samedi 23 mars 2019

Interlude

Jeune femme s'apprêtant à lire Forcipressure d'Étienne-Marcel Dussap

Musset dépassé


Énervé par l'idéalisme fichtéen, démoralisé par la lecture de Georges Perec, glacé par le doute, l'homme du nihil en arrive à envier la froideur et l'impassibilité du cadavre. C'est aller plus loin encore que Musset dans le désabusement : il n'était pas descendu jusqu'à ces fatales profondeurs, le chantre malheureux de Rolla !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Résection


Ce petit couteau est pour extraire de l'humain l'aberration de la pensée.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant l'Appel du nihil de Martial Pollosson

Un terrible fiasco


Oubli, mort, néant, tel est le rêve de l'homme du nihil. Las de vivre, il a essayé de fermer son âme aux impressions humaines et de chercher la paix au désert. Vaine attente ! Au lieu de la béatitude de l'ascète, il n'a trouvé, outre des ronces, des reptiles affreux et quelques rocs retors, que « la morne impuissance et l'incurable ennui » !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

vendredi 22 mars 2019

Remarque « genrée »


La femme, empyème opaque du chaos.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant les Exercices de lypémanie de Marcel Banquine

Pas d'entraves pour le génie


Comme l'art poëtique (selon Victor Hugo), l'homicide de soi-même « n'a que faire des lisières, des menottes et des bâillons ». Voilà pourquoi on y voit le triomphe de l'enjambement (Jean-Pierre Schlunegger, du parapet d'un pont) et de la césure libre (Adalbert Stifter, du gosier, à l'aide d'un rasoir, dans la salle de billard).

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Édifice branlant


La conscience n'affirme que la perpétuelle imminence de son effondrement.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

jeudi 21 mars 2019

Interlude

Jeune femme lisant la Nostalgie de l'infundibuliforme de Robert Férillet

Gerbille de Mongolie


Pour que le mélancolique ne s'enfonce pas dans la « solitude bestiale » qui caractérise l'extrémité de cette maladie, André du Laurens, qui fut le premier médecin de Henri IV, recommande dans son Discours des maladies mélancoliques de lui procurer la compagnie d'une gerbille. « Ce petit rongeur, écrit-il, est un animal de compagnie idéal car il est très facile à apprivoiser, à élever et à entretenir. On en trouve à présent de toutes couleurs dans les animaleries. Mais attention : on doit veiller à fournir à ces animaux une cage solide, garnie d'une litière et de matériaux (bois, carton) leur permettant de creuser et de faire leur nid, comportant également des cachettes (tunnels et maison), du foin, du sable ou de la terre à chinchilla pour faire leur toilette, avec évidemment des récipients propres pour l'eau et la nourriture. »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Un Robert Korzeniowski du nihil


Je règle ma marche sur celle, athlétique, du néant.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune fille lisant Prière d'incinérer. Dégoût de Luc Pulflop

Discrétion et modestie du suicidé philosophique


La poësie moderne nous a accoutumés à des violences verbales, à des gesticulations effrénées, cris de révolte, sarcasmes claironnants, vastes incantations, etc. Chez le suicidé philosophique, rien de tel. Une voix sourde, presque terne, discrètement mesurée. Pas de formules impérieuses et lapidaires comme chez le pénible René Char, nulle de ces retentissantes « métaplaques métalliques » chères à Ghérasim Luca. Comme si le suicidé philosophique tenait à passer inaperçu, non point par quelque fausse vanité, mais par une réelle tendance à sous-évaluer son œuvre, ce  monument pourtant pharamineux qu'est l'homicide de soi-même. « Accepter sans histoire ses limites, son manque d'éclat, son incertitude, réussir à ne pas feindre le génie, mais se brûler la cervelle élégamment et proprement » (Songeries néantiques, p. 178). Curieusement, cette absence d'éclat, cette pudeur — parfois un peu crispée —, cette réserve à la limite du silence attirent la sympathie et ouvrent à une relation quasi personnelle avec le chantre de la révolvérisation du Moi. On aurait presque envie, soi aussi, de « se faire sauter le couvercle ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

mercredi 20 mars 2019

Une habitude à perdre


Cependant je perpètre de coupables exsufflations.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor

Paniers d'osier


Selon Gragerfis — qui l'a sûrement lu dans Cassien —, le travail manuel est le seul moyen que les Pères de l'Église aient trouvé pour lutter contre la mélancolie de la vie solitaire. De son côté, l'homme du nihil est parvenu à la même conclusion ; et c'est en tressant des paniers d'osier qu'il tente de se soustraire au harcèlement de l'ennui, au vertige du temps vide. Ces paniers d'osier sont pour lui un moyen de se cramponner aux lieux que l'acédie l'invite à quitter pour les lointains séduisants du pachynihil. Mais c'est en vain : il arrive un moment où il envoie au diable la vannerie pour presser la queue de détente d'un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe. — Adieu paniers d'osier ! Adieu gravelle et rhumatismes ! Adieu Bourboule aimée, dont la tête hardie défie les hauteurs des cieux ! Adieu philosophie marcellienne !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Une vraie boucherie


La prismatique idée du Rien décompose le tangible et en expose les viscères exulcérés sous le portique alogique et ô combien branlant de la raison pure.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

mardi 19 mars 2019

Interlude

Jeune femme lisant les Pensées rancies et cramoisies de J. Zimmerschmühl

Contre la psychanalyse


Gragerfis appelle les psychanalystes « une triste engeance ». Selon lui, tout est bon à ces « scélérats » pour substituer le pathologique au tragique. Ainsi, la psychanalyse étudie l'homme du nihil comme s'il était mû par son inconscient, conditionné par son passé vécu, alors qu'il est aux prises avec le pachynihil ! « Voilà qui est tout de même, déclare l'acide Stylus, un peu fort de café ! »

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Soupe au lait


Les suicidés philosophiques, à l'instar des dérivés nitrés du phénol, détonent quand on les chauffe brusquement.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant Georges Sim et le Dasein de Maurice Cucq

Causalité synergique


Non seulement le suicidé philosophique, à l'instar d'un Némésius d'Émèse, reprend la theoria porphyrienne de l'interaction entre intelligible et sensible appliquée à l'action nihilique, mais il intègre les analyses de Simplicius et de Jean Philopon sur les processus de causalité synergique !

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

lundi 18 mars 2019

Écartèlement


Partagé entre la frénésie lacrymale d'un Héraclite et le ricanement sardonique du protèle.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

Interlude

Jeune femme lisant le Monocle du colonel Sponsz de Hermann von Trobben

Guérisseur souffrant


Pour le nihilique, le « spectacle de la nature » ne signifie qu'un apaisement passager de ses inquiétudes : il lui faut écouter la « voix du pachynihil » pour rencontrer la certitude (que rien n'est). Or l'autorité du Rien dont il ne prétend d'abord que transmettre fidèlement l'évidence l'investit lui-même d'une surprenante autorité personnelle : on l'appelle à l'aide, il prend la figure d'un « demi-dieu » (Gragerfis) : il est le guérisseur souffrant.

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)

Dandysme


Répondre aux horreurs de l'existence par une apologétique de la redingote.

(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)

dimanche 17 mars 2019

Interlude

Jeune femme lisant l'Apothéose du décervellement de Francis Muflier

Un exilé de l'infini


Chez l'homme du nihil, tout est éloignement, absence. Comme l'infortuné Bellérophon, il erre dans le vide, loin des dieux, loin des hommes, dans le stérile « désert de Gobi de l'existence ».

(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)