« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
dimanche 27 janvier 2019
Un déguisement peu ragoûtant
Dans son désir de fusionner avec le Grand Indéfini d'Anaximandre, l'homme du nihil s'assimile non seulement au végétal ou au minéral, mais encore à l'excrément. Ainsi, un suicidé philosophique décrit par Poulton affecte la ressemblance avec une fiente d'oiseau, en un mimétisme parfait de forme, de couleur et de consistance 1. De même, un nihilique du British Museum apparaît au repos comme un petit amas allongé, blanchâtre à l'une de ses extrémités et noir à l'autre, tout à fait identique à une déjection de mésange. Posés sur la même feuille, un excrément réel et le zélateur du Rien sont indiscernables.
1. E.-B. Poulton, The colors of philosophical suicidees, Intern. scient. series, t. LXVIII, Londres, 1890.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Penser
Savoir qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, que tout a déjà été dit, et parvenir quand même à formuler une pensée, fût-elle embryonnaire... Prodige d'impudence et d'absurdité, sans doute, mais qui seul donne au « Dasein » l'illusion d'exister.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Mantes
25 novembre. — S'il faut en croire Gragerfis (Journal d'un cénobite mondain), la famille des Mantidés comporte quatorze genres, parmi lesquels celui des mantes proprement dites qui rassemble les mantes desséchée, superstitieuse, herbacée, la mante feuillebrune, la mante large-appendice (Mantis latystylus), les mantes sublobée, flavipenne, et mouchetée, la mante lune, la mante simulacre, les mantes patellifère, pustulée, voisine et variée, la mante à deux mamelons (Mantis bipapilla), la mante col-étendu, les mantes cuticulaire, éclaboussée, salie (inquinata) et gazée, la mante pieds-velus, les mantes ornée, pieuse, religieuse, prasine, prêcheuse et vitrée, la mante à ceinture, la phryganoïde, l'annulipède, la multistriée, la décolorée, la mante sœur, l'agréable, la mante bleu-d'acier (Mantis chalybea), la mante hanches-rouges, (Mantis rubocoxata), la mante nébuleuse, et enfin, la mante claire et la mante de Madagascar. — Il n'y manque que la chaise percée du Dalaï-Lama !
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
samedi 26 janvier 2019
Automate
L'excrément, par ses seules mœurs cavernicoles, possède déjà des titres suffisants pour expliquer l'intérêt qu'on lui porte, l'émotion qu'il suscite communément. Mais ce ne sont pas les seuls. Il se présente de plus, avertit M. Léon Binet, comme « une machine aux rouages perfectionnés, capable de fonctionner automatiquement ». — Et il est de fait que sa reptation dans le « boyau culier » paraît inconsciente et spontanée, pour tout dire automatique !
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Socialisme utopique mon cul
À chaque instant, le monde croule et se désintègre, mais c'est pour être aussitôt refait à neuf par les insanes disciples de ce détestable vermisseau, de ce « Cabet ».
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Festin de pierres
31 janvier. — « Chez d'autres individus, on peut voir le lobule de l'oreille atrophié ou hypertrophié, et Frigerio dit avoir observé, à la prison de Pesaro, un criminel fou homicide à type félin et avec un énorme lobule, lequel, entres autres aberrations, offrait celle d'avaler journellement un grand nombre de pierres (allotriophagie). » (Dr Émile Laurent, Le criminel aux points de vue anthropologique, psychologique et social, Paris, Vigot Frères, 1908)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Espaces
Dans le même temps que la science contemporaine multiplie les espaces représentés (espaces de Finsler, de Fermat, hyper-espace de Riemann, espaces topologiques de Baire, de Haussdorff, de Hilbert, de Schwartz, espaces abstraits, généralisés, ouverts, fermés, denses en soi, clairsemés, etc.), il n'a jamais été aussi difficile à l'homme du nihil de trouver une place où poser son Moi œdémateux.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Chez les fous
28 janvier. — « Durant mes visites dans ce triste séjour et après l'avoir quitté, j'éprouvais un sentiment fiévreux de terreur et de mélancolie que ne parvinrent à dissiper ni le mouvement de la voiture, ni l'aspect de Paris, ni mon éloignement des aliénés. Je croyais retrouver dans chaque personne que je rencontrais les symptômes de la démence, et je frissonnais en reconnaissant chez toute cette population qui se croisait autour de moi le crâne aigu de l'idiot, le masque proéminent de l'imbécile, les gestes saccadés du maniaque ou le regard égaré du furieux. » (Samuel-Henri Berthoud, Études sur Bicêtre, Paris, 1836)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
vendredi 25 janvier 2019
Déguisement du nihilique
Chez l'homme du nihil, « le déguisement apparaît comme un acte d'automatisme pur » 1, car il se vêt de tout ce qu'on lui propose, y compris des éléments les plus voyants (expériences d'Hermann Fol, 1886). Ce comportement en outre dépend de la vision, car il n'a lieu ni la nuit ni après l'ablation des pédoncules oculaires (expériences d'Aurivillius, 1889).
1. E.-L. Bouvier, Habitudes et métamorphoses des nihiliques, Paris, Flammarion, 1921.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Que faire ?
