lundi 17 mars 2025

De l'inconvénient d'être nez

 

Dans la nouvelle de Gogol, le nez de l'assesseur de collège Kovaliov est arrêté par la police au moment où il s'apprête à passer la frontière. Reste à le remettre en place, mais cela se révèle impossible malgré l'assistance d'un éminent médecin. Le nez est jeté au cachot où il meurt bientôt de chagrin. S'il avait pu se défendre... expliquer son cas... mais un nez !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Coulage latéral

 

Une consolation à la vieillesse est que les choses qu'on a perdues, on n'y croyait plus de toute façon. Il y a belle lurette qu'on n'est plus charmé par le « gracieux babil » des personnes du sexe. Quant à leur beauté, on ne le sait que trop, c'est un leurre — car elle coule par les côtés.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mystère

 

Comment se fait-il que tous les individus qui se piquent de culture soient d'insupportables idiots ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Plaisirs minuscules

 

Plus les années passent, plus nous devons nous contenter de plaisirs minuscules à la Delerm. N'est-ce pas ironique, si l'on considère l'aversion que nous avons pour cet auteur ? Le temps serait-il de mèche avec lui ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

dimanche 16 mars 2025

Reverdissement qui ne vient pas

 

Nous ne savons pas pourquoi, c'est peut-être que nous ne sommes pas né à Narbonne et n'avons pas fréquenté Guillaume Apollinaire ni Max Jacob, mais le passage du temps ne nous est pas propice. Au lieu de reverdir comme fit le poëte des Sources du vent, nous nous enfonçons dans une déchéance physique et morale !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Zibun

 

Luc Pulflop dit que personne ne veut être Soupault, et c'est exact mais il y a pis : personne ne veut être soi-même. Dans les deux cas — être Soupault ou être soi-même — cela signifie trop de déconvenues, d'humiliations et de souffrances inutiles. S'il faut être quelque chose, soyons le pronom japonais zibun — parce que ça au moins... c'est sans danger. Ou une pierre dure, mais alors rotacée.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Trop tard ?

 

Les jours où l'ambition nous ronge, nous aimerions, comme Ribemont-Dessaignes, composer du théâtre et de la musique qui anticipent les développements ultérieurs des thèmes de l'absurde et du recours à l'aléatoire. Mais en est-on capable ? Et n'est-il pas... trop tard ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Soupault : laid ou ?

 

La beauté est une notion éminemment subjective. Prenez Philippe Soupault. Certaines femmes le trouvaient laid quand d'autres le disaient « chou ». En fait, il n'était ni l'un ni l'autre. C'était juste un gars ; un gars comme un autre ; un surréaliste.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

samedi 15 mars 2025

Exécration de Gertrude Stein

 

Nous autres humains sensibles au Bien et au Beau, comment pourrions-nous sacquer Gertrude Stein ? Tout chez elle nous irrite. Nous lui en voulons d'avoir contribué à la diffusion du cubisme, de s'être acoquinée avec la fille Bétoclasse — ce nom ! — et d'avoir dit « génération perdue » pour parler des pauvres Hemingway et Scott Fitzgerald qui n'en demandaient pas tant. Pas, Dédé ?
— Ouais. Et la coupe ? T'as vu la coupe ? Mon vieux, elle paye ! La coupe de tifs !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Gauchissement de Gauchet

 

Michel Droit remarque à bon droit ou escient que La Révolution des droits de l'homme marque un gauchissement dans la pensée de Marcel Gauchet ; un genre de torsion, mieux dit : de vrillement.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mauvaise idée

 

Si votre bonne femme vous a trompé avec un garagiste de La Bourboule, il ne faut pas chercher à vous calmer en écoutant de l'Ennio Morricorne.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Lettrines de lapin


Julien Gracq a l'air de croire que toutes les pensées qui lui traversent l'esprit sont intéressantes. Il en fait même des livres qu'il publie et qu'il présente comme des « mosaïques de notes de lecture, de réflexions, de souvenirs ». Mais l'intérêt en est douteux, très douteux. Et puis... cela a un petit côté pédant qui irrite assez.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

vendredi 14 mars 2025

Surabondance de plasticiens

 

Dans ce « monde de néant », il y a trop de plasticiens. N'importe où que l'on pose le pied, on est sûr d'écraser au moins six ou sept plasticiens. Cette pléthore de plasticiens a quelque chose d'oppressant.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Non-interchangeabilité des concepts


Un proverbe africain dit qu'on n'oublie pas l'arbustre derrière lequel on s'est caché quand on a tiré sur un éléphant et qu'on l'a touché. Maintenant, remplacez l'éléphant par le philosophe Herbert Marcuse et l'arbustre par des amibes ou des paramécies, ce proverbe perd tout son sens.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Projet avorté

 

