoup plus que la normale pour
son espèce, ce qui lui donnait un aspect rugueux ». Chez Melville, ce
cachalot symbolise l'idée du Rien — tandis que l'antipathique
capitaine Achab incarne la fétide et rébarbative « réalité empirique ».
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Réparer outre
On
croit que quelque chose est réparé, mais je t'en fous : quelque temps
plus tard, ça se remet à fuir. C'est comme ça, la vie. On ne peut rien
réparer une (yves) bonne fois pour toutes. C'est usant.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
jeudi 21 décembre 2023
Monde comme volonté etc.
Schopenhauer
a écrit qu'il n'y a pas d'actes, pas de pensées, pas de maladies qui ne
soient volontaires. Avec tout le respect que l'on doit à ce philosophe,
cela paraît douteux pour les pensées et les maladies, et c'est même
complètement invraisemblable pour la maladie par excellence : celle
d'exister.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Aggravation
On croit toujours que la vie, ça ne peut pas être pis, mais il suffit de laisser passer un petit moment, et ça y est, c'est pis.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Dîners-spectacles
Quelqu'un
qui a un peu vécu en arrive fatalement à se poser la question : les
gens qui vont à des « dîners-spectacles » sont-ils plus heureux que les
autres ? Tout aussi fatalement, il répond par la négative car : primo,
il faut déjà aimer les « dîners-spectacles » ; deuzio, comme le commun des
mortels, les amateurs de « dîners-spectacles » sont sujets à la maladie,
au vieillissement et à la mort. Et puis : la vie elle-même n'est-elle
pas un « dîner-spectacle » ?
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Le Rien est son berger
Non
seulement l'idée du Rien restaure l'âme du nihilique et le conduit dans
les sentiers de la vie juste, mais quand il marche dans la vallée de
l'ombre de la mort, il ne craint aucun mal. Car l'idée du Rien est avec
lui. Qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore, c'est ainsi.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
mercredi 20 décembre 2023
Problème d'orientation
Il
n'y a pas de métier plus salissant que celui dont parle Pavese, à
savoir celui de vivre. On patauge dans un fleuve de vous-savez-quoi et
on arrive tout crotté au sépulcre. Le métier de ne pas vivre aurait été
moins salissant mais on a été mal orienté.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Vent froid
Horacio
Quiroga soutenait que si un vent froid souffle du côté du fleuve, il
faut simplement écrire : un vent froid souffle du côté du fleuve. En
1937, lassé de n'être pas entendu, l'écrivain uruguayen met ses menaces à
exécution en avalant une pilule de cyanure.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Made in China ?
L'illusion du bonheur dure si peu qu'on pourrait la croire fabriquée en Chine.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Intempestivité de l'autrui lévinassien
C'est
le moment crépusculaire. On s'assied sous un portail pour admirer ce
reste de jour dont s'éclaire la dernière heure du travail, mais tout ce
qu'on voit, c'est de la révérence parler merde ! Il y a gêne ! Dans ce
monde de néant, il y a toujours quelqu'un pour vous boucher la vue ! Il y
a tout le temps gêne !
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
mardi 19 décembre 2023
Gran hombre de la literatura argentina
Il
est difficile de trancher si le grand homme de la littérature argentine
est Almafuerte ou Sarmiento quand on ne connaît ni l'un ni l'autre (et
qu'on ne veut pas les connaître parce qu'on a déjà assez de problèmes
comme ça merci). Disons Sarmiento, mais vraiment au pif !
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Lacune
L'Abrégé
d'histoire des mathématiques de Jean Dieudonné ne nous dit pas si la
femme du mathématicien Carlo Bourlet en avait (et si oui, s'ils
affectaient la forme d'une clothoïde).
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Volupté faunesque
L'inaction procure une volupté qu'on pourrait, avec quelque exagération, qualifier de faunesque.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Identification morbide
Parfois,
Victor Hugo se disait que le fruit tombe au vent qui le secoue, et cela
le rendait malade. Il s'identifiait. Il se croyait broyé par la grande
roue non de Marcel Campion mais de la création.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
lundi 18 décembre 2023
Glyptodons
On
peut, en cherchant bien, trouver des squelettes de glyptodon, mais cela
n'empêche qu'il n'a jamais existé de glyptodons. Ces squelettes, Dieu
les a mis là pour faire beau, et sans doute aussi pour se moquer des
hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes (les
paléontologues). C'est la pure vérité.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Si lassante la vie
Sans se prendre pour Théophile Gautier, il faut avouer qu'on est, soi aussi, frappé d'une lassitude d'hippopotame.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Épigraphie gnomonique
« Il
est plus tard que tu ne crois. » — « Toutes blessent, la dernière tue. » — « Une ombre qui passe, voilà notre vie sur terre. » — Les devises
des cadrans solaires sont déprimantes. On les dirait conçues par un
sadiste.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Chute fatale
Depuis
que l'homme s'est pris une bourrade qui l'a fait choir dans le temps,
tout est allé pour lui de mal en pis. Sa vie jusque là tranquille, où
tout se passait « en même temps », a pris un caractère chronologique :
elle est devenue une succession (d'emmerdes).
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
dimanche 17 décembre 2023
Faiblesse du poëme en termes d'entreposage
Le
cabanon de jardin a cet avantage sur le poëme qu'il permet d'entreposer
des outils, une berouette, et même une tondeuse à gazon (pour les
grands modèles).
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Une comparaison à la mords-moi-le-chose
Ce
n'est pas pour manquer de respect à Armand Robin, mais il faut être un
couillon certifié pour dire que Tchouang-Tseu ne ressemble à rien tant
qu'à un paysage dénudé du nord de l'Écosse. Il faut vraiment aimer faire « jore ». « Regardez comme comme je suis original ! Les amis ! »
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Hypodermicité du Rien
Le Rien a cette faculté de s'insinuer jusque sous la peau du sujet pensant. Il est hypodermique, si l'on veut aller par là.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Solitude circulaire
Contrairement
au Sphairos d'Empédocle, le nihilique n'exulte pas dans sa solitude
circulaire ; il s'y fait plutôt chier à mille francs de l'heure.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
samedi 16 décembre 2023
Faussaires
Il
est triste de penser que même dans les confréries les plus nobles il y a
des faussaires. Prenons les misanthropes. S'y mêlent des scélérats qui
publiquement font profession de vomir le genre humain, mais qui, en
cachette, ont des amis !
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
Commotion du mal-aimé
À
force de parler dans ses poëmes de vagues de briques, Guillaume
Apollinaire a fini par s'en prendre une sur le cassis. Il a fallu lui
bander la tête.
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
L'indéfendable Basilide
Il
ne faut pas manquer d'air, pour prendre la défense du fallacieux
Basilide. Il est d'un pessimisme exacerbé ! D'après lui, l'homme est
marqué par le péché, souillé, et soumis à une causalité aveugle qui le
maintient dans la souffrance ! Comment le gnostique en est-il arrivé à
soutenir de telles insanités alors que tout prouve au contraire que la
vie est belle et que les gens sont gentils ?!
(Marcel Rocabois, Le Néant et l'être)
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