Quelle sagesse désormais ? Le nœud coulant ? L'incantation ? Déguster une absinthe sur une terrasse au-dessus de la mer en écoutant la Chanson perpétuelle d'Ernest Chausson ? — Ô vanité des vanités ! Ô rictus bestial de l'existence !
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Histoire romaine
30 janvier. — Charmé de la narration de Tite-Live, de la pénétration de Salluste et de l'exactitude de Tacite. Mais j'aime rire. Et je ne peux rire en lisant la Vie d'Agricola ou la Conjuration de Catilina.
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Tentation du vide
Selon Gragerfis, l'homicide de soi-même serait à définir correctement comme une incantation fixée à son point culminant et ayant pris le suicidé à son propre piège. Dans cette affaire, le taupicide apparaît comme un moyen, sinon un intermédiaire. La fin semble bien être l'assimilation au pachynihil. On dirait qu'il s'exerce une véritable tentation du vide.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
jeudi 24 janvier 2019
Volupté de l'insignifiance
La mort fait éprouver à l'homme l'indicible bonheur de n'être qu'un comparse.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Le carcajou, ce mal-aimé...
21 janvier. — « Parmi les espèces dont la voracité est telle qu'on peut les regarder comme véritablement insatiables, il faut citer en première ligne le glouton, animal qui se trouve dans quelques provinces septentrionales de la Suède : le nom de jerff qu'il porte dans ce pays, comme ceux de rossomack et de vielfrass qu'on lui a donné dans les langues slave et allemande, exprime sa gloutonnerie, laquelle dépasse toute croyance... Vient-il à rencontrer dans la campagne une bête morte, il commence aussitôt à la dévorer, ne se donnant point de relâche jusqu'au moment où son corps, tendu comme un tambour, est prêt de crever ; alors, s'il reste encore quelque chose de la proie, il cherche dans la campagne un lieu où des arbres aient poussé très près l'un de l'autre, il se pousse dans l'étroit intervalle qui sépare deux troncs voisins, et expulsant par cette rude pression une partie des aliments qu'il avait engloutis, il retourne vers le cadavre pour se gorger de nouveau. » (Olaüs Magnus, Histoire des nations septentrionales, Rome, 1555)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Dangers du mimétisme
Les suicidés philosophiques simulent si bien les pousses d'arbuste qu'il arrive que les horticulteurs les taillent avec un sécateur. Ou encore, ils se broutent entre eux, se prenant pour de véritables pousses d'arbuste, en sorte qu'on pourrait croire à une sorte de masochisme collectif aboutissant à l'homophagie mutuelle !
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Orthorhombicité du temps
Bientôt, la science nous apprendra que le temps est orthorhombique, et nous devrons nous prosterner devant cette évidence, pour fétide qu'elle soit.
(Luc Pulflop, Prière d'incinérer. Dégoût)
Cruauté de Commode
27 janvier. — « Aussi lâche que cruel, Commode laissa égorger ses ministres dans des séditions. Il fit tuer sa sœur Lucilla, sa femme Crispina, le grand jurisconsulte Salvius Julianus. Après avoir échappé au poignard de Quintianus et de Quadratus, au complot de Maternus, il fut prévenu par sa concubine Marcia, le chambellan Électus, et le préfet Lætus, qu'il destinait au supplice ; l'athlète Narcisse l'étouffa, après qu'on l'eut assoupi par un poison. » (Charles Dezobry et Théodore Bachelet, Dictionnaire général de biographie et d'histoire, Paris, Delagrave, 1866)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
mercredi 23 janvier 2019
Homomorphie
Les exemples d'homomorphie ne manquent pas dans la nature : les Anthocharis cardamines ressemblent à des ombellifères, les chlamys à des graines, les moenas à du gravier, les palémons à du fucus ; le poisson Phyloptérix, de la mer des Sargasses, n'est qu'une « algue déchiquetée en forme de lanières flottantes » 1, comme l'Antennarius et le Pterophryné. Mais il y a plus fort : l'homme du nihil rétracte ses tentacules, incurve son dos, accommode sa couleur, se recroqueville sur son « matelas-tombeau » et ressemble ainsi à un caillou !
1. L. Murat, Les Merveilles du monde animal, 1914, p. 37-38.
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
Âcreté philosophique
19 janvier. — « La philosophie communique aux choses de l'esprit une saveur nauséabonde, très désagréable, et qu'il est extrêmement difficile d'éliminer. Les acides végétaux, tels que le vinaigre et le jus de citron, d'une part, et l'eau bouillante légèrement alkalisée, de l'autre, sont les deux moyens les plus avantageux à employer dans cette circonstance. » (Ambroise Marie François Joseph Palisot de Beauvois, Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle, appliquée aux Arts, à l'Agriculture, à l'Économie rurale et domestique, à la Médecine, etc., Paris, Deterville, 1818)
(Barzelus Foukizarian, Journal ontologique critique)
Tentative de la dernière chance
Après avoir discuté avec Hosteen Frank Sam Nakai, l'homme du nihil décida, plutôt que de se tourner illico vers le taupicide, de se faire exécuter d'abord un « Chant du Sommet de la Montagne » afin de voir s'il pourrait retrouver hozho. Il serait toujours temps d'aviser ensuite...
(Théasar du Jin, Carnets du misanthrope)
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