vendredi 2 décembre 2022

Vie simple

 

« Être un ermite chinois et se retirer sur une montagne froide... Trouver son bonheur dans la voie de la vie quotidienne... Caguer parmi les nuages et, une fois son affaire faite, se torcher le fondement avec des rochers et du lierre brumeux... Ah ! Quel délice ! » (Les trente-trois délices de Louis Ribémont, Trad. de Simon Leys)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Une créature chthonienne

 

Il y a chez la femme quelque chose de chthonien. Elle a beau déployer d'immenses efforts pour paraître céleste, on reconnaît à mille détails qu'elle appartient au monde souterrain. Son corps, de couleur bleutée à gris-noir, est composé d'un protoplasme flasque et caoutchouteux. Elle creuse des tunnels dont les parois sont couvertes d'une sorte de lave vitrifiée. Mais surtout, ce qui trahit son caractère chthonien, c'est son appétence pour les infernaux « magazines féminins ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cénotaphe scatozigreste

 

Si l'œuvre d'un écrivain constitue son cénotaphe, alors c'est la plupart du temps un cénotaphe scatozigreste.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

jeudi 1 décembre 2022

Alternative à l'autolyse

 

Quand ça ne va pas fort — quand ça ne « boume » pas —, il n'y a pas que le suicide. On peut aussi aller au musée de l'Homme regarder des crânes et des masques. — À condition d'être dans le coin, c'est-à-dire.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Existentialisme

 

Le véritable existentialiste ne se trémousse pas dans les caves de Saint-Germain-des-Prés. Il n'écoute pas de jazz ni ne se pâme aux mélopées de la fille Gréco. Non, mes amis. Le véritable existentialiste, au contraire, se livre à des macérations continuelles. Il a une « écharde dans la chair ». Il ne peut oublier sa Némésis, une bourrelle du nom de Régine Olsen, qui est devenue pour lui le symbole de l'existence même (et suave).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Rétribution

 

Il y en a qui parlent de l'absurde et on leur donne le prix Nobel. Pour corroborer leur thèse ? D'autres qui parlent du Rien et on leur donne peau de révérence parler zob. Pour la même raison ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Lèpre intérieure

 

Pareil au cagot, le nihilique est atteint d'une « lèpre intérieure ». Dans son cas, cette « lèpre intérieure », c'est l'idée du Rien — la pensée que « rien n'est ». On devrait d'ailleurs dire la sensation du Rien, car comme idée, elle ne vaut pas cher.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mercredi 30 novembre 2022

En lisant, en écrivant

 

Écrire n'a d'intérêt que si on le fait pour dire du mal de l'existence. Alors, c'est thérapeutique. Sinon ça ne sert à rien, c'est juste bon à ennuyer le populo. Lire, c'est pareil. On lit pour trouver confirmation que l'existence n'est qu'une grosse tourte de m... L'âme humaine, on la connaît assez, merci.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Supériorité du minéral

 

Il est peut-être vrai, comme le prétend le Grandiloque, que « celui qui n'a jamais envié le végétal est passé à côté du drame humain ». Mais se faire grignoter par des doryphores ou autres bestioles, merci bien ! Non, non, plutôt le minéral.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Abélard à Loches

 

Vers 1095, Pierre Abélard abandonne le foyer familial et l'oppidum du Pallet pour se consacrer aux lettres, « échangeant les armes de la guerre contre celles de la logique ». Il rencontre à Loches le chanoine Roscelin, philosophe du nominalisme. Othon de Frisingen, ancien élève d'Abélard dans les années 1130, le confirmera dans sa chronique : « Il eut d'abord pour précepteur un certain Roscelin qui, le premier dans notre siècle, introduisit dans la logique le système nominaliste. » Abélard rencontra-t-il à Loches la célèbre Madame Bellepaire, connue pour « avoir de la conversation » ? Othon de Frisingen ne le précise pas.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Trop grave la vie

 

Qu'il est difficile de vivre quand on souffre d'angoisse kierkegaardienne... Cette oppression... Et cette sensation de vertige à la simple pensée qu'on va devoir se livrer à une « action »... Pire que tout, une « action » impliquant un contact avec le « monstre bipède »... Non, parole, ce n'est pas marrant.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

mardi 29 novembre 2022

Bartlebification de l'étant

 

Commettre l'homicide de soi-même n'implique pas nécessairement de faire gicler le sang sur les murs. On peut se suicider « à la papa ». On respire toujours, mais on ne participe plus à « tout ça ». On a rendu son tablier. C'est ce qu'on pourrait appeler la « bartlebification de l'étant existant ». Satisfaction guaranteed or your money back.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Nostalgie du minéral

 

À côté d'un rotond caillou, tout paraît inopportun, mal venu.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Gage de tranquillité

