« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 29 mai 2018
Destin
En 1923, c'est une explosion de joie chez les Heidegger : Martin est nommé professeur non titulaire à l'Université de Marbourg. Les Dasein de toute la famille sont pavoisés, on mange du pain d'épice, et l'on oublie pour un instant que l'étant existant est un « être-pour-la mort ».
Heidegger a maintenant deux fils, Jörg et Hermann, le premier né en janvier 1919 et le second en août 1920. Hermann est en fait un fils adultérin, dont le père biologique est le médecin Friedel Caesar, ami d'enfance d'Elfriede. Dans une lettre à son amant, celle-ci écrit que « le cocu a pris la chose avec philosophie et a proposé spontanément de reconnaître l'enfant. En faisant preuve de "grandeur d'âme", ajoute-t-elle, il cherche à prouver que les phénomènes fondamentaux de la vie facticielle peuvent être hissés au niveau d'une détermination catégoriale ».
En réalité, si Heidegger s'est montré débonnaire, c'est qu'à la suite de Hölderlin, il ne pense pas le destin au sens du fatum, de la fatalité qui s'acharne sur un être, un fatum asiatique, écrit-il, mais au sens de la moïra, la « part » dispensée à chaque homme, le lot qui lui est échu. Le destin (Schicksal) se saisit de l'être-jeté sous la forme d'une véritable « destinée » (Schickung), et une telle destinée est bien ce qui nous est destiné (geschikt) en tant qu'il nous est envoyé pour déterminer « ce qui nous convient » (das Schickliche).
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
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