« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
mercredi 26 septembre 2018
Programme
Figer le Moi dans une immobilité minérale, pour échapper à la mollesse et à la gluance tiède de la matière vivante... Tel est le programme de l'homme du nihil en sa cambuse.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Autonomie des formes
Pour Plotin, « les formes existent sans que celui qui pense chacune d'elles lui donne l'existence par cette pensée même ». Cela est vrai, sans contredit, et particulièrement du « cigare japonais », au grand désespoir de la gent constipée.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Sanglier
La sœur du cabaliste l'en ayant prié, le chef bohémien reprit son histoire en ces termes :
« Le sanglier, du latin singularis, solitaire, est un genre de mammifères pachydermes, dont le type habite l'Europe : le sanglier établit sa bauge dans les fourrés. (Cri : le sanglier grommelle, nasille.) — Le sanglier est le porc sauvage ; c'est un animal puissant et qui cause de grands ravages dans les champs ; sa femelle se nomme laie et ses petits marcassins. La chair de cet animal est bonne à manger. »
En ce moment, un homme de sa horde vint le chercher, et nous ne le revîmes plus de toute la soirée.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Densification du mélancolique
« Certains mélancoliques ressemblent à des animaux à sang froid, à des pierres ; on dirait que la chaleur et la vie se sont retirées d'eux ; il semble que dans tout le corps, les solides et les liquides augmentent de densité, que la créature se densifie, se tasse sur elle-même, se ratatine, et doit occuper le moins de place possible dans l'espace. » (Paul-Ferdinand Gachet, Étude sur la mélancolie, Paris, 1864)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Règle numéro 3
Fuir dans le prisme livide des vins résinés le conciliabule hypnagogique avec l'Un.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Sinapisation
Frédéric-Auguste Cazals, dans son livre de souvenirs Les Derniers jours de Paul Verlaine, rapporte que le poète regardait comme une véritable hérésie gastronomique le fait de manger de la moutarde avec du ragoût de mouton ; c'était, d'après lui, un trait d'inélégance et presque de barbarie !
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Une arme redoutable
« Le couperet dont se sert le phénoménologiste, et dont l'ancêtre est le fameux rasoir d'Occam, est d'une seule pièce. Son tranchant est d'environ 2 pieds et sa hauteur de plus d'un pied ; le manche a environ la même longueur. Cet instrument est si lourd qu'il sépare presque par son propre poids le morceau de réalité empirique sur lequel il tombe. On peut juger de l'activité de ce philosophe quand on apprend qu'il dépèce ordinairement, en 8 heures de travail, 30 phénomènes du poids de 450 livres chacun. » (François Malepeyre, Transcendance et mondanité, Paris, Mercure de France)
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
mardi 25 septembre 2018
Obsession
Je promène sur les grèves et dans les fossés l'instant prévu de mon abolition.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Chamfort complété
On n'imagine pas combien il faut d'esprit pour échapper au ridicule d'avoir un Moi.
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramosies)
Délestage
Pas plus que Shakespeare, ou Dostoïevski, ou Rubens, ou Titien, ou Wagner, le sujet déféquant ne travaille pour faire de l'art. S'il « fait », c'est pour se débarrasser de son faix, pour mettre dehors ce grand paquet de choses vivantes — ou perçues comme telles —, opus non factum...
