« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
dimanche 12 mai 2019
Expérience
Quand il est d'humeur folâtre, le suicidé philosophique prend un objet quelconque et le dévoie afin — dit-il — de lui « rendre son innocence ». Faites l'expérience, enlevez de votre cuisine votre vieille poêle à frire noircie, encore enduite de graisse, posez-la sur quelque socle au milieu de la salle de séjour, asseyez-vous et contemplez-la. Explorez lentement les richesses de l'insolite. Ce qui n'avait jusqu'alors qu'un seul sens, celui de son usage, va se mettre à vous parler un tout autre langage : ce long manche un peu ridicule, ces taches où s'irise la lumière, les pathétiques atteintes de la négligence et de l'âge... Pour finir, empoignez la poêle et donnez-vous en un coup violent sur le « cassis ». Avec un peu de chance, vous êtes, comme on dit, « décédé ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
samedi 11 mai 2019
Métamorphose du pachynihil
Le pachynihil a conservé son nom bien qu'il ait actuellement la forme de lamelles plates ou de tubes analogues au macaroni, parfois très longs (plus d'un mètre).
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Page de journal
3 juin. — Sozomène raconte que, sous le règne de Théodose, Dieu découvrit en songe à Zébénius, évêque d'Éleutérople, les reliques des prophètes Habacuc et Michée.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
vendredi 10 mai 2019
Fureur sacrée
Il ne faut surtout pas interpréter l'homicide de soi-même en le comparant aux canons d'une culture traditionnelle. Son sens est immédiat, fulgurant : c'est une convulsion élémentaire, une sauvagerie surgissant face à la barbarie de l'Être. Emprisonné dans la geôle de l'haeccéité, l'esprit en est réduit à s'exprimer par l'injure, voire le sacrilège : fureur sacrée, réaction naturelle d'une conscience malheureuse, vivant dans un contexte aberrant — la « réalité empirique » —, trop lucide pour rejoindre l'indifférence générale.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
jeudi 9 mai 2019
Un endroit austère
Pas d'îles fort plaisantes, pas de vin frais et doré, pas de capsules mystagogiques ni d'ambroisie de première qualité dans le cortile délabré de mon « conscient intérieur ».
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Myrrhe
2 juin. — Rufin dit que la myrrhe est bonne contre la putréfaction, et que c'est pour cela qu'on en frottait les morts : Myrrha est species valde amara, de qua ungitur corpus mortui, ut non putrescat, & pellit vermes.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mercredi 8 mai 2019
Un personnage heideggérien
L'homme du nihil, avec son visage émacié aux yeux fixes, cadavéreux, immobilisé à jamais dans un décor cruellement géométrique, décoloré, indigent... Dans une chambre nue, devant une fenêtre sans lumière et sans rideau, il est là, les mains vides, vide est l'abat-jour, vide le temps, vide l'espace. Chez lui, nul misérabilisme, nulle complaisance : une constatation, pareille à celle de Heidegger, celle de l'homme enfin lucide et sans illusion, chez qui l'existence se réduit à un angoissant « désert de Gobi ».
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Page de journal
1er juin. — Jean Le Masle, au dire de Viollet-le-Duc, est un poète original.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mardi 7 mai 2019
Machines métaphysiques
Le revolver Smith & Wesson, le puits busé, le flacon de taupicide, le rasoir de type « coupe-chou », sécrètent un nihilisme ; ce sont des machines métaphysiques. Autour d'elles notre monde se vide, se décolore, tombe en pièces. L'édifice entier de la réalité empirique, autrefois si rassurant, tombe sur vous et vous écrase. — Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Excroissances
31 mai. — Paracelse soutient qu'Adam et Ève avaient été créés sans les parties de la génération, et qu'elles leur vinrent après le péché, comme des espèces d'excroissances.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
lundi 6 mai 2019
Artiste atroce
Selon le psychologue américan John Tussord, « il y a quelque chose d'atroce dans un art qui ne révèle rien, n'ouvre sur rien, se crispe sur un non, un refus radical et accumule à plaisir les signes du non-sens ». Si l'on souscrit à cette affirmation, l'artiste atroce par excellence est bien le suicidé philosophique. — Ou bien ?...
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Page de journal
30 mai. — Selon l'historien allemand Lazius (De aliquot gentium migrationibus, liv. 3), Berthe, l'une des filles de Pépin le Bref, avait été mariée à Milon, comte d'Angers et père du preux Roland.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
dimanche 5 mai 2019
Convolvulus
L'homicide de soi-même est un défi à l'idéalisme fichtéen qui nous enseigne la logique et l'efficacité pratique. Pourtant, la pensée de se détruire prospère à la manière du liseron, et envahit bientôt la pachyméninge du Dasein. C'est que le suicide exprime ce que ne veut pas voir la vie quotidienne ; il reflète une expérience plus profonde : celle du Rien.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Vilebrequin
Le vocable, immatériel vilebrequin, perfore le drap fantaisiste de l'Être.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Ricin
29 mai. — Pline (liv. 23, chap. 4) dit qu'on fait avec les pédoncules du ricin des mèches qui donnent une clarté divine, bien que son huile, qui est purgative, rende un feu obscur, ce que l'on doit attribuer à son épaisseur et à son gluant.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Angoisse et dérision
Dans l'homicide de soi-même, chacun peut, à sa guise, explorer les voies de toutes sortes que la technique rend possibles, de la plus rustique défenestration aux procédés les plus sophistiqués. Tout est permis, tout est intéressant, on accepte tout, il n'y a ni norme ni règle ni tradition d'aucune sorte. Une telle ouverture devrait joyeusement exalter les inspirations ; pourtant, sauf exceptions, le suicide est triste et son rayonnement noir. Serait-ce parce qu'il voit le jour dans un climat d'angoisse et de dérision ? Nous ne pouvons ici que poser la question.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
samedi 4 mai 2019
Déploration
Que faut-il le plus déplorer ? l'être ou... — non, je ne vois rien autre.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Métaphore du réel
28 mai. — D'après le Chevalier Chardin, les montagnes de la Perse sont les plus arides et les plus stériles du monde, n'étant que des rochers secs, sans bois et sans herbe.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
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