mercredi 26 novembre 2025

Sens de l'art

 

Le 26 novembre 1965, à la galerie Schmela de Düsseldorf, le plasticien Joseph Beuys se présente la tête enduite de miel et de poudre d'or, tenant dans ses bras un lièvre mort. Pendant trois heures, il se déplace dans la galerie et explique les tableaux à l'animal. Seul hic : le lièvre mort paraît s'en « taper » comme de sa première chemise.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Singe de la mort

 

Qu'est-ce que le sommeil, pour le poëte Wilhelm Klemm ? Un singe — ni plus ni moins. Et un singe de quoi ? Mais de la mort, pardine ! Affe des Todes, c'est son expression.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

De Faverges à Salé


L'homme est un éternel insatisfait. Il passe sa vie à se plaindre. Il se plaint de Faverges à Salé, deux villes que séparent 2 137 km, soit la distance approximative de l'utérus au sépulcre (d'après Irénée de Lyon).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mardi 25 novembre 2025

Caractère peu emballant du réel

 

Le réel se distingue du plasticien Christo par plusieurs aspects, mais surtout par le fait qu'il n'est pas très emballant.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Approche d'Almotasim

 

Toute sa vie, on poursuit un idéal sans savoir exactement ce qu'il est, et quand, après mille péripéties, on l'atteint enfin, on découvre stupéfait qu'il ne s'agit pas du tout d'un idéal mais de l'Hindou qu'on pensait avoir tué au premier chapitre !
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Moksha

 

Lire de l'Émile Cioran permet à la longue de devenir un « jivan-mukti », un délivré-vivant. On a exsufflé les agrégats d'existence qui entraînent une personne non éveillée de renaissance en renaissance, mais on est encore en vie. Un hindouiste dirait qu'on a atteint l'état de moksha.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Je

 

Le Maggid de Mezeritch enseigne que le mot « je » ne peut être prononcé que par Dieu. Si Dieu n'existe pas, il ne peut l'être par personne. Hélas ! Force est de constater que le Maggid de Mezeritch, c'est comme Maritain : tout le monde s'en fout.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

lundi 24 novembre 2025

Prunier

 

Les auteurs japonais de haïkus semblent nourrir une fascination morbide pour le prunier. Un exemple entre mille, ce poëme de Buson : « En tombant dans l'eau, les pétaux disparaissent : prunier sur la rive. » — L'étrangeté de cela et du monde en général.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Présence du à l'ail

 

Au lieu de manger des truffes chez le forgeron Chunda, le Bouddha aurait dû écouter Claudel et opter pour un saucisson à l'ail. Non seulement il serait resté en vie, mais il se serait senti moins seul.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Démolition impossible

 

Le philosophe Diodore Cronos nie qu'un mur puisse être démoli. En effet, quand les briques sont jointes, le mur est debout, quand elles ne le sont plus, le mur n'existe pas. Il admet cependant qu'avec un puissant bulldozer, c'est peut-être faisable, mais à condition de « drôlement y aller ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Mise au pas de la douleur

 

Si votre douleur refuse d'être sage et de se tenir plus tranquille, menacez-la de la transférer dans un « centre éducatif fermé », où elle sera encadrée par d'anciens militaires très à cheval sur la discipline. Ça devrait lui donner à réfléchir.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

dimanche 23 novembre 2025

Prémonition

 

Un jour qu'il se sentait d'humeur poétique, le moine japonais Sôgi écrivit : « Plus fugace que l'éclat d'une feuille emportée par le vent, cette chose, la vie. » Quelques instants plus tard, il passait sous un autobus.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Quand la beauté est mal lunée

 

Un soir, alors qu'il était un peu pompette, Arthur Rimbaud a assis la beauté sur ses genoux, mais — pas de chance pour le poëte — elle n'a pas voulu « faire risette à papa négro ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Les fourbes du joint spi

 

Guidé par Virgile, le Dante arrive à la neuvième bolge du huitième cercle, où sont envoyés les garagistes de La Bourboule. « Un sang pauvre coulait et rayait leur visage, et tout mêlé de pleurs tombait, hideux breuvage, à leurs pieds recueilli par des vers dégoûtants. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Logique modale