Dostoïevski avait un projet : devenir fou. Il l'avait conçu dès sa dix-septième année et s'en était alors ouvert à son frère, mais manque de chance ou quoi, il ne put jamais le réaliser entièrement. Il faut dire que sa bonne femme lui mettait des bâtons dans les roues en lui répétant qu'il devait faire bouillir la marmite et que s'il devenait maboule, ça n'allait « pas le faire ».
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Tricherie de Rée


Dans une course de vitesse, le deux-roues de Dominique, même révisé par Christian Bourgois, n'aurait eu aucune chance face au soldo de Paul Rée. En effet, bien cela fût strictement interdit, le philosophe allemand avait limé la culasse de son engin.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

jeudi 13 mars 2025

Scootérisme littéraire

 

Sur son deux-roues, prendre la direction de Vence pour rendre visite à Witold Gombrowicz. S'il est d'accord et s'il nous reste de l'essence, lui consacrer un Cahier de l'Herne.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Assez de pétaux

 

Les écrivains japonais font trop « jore ». Ils veulent à tout prix faire savoir au vulgum pecus qu'ils sont japonais. Ils farcissent leurs ouvrages de cerisiers dont les fleurs perdent leurs pétaux. Au bout d'un moment, cela fatigue et l'on aimerait que ces auteurs parlent de choses normales (non japonaises, sans cerisiers ni pétaux).
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Mélèze (dans la civilisation)

 

En 1966, au séminaire du Thor, Heidegger demande à Jean Beaufret ce que c'est que le mélèze. « Le mélèze ? Le mélèze est un résineux. Un conifère. Mais attention : à feuilles caduques. » Heidegger, comme frappé par un coup de tonnerre conceptuel, en déduit que le mélèze est une chose (ein Ding). Une chose ! Le mélèze !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Riding the Grévy train

 

Dans les années 1880, de quelqu'un qui gagnait de l'argent sans se fatiguer, on disait qu'il voyageait dans le même train que le président Jules Grévy.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mercredi 12 mars 2025

Langue analytique de Wilkins

 

Dans son ouvrage An Essay towards a Real Character and a Philosophical Language paru en 1668, John Wilkins tente de définir une langue universelle qui puisse « organiser et embrasser toutes les pensées humaines ». Il divise l'univers en six catégories ou genres et assigne à chaque genre une syllabe de deux lettres. Les genres qu'il retient sont : le vrai, le faux, le laid, le beau, le dur et — c'est à peine croyable — le mou qui a un grand cou.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Flatulences littéraires

 

Ces écrivains... Chez Amin, ça loufe, et chez Nathalie, ça rôte. Gaz partout, talent nulle part.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Preuve du libre arbitre

 

On a ironisé sur les philosophes qui, tel Bossuet, ont cru prouver la liberté en attestant que leur sœur était capable de mouvoir sa main vers la droite ou vers la gauche dans la culotte du zouave du pont de l'Alma. Mais ces philosophes n'avaient peut-être pas tort !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Lundi matin


Une personne férue de préhistoire et de physique atomique n'imaginera pas sans émotion André Leroi-Gourhan et Louis Leprince-Ringuet venir chez elle un lundi matin pour lui serrer la pince. Pouvoir discuter d'art pariétal et de gluons ! Avec deux spécialistes ! Un lundi matin !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

mardi 11 mars 2025

Crainte infondée du président Grévy

 

Chaque fois que le président Grévy se rendait en Grande-Bretagne, il avait peur que les autochtones ne profitent de sa débonnaireté pour l'incorporer à un ragoût ou à de la purée de pommes de terre. Mais cela n'arriva jamais et il put toujours regagner la France sain et sauf.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Une mélancolique désintégration

 

Proche cousin du gluon, le pion joue un rôle important dans la cohésion du noyau atomique. Les pions chargés, en se désintégrant, produisent des muons. Cela inspire au voyageur des sentiments mélancoliques, et même de l'horreur.
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Sensationnel

 

Quel choc ne recevons-nous pas lorsque nous apprenons que Menéndez y Pelayo sont en réalité une seule et même personne ! Les auteurs de l'admirable Histoire de la poésie hispano-américaine ! C'est à ne pas croire !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

Des moxas pour Bartleby

 

Le Bartleby de Melville présente des symptômes qui s'apparentent à ceux d'une maladie de type viral : fatigue extrême, fièvre, gêne respiratoire, courbatures, céphalées. Si on lui appliquait d'énergiques moxas, peut-être reprendrait-il du poil de la bête ? Peut-être arrêterait-il de dire qu'il préfère ne pas ?
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)

lundi 10 mars 2025

Multiplication du peintre Dix

 

Revenu de l'enfer des tranchées, le peintre Otto Dix dut se multiplier. Il y avait tant de tableaux à faire sur les horreurs de la guerre !
 
(Gilbert Garistre, Aveux et anatropes)