« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mardi 25 septembre 2018
Taupicide
Lorsqu'il s'agit de combattre un fléau tel que le Moi, il serait insensé de repousser tout moyen qui offre une chance de succès, et le procédé indiqué par Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain — l'ingestion de taupicide — mérite d'autant plus de fixer l'attention et d'être mis en pratique, que le taupicide a fait ses preuves sur le Moi du petit mammifère fouisseur, sans oreilles apparentes et plus ou moins aveugle, qui vit dans des galeries souterraines dites taupinières.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Évidence du margouillis
Le caractère fangeux de l'existence est si fortement attesté par l'expérience quotidienne, qu'il n'y a qu'un sceptique renforcé qui puisse le révoquer en doute.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
lundi 24 septembre 2018
Coquecigrue
Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis énonce deux qualités que posséderait nécessairement, selon lui, une créature dépourvue de Moi. « Primo, dit-il, elle ne connaîtrait aucune des formes de cette agonie de l'être qu'on nomme la solitude : ni celle, existentielle, décrite par le philosophe Kierkegaard ; ni la plus terrible encore solitude des fêtes foraines évoquée par Doppelchor dans sa Suave idée du Rien. Deuzio, n'ayant pas conscience du temps, elle pourrait s'exclamer comme le poëte : Éternellement jeune ! » — « Si tant est qu'une créature privée de Moi puisse s'exclamer quoi que ce soit », ajoute-t-il avec sa mordacité habituelle.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Diarrhée stercorale
« La diarrhée stercorale consiste en des selles plus ou moins fréquentes d'excréments non-formés plus ou moins mous et plus ou moins fétides : cette excrétion, ainsi que les autres excrétions extraordinaires, a souvent lieu dans des individus de la plus excellente constitution en qui elle est causée par des aliments de mauvaise qualité, ou par des excès d'aliments, qui n'ont lieu que de temps en temps, ou qui sont habituels. Si les excès d'aliments ou les aliments de mauvaise qualité ont lieu plus ou moins fréquemment, la diarrhée stercorale est plus ou moins fréquente. Si ces excès sont habituels, la diarrhée stercorale est habituelle. On voit beaucoup de gens très-sains, de la plus excellente constitution, qui mangent prodigieusement, et de toutes sortes de mets, et qui n'éprouvent d'autres incommodités que la diarrhée stercorale habituelle, qui malgré cela, pendant longtemps, sont très vigoureux, ont très-bon teint, ont très-grand appétit, et qui enfin font très-bien toutes leurs autres fonctions : mais à la longue, dans quelques individus plus tôt, dans d'autres plus tard, cette espèce de diarrhée cause l'affoiblissement des organes secrétoires et excrétoires des sucs digestifs, ce qui donne lieu à des digestions imparfaites, d'où s'en suivent quelques-uns des vices des humeurs décrits. » (Clériade Vachier 1, Méthode pour traiter toutes les maladies ; Très-utile aux jeunes Médecins, aux Chirurgiens et aux Gens charitables qui exercent la Médecine dans les campagnes, Paris, 1789)
1. Docteur-Régent de la faculté de Médecine, ancien Professeur des Écoles de Médecine de Paris.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Un piètre déguisement
Les radicelles de l'être couvrent sans les cacher les flancs émaciés du néant.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Bimotorisé
Deux forces souveraines commandent à l'homme du nihil et règlent sa destinée : le dégoût de l'haeccéité et la profonde aversion qu'il ressent pour le « monstre bipède ».
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Randonnée dans les ténèbres
Le mot de Cromwell : « Celui qui fait le plus de chemin est souvent celui qui ne sait pas où il va » se trouve une fois de plus confirmé dans la personne de ce bizarre rêveur qu'est le « Suisse ».
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Le spleen du randonneur
Des forêts inondées de l'Oise aux champs gersois plombés par un soleil lugubre, le suicidé philosophique s'imprègne de la mélancolie des sites qu'il traverse et exalte leurs contrastes dans des poëmes qu'il ne destine qu'à lui seul, comme la dynamite qu'il transporte dans son paquetage. Sa pachyméninge, torturée par la conscience de l'écoulement du temps, ressemble à un inventaire de paysages en voie d'extinction.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Nandou
Alors que nous cheminions au fond d'une vallée, nous fûmes dépassés par le Juif errant qui s'exprima en ces termes :
« L'émeu, le nandou, sont de grands oiseaux coureurs au sternum dépourvu de bréchet. »
Mais le cabaliste, d'une formule inintelligible, fit fuir l'infortuné vagabond et nous arrivâmes au gîte sans l'avoir revu.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Un nuisible
L'homme du nihil, par ses habitudes radicivores, cause les plus grands dégâts dans les jardins et surtout les champs de concepts des « amis de la sagesse » et autres « hommes de la Nature et de la Vérité ».