 

Saul Kripke : Je crois qu'il est possible qu'il sera le cas que phi — où phi désigne un événement.
Nous : T'es optimiste, toi. 
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

samedi 22 novembre 2025

Départ pour Calaoutça

 

Il n'y a rien de pire que de mourir avant d'avoir dit tout le mal qu'on pensait de la vie. Heureusement, nous sommes tranquille de ce côté-là. Nous pouvons partir serein pour Calaoutça.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Toujours la mort

 

Tragique destinée que celle du Mômo ! Un jardinier l'a trouvé un matin, assis sur son lit, un soulier à la main. Mort ! Comme avant lui Giacomo Leopardi, René Panhard, Georg Cantor et tant d'autres... La mort, la mort, toujours la mort !...
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Écrire

 

Kafka : De quoi je pourrais parler, ce coup-ci ?
Felice : Je sais pas, moi... Tu pourrais peut-être faire un roman teinté d'une atmosphère cauchemardesque, où la bureaucratie aurait une emprise monstre sur l'individu ? Qu'est-ce t'en penses ?
Kafka : Ouais, ça a l'air pas mal, comme idée.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Nous voulons des méchants

 

Chez Dostoïevski, le starets Zosime nous bassine. Quant à ce béjaune d'Aliocha, n'en parlons pas, il est d'une mièvrerie insupportable. En littérature, ce que nous voulons, c'est des méchants. Des méchants, vous entendez ? 
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

vendredi 21 novembre 2025

Système avoir les foies

 

Selon Lucrèce, la peur de la mort gâche la vie. Mais selon d'autres penseurs — dont Floutier Jean-Guy —, la vie fait déjà si peur qu'elle suffit à se gâcher elle-même.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Bouc-émissarisation des littérateurs

 

Tout ce qu'on est ou presque vient des livres. Alors comme on n'aime pas ce qu'on est, on blâme les livres et ceux qui les ont écrits — surtout Christian Bobin et Marguerite Urcelar, bien qu'on n'ait jamais rien lu d'eux.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Esprit frère

 

Quand on lit ces mots de Baudelaire : « Je veux dormir ! Dormir plutôt que vivre ! », on se dit : « Tiens, lui aussi. »
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Le ridicule et la mort

 

Tout le monde n'attrape pas un panaris, mais il y a deux choses auxquelles l'homme n'échappe pas, ce sont le ridicule et la mort. En un sens, la plus bénigne est la dernière, car elle n'arrive qu'une fois, tandis que le ridicule... c'est tout le temps.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

jeudi 20 novembre 2025

Nâtal

 

Le poëte Francis Jammes prononçait nâtal. « La terre nâtale », disait-il.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Métamorphose de la vieillesse

 

Kafka force le trait. Dans la vraie vie, ce n'est pas tout d'un coup, comme ça, un matin, qu'on s'éveille transformé dans son lit en une véritable vermine. Ça prend plus de temps. C'est plus graduel. Mais ça finit par arriver... Et à tout le monde, pas seulement à Grégoire Samsa.
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Les conquérants

 

S'il faut en croire José-Maria de Heredia, on trouve à Palos de Moguer (en Andalousie) beaucoup de restaurants de routiers. Le poëte prévient qu'il faut redoubler de prudence sur la route car lesdits routiers sont souvent ivres (d'un rêve héroïque et brutal).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Cérémonial cathartique

 

Au dire de son ami Bioy Casares, quand Borges devait s'acquitter de la « grosse commission », il le faisait en invoquant les mânes de Carlyle, d'Emerson et de Walt Whitman (parfois aussi de Henry James).
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

mercredi 19 novembre 2025

Un serin

 

Tout jeune déjà, Sartre clamait à qui voulait l'entendre que « l'en-soi n'a pas à être sa propre potentialité sur le mode du pas-encore ». Ses parents en étaient gênés et lui disaient qu'il était un « serin ».
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)

Dînatoire

 

Quel genre de personne, ou plutôt quel genre de monstre faut-il être pour dire qu'une chose — par exemple un coquetèle — est « dînatoire » ?
 
(Jean-Guy Floutier, Philosopher tue)