dimanche 22 juillet 2018

Je me souviens


Dans son Journal d'un cénobite mondain, Gragerfis dépeint en ces termes la douloureuse vie du romancier Georges Perec : « À l'adolescence, ses jambes se brisent dans une chute de cheval et, les os ne cicatrisant pas, elles cessent de grandir. Seuls son tronc, ses cheveux et sa barbiche poursuivent leur croissance, de sorte qu'il reste nain et son corps atrophié. À plusieurs reprises, victime de la faiblesse de ses "guizots", il échappe de peu à la mort en voulant attraper l'autobus. Persuadé d'avoir été envoûté lors d'un séjour au Mexique, il lutte jour et nuit contre des démons et persécuteurs de toutes sortes. Il passe plusieurs années dans des asiles d'aliénés, où il subit de pénibles électrochocs. Ces atroces expériences le conduisent jusqu'aux "confins de la vie" et lui font écrire : "Dans le monde où je suis, il n'y a ni dessus ni dessous : il y a le Rien qui est horriblement cruel, c'est tout". L'excès de boisson contribue à détruire sa santé, il est frappé de paralysie et meurt à trente-sept ans sans avoir rien créé de mémorable si ce n'est quelques palindromes et, chez ses proches, l'envie d'échapper à ses fatigantes singeries langagières ».

Quelque temps après la parution de son journal, Gragerfis reconnut sa terrible méprise : il avait confondu le « chantre de l'absence douloureuse » avec le philosophe Jean Grenier 1 !

1. Qui ne portait pourtant pas de barbiche !

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

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