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Pas une minute à perdre
« Me voyant comme hypnotisé, l'idée de l'homicide de soi-même marchait maintenant à grandes enjambées, tel un prophète hébreu. »
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
The Underground Man
L'homme du nihil est un être essentiellement souterrain. Les substances ferrugineuses dont il est teint ou pénétré sont la principale preuve de son long séjour dans l'intérieur de la terre.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
dimanche 23 septembre 2018
Hygiène mentale
Il n'y a que la pensée de l'homicide de soi-même pour agrémenter un peu la vie et, de temps en temps, on peut s'y laisser entraîner, par exception et sans abus, comme on peut faire pour toutes choses.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Un coloriste hors pair
Les ocres espagnols forment la tonalité fondamentale de l'excrément. Parfois cependant, le « Suisse » allume un carmin, prolonge l'écho sec d'un vert Véronèse, mais toujours avec discrétion, car il n'aime pas imposer sa voix en parlant trop fort. Les séductions spectaculaires, il les laisse à ceux qui se préoccupent des modes et des formules trop polies pour être honnêtes. Il croit aux vertus du silence.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Force vive
Comme, du fait de l'inertie de la matière, la vitesse se conserve, et que la masse du corps en mouvement est une chose invariable, on voit que l'homme du nihil transporte avec lui sa force vive, et n'en perdra pas, pour ainsi dire, une goutte, tant que l'homicide de soi-même n'aura pas mis un terme à ses tribulations.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Réconfort
Je trouve plus de réconfort dans un simple flacon de taupicide (ou un revolver Smith & Wesson chambré pour le .44 russe) que dans tout le Symposium grec.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Ouaouaron
Sur le soir, comme nous nous trouvions rassemblés à l'ombre d'un figuier de Barbarie et que le chef des Bohémiens paraissait de loisir, Rébecca lui demanda la suite de son histoire, et il en reprit le fil en ces termes :
« Le ouaouaron est une grenouille géante d'Amérique du Nord pouvant atteindre 20 centimètres de long, et dont le coassement ressemble à un meuglement. On l'appelle encore grenouille mugissante ou grenouille-taureau. Un ouaouaron féru de l'apostrophe hurluberlue. »
Comme il en était à ce point de son récit, un homme le vint interrompre pour l'entretenir des affaires de sa horde et nous dûmes patienter jusqu'au lendemain pour apaiser notre curiosité.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Gnose
Dans la doctrine gnostique de Valentin, la matière fécale a une origine spirituelle, c'est un état, une « expression externe solidifiée » de l'Être absolu.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Indiscipliné
François de Neufchâteau a chanté les Vosges, comme Haller a célébré les Alpes, et comme Férillet eût chanté le Rien si sa brillante imagination se fût asservie aux lois sévères du mètre et de la rime.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Qu'est-ce donc que le « foirard » ?
« Lesdictz bergiers les requirent courtoisement leur en bailler pour leur argent, au pris du marché. Car notez que c'est viande céleste, manger à desjeuner des raisins avec de la fouace fraiche, mesmement des pineaulx, des fiers, des muscadeaulx, de la bicane, et des foyrars pour ceulx qui sont constipez de ventre. Car ilz les font dasler long comme un vouge 1, et souvent, cuydant péter ilz se conchient, dont sont nommez les cuideurs des vendanges. » (Rabelais, Gargantua, Chapitre XXV)
« Foirard, espèce de raisin blanc qui cause le dévoiement. » (Olivier de Serres, Théâtre d'agriculture et mesnage des champs, Paris, 1600)
« Rabelais appelait foirard une espèce de raisin aigrelet qui n'est autre que le pineau des Angevins. » (Édouard Brisseau, Histoire des expressions populaires relatives à l'anatomie, à la physiologie et à la médecine, Paris, 1888)
« Olivier de Serres en fait mention sous deux noms différents : Foirard et Colitor. Foirard et Fouïral sont tout à fait synonymes, et indiquent suffisamment les propriétés laxatives de la variété qui nous occupe. » (Pierre Joigneaux, Le livre de la ferme et des maisons de campagne, Paris, 1865).
« Variété de raisins noirs qui donnaient la foire ou la diarrhée. Le nom est lyonnais ; à Montpellier, le raisin s'appelle également esfouiran, c'est-à-dire foirard. » (Lazare Sainéan, Œuvres complètes de François Rabelais, édition critique publiée sous la direction d'Abel Lefranc, Paris, 1912)
Foirat, espèce de raisin à grains mous, s'écrasant facilement. Ce sont sans doute les mêmes raisins que Rabelais appelait raisins foyrards — et qu'en Provence on désigne encore par le nom de fouiraire ou d'esfouiraire. (Félix Frank et Adolphe Chenevière, Lexique de la langue de Bonaventure des Périers, Cerf, Paris, 1888)
Selon Gragerfis, les raisins de Champagne produisirent les mêmes effets sur les soldats de Brunswick et contribuèrent à la victoire de Valmy. Notons que dans Gargantua, le terme foyrard désigne aussi un diarrhéique : « Comme dict le proverbe : "A cul de foyrard tousjours abonde merde" ».
1. Arme composée d'un soc de charrue affuté et montée au bout d'un manche, utilisée par l'infanterie pour couper les jarrets des chevaux.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
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