 
Pour échapper aux complications de l'amour et de l'amitié, être une personne déplaisante, c'est encore ce qu'il y a de mieux. Sinon, il y a toujours la solution de puer des pieds (ou de la gueule) — mais ce n'est pas donné à tout le monde.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Poubelles de la littérature

 

Voici Hugo. Tout le monde l'adore parce qu'il a écrit les Misérables, Notre-Dame de Paris et tout un tas de conneries du même acabit. Et voici Antonin Artaud dit le Mômo. Lui a écrit l'Ombilic des limbes et personne ne peut le blairer.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

lundi 28 novembre 2022

Portrait craché

 

« Être un homme corrosif, avoir en soi une volonté d'acier, une haine de diamant, une curiosité ardente de la catastrophe, et ne rien brûler, ne rien décapiter, ne rien exterminer ! » — Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est pas le « Grandiloque des Carpates » qui a écrit ces lignes, mais le pénible Hugo. Pour une fois : bien dit, Victor ! Tu nous as bien peint. Pas un mot à changer (sauf peut-être la volonté d'acier).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Friends

 
L'amitié. N'est-il pas étrange qu'un concept aussi contraire à la nature humaine jouisse d'un tel crédit ? Pour stupide que soit le monstre bipède, il ne peut pas ignorer qu'autrui est un faux jeton patenté. S'il s'évertue nonobstant à avoir des « amis », c'est parce qu'il cherche chez eux la confirmation de sa propre existence. IL A LA FROUSSE, LE SALOP !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Cumulard

 

D'après La Rochefoucauld, un homme à qui personne ne plaît est bien plus « malheuleux » que celui qui ne plaît à personne. Que dire alors de celui qui cumule !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Désespoirs (métaphysique et autre)

 

Le « désespoir métaphysique » permet encore au « désespéré » d'agencer de belles phrases et de faire le malin. Mais le désespoir qui accompagne la mort d'un animal de compagnie tendrement aimé (par exemple une gerbille de Mongolie), ce désespoir-là vous ôte pour toujours le goût de faire des phrases (sur l'être, le néant, et tout ce qui s'ensuit).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

dimanche 27 novembre 2022

La mort

 

Vu la façon dont les choses se goupillent dans ce « monde de néant », il serait peut-être sage de ne s'attacher à rien, quitte à trouver le temps long. En tout cas, à rien de vivant. Car n'importe la créature à laquelle vous vous attacherez — fût-ce un simple perroquet —, on vous la prendra tôt ou tard. La mort, la mort, la mort, la mort !

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Mousserons du doute

 

Quand, dans les Frères Karamazov, le père Théraponte demande : « Et les mousserons ? », ne croirait-on pas entendre Sextus Empiricus disserter sur le « ou mâllon » (Esquisses pyrrhoniennes, I, 188) qui signifie dans le vocabulaire du scepticisme « pas plus ceci que cela », ou « pourquoi ceci plutôt que cela » ? 

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Espadrilles

 

Quand on a la conscience d'être un raté, un « homme de trop », on peut aussi bien porter des espadrilles (tant qu'à faire, autant y aller carrément).

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Incroyable coïncidence

 

C'est un coup du sort étrange : tous les hommes dont on a ouvert le crâne avaient un cerveau, et non seulement ça, mais leur cerveau ressemblait à s'y méprendre à une tête de chien couché.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

samedi 26 novembre 2022

De la certitude

 

Ludwig Wittgenstein, à force de pratiquer le doute systématique, en était arrivé à se demander si cette chose qui pendait au bout de son bras était bien réellement sa main. Mais la maladie emporta le philosophe quelque temps après, et l'affaire fut ainsi réglée.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Orthodoxie

 

Ô starets Zosime ! Et toi, higoumène Paphnuce ! (interrompu)

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Bourrelles

 

À qui se complaît dans le malheur, la femme offre des perspectives quasi illimitées.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Littérature comparée

 

Tolstoï est peut-être un meilleur styliste que Dostoïevski, mais son personnage d'Anna Karénine n'arrive pas à la cheville de Sonia Marmeladova quand il s'agit d'évoquer une purée de fruit sucrée et épaisse, par exemple une compote préparée avec de la pulpe de coing.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

vendredi 25 novembre 2022

Fantôme

 

« Autrui lévinassien ! J'ai crié avec toi, j'ai pleuré avec toi. Que ne puis-je arriver à croire en ta vie ? » s'écrie le nihilique, s'inspirant peu ou prou de Benjamin Fondane.

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)

Fard rouge

 

Pour faire bonne figure au « bal masqué du néant », l'écrivain allemand Ernst Jünger préconise de s'appliquer du fard rouge, confirmant ainsi qu'il est un « bredin ».

(Louis Ribémont, Mémoires d'un gluon)