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Jankélévitchisme
Le lendemain soir, le Bohémien, étant de loisir, accepta de reprendre le fil de son histoire. Après un instant de silence, il commença en ces termes :
« Embouqué tel un cloporte dans l'ostiole de l'instant... »
Mais à peine avait-il prononcé ces paroles qu'un homme de sa horde vint le chercher pour une affaire urgente.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Taupicide
Lorsqu'il s'agit de combattre un fléau tel que le Moi, il serait insensé de repousser tout moyen qui offre une chance de succès, et le procédé indiqué par Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain — l'ingestion de taupicide — mérite d'autant plus de fixer l'attention et d'être mis en pratique, que le taupicide a fait ses preuves sur le Moi du petit mammifère fouisseur, sans oreilles apparentes et plus ou moins aveugle, qui vit dans des galeries souterraines dites taupinières.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Évidence du margouillis
Le caractère fangeux de l'existence est si fortement attesté par l'expérience quotidienne, qu'il n'y a qu'un sceptique renforcé qui puisse le révoquer en doute.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
lundi 24 septembre 2018
Coquecigrue
Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis énonce deux qualités que posséderait nécessairement, selon lui, une créature dépourvue de Moi. « Primo, dit-il, elle ne connaîtrait aucune des formes de cette agonie de l'être qu'on nomme la solitude : ni celle, existentielle, décrite par le philosophe Kierkegaard ; ni la plus terrible encore solitude des fêtes foraines évoquée par Doppelchor dans sa Suave idée du Rien. Deuzio, n'ayant pas conscience du temps, elle pourrait s'exclamer comme le poëte : Éternellement jeune ! » — « Si tant est qu'une créature privée de Moi puisse s'exclamer quoi que ce soit », ajoute-t-il avec sa mordacité habituelle.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Diarrhée stercorale
« La diarrhée stercorale consiste en des selles plus ou moins fréquentes d'excréments non-formés plus ou moins mous et plus ou moins fétides : cette excrétion, ainsi que les autres excrétions extraordinaires, a souvent lieu dans des individus de la plus excellente constitution en qui elle est causée par des aliments de mauvaise qualité, ou par des excès d'aliments, qui n'ont lieu que de temps en temps, ou qui sont habituels. Si les excès d'aliments ou les aliments de mauvaise qualité ont lieu plus ou moins fréquemment, la diarrhée stercorale est plus ou moins fréquente. Si ces excès sont habituels, la diarrhée stercorale est habituelle. On voit beaucoup de gens très-sains, de la plus excellente constitution, qui mangent prodigieusement, et de toutes sortes de mets, et qui n'éprouvent d'autres incommodités que la diarrhée stercorale habituelle, qui malgré cela, pendant longtemps, sont très vigoureux, ont très-bon teint, ont très-grand appétit, et qui enfin font très-bien toutes leurs autres fonctions : mais à la longue, dans quelques individus plus tôt, dans d'autres plus tard, cette espèce de diarrhée cause l'affoiblissement des organes secrétoires et excrétoires des sucs digestifs, ce qui donne lieu à des digestions imparfaites, d'où s'en suivent quelques-uns des vices des humeurs décrits. » (Clériade Vachier 1, Méthode pour traiter toutes les maladies ; Très-utile aux jeunes Médecins, aux Chirurgiens et aux Gens charitables qui exercent la Médecine dans les campagnes, Paris, 1789)
1. Docteur-Régent de la faculté de Médecine, ancien Professeur des Écoles de Médecine de Paris.
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Un piètre déguisement
Les radicelles de l'être couvrent sans les cacher les flancs émaciés du néant.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Bimotorisé
Deux forces souveraines commandent à l'homme du nihil et règlent sa destinée : le dégoût de l'haeccéité et la profonde aversion qu'il ressent pour le « monstre bipède ».
(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)
Randonnée dans les ténèbres
Le mot de Cromwell : « Celui qui fait le plus de chemin est souvent celui qui ne sait pas où il va » se trouve une fois de plus confirmé dans la personne de ce bizarre rêveur qu'est le « Suisse ».
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
Le spleen du randonneur
Des forêts inondées de l'Oise aux champs gersois plombés par un soleil lugubre, le suicidé philosophique s'imprègne de la mélancolie des sites qu'il traverse et exalte leurs contrastes dans des poëmes qu'il ne destine qu'à lui seul, comme la dynamite qu'il transporte dans son paquetage. Sa pachyméninge, torturée par la conscience de l'écoulement du temps, ressemble à un inventaire de paysages en voie d'extinction.
(Robert Férillet, Nostalgie de l'infundibuliforme)
Nandou
Alors que nous cheminions au fond d'une vallée, nous fûmes dépassés par le Juif errant qui s'exprima en ces termes :
« L'émeu, le nandou, sont de grands oiseaux coureurs au sternum dépourvu de bréchet. »
Mais le cabaliste, d'une formule inintelligible, fit fuir l'infortuné vagabond et nous arrivâmes au gîte sans l'avoir revu.
(Jean-Paul Toqué, Manuscrit trouvé dans Montcuq)
Un nuisible
L'homme du nihil, par ses habitudes radicivores, cause les plus grands dégâts dans les jardins et surtout les champs de concepts des « amis de la sagesse » et autres « hommes de la Nature et de la Vérité ».
(Raymond Doppelchor, Océanographie du Rien)
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