samedi 29 septembre 2018

Accouplements monstrueux


Plutarque, au Livre II de ses Paradoxes, assure avoir appris d'Aristote que le fils de Démostrate, Aristonyme Éphésien, avait une si grande aversion pour les femmes qu'il s'accoupla avec une ânesse, qui mit plus tard au monde une fort belle fille qu'on nomma Onoscelis, c'est-à-dire « qui a des jambes d'âne ». Il rapporte aussi l'anecdote selon laquelle, pendant la guerre des Marses, une femme nommée Alcippe accoucha d'un éléphant. Jean Palfyn, dans son Traité des monstres publié à Leyde en 1708, exprime son incrédulité en ces termes : « Comment un si gros et si grand animal pourroit-il avoir à faire avec une femme ? et comment une femme oseroit-elle se soumettre à une telle bête ? et pourroit-elle ne pas étouffer sous le poids d'une si prodigieuse masse ? » Englobant dans sa critique le fameux Del Rio qui prétendait que les monstres qui furent pris dans les forêts de Saxe en l'an 1240 et qui avaient la face à moitié humaine étaient nés d'un accouplement illicite de l'homme avec les bêtes, il ajoute : « Encore moins luy accorderois-je qu'un lion engrossa une femme de Suisse, dont elle accoucha aussi d'un lion : avec quelle confiance une femme entreprendra-t-elle de se mettre sous un lion ? Il faut dire la même chose de cette femme de Pavie qu'on dit être accouchée d'un chat. Car comment est-ce qu'un chat aura pu glisser son membre qui est si menu dans la nature d'une femme ? » — Cela paraît invraisemblable, en effet, et pourtant, « il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en rêve votre philosophie ». L'homme du nihil lui-même, malgré son pessimisme renforcé, ne tomba-t-il pas sous la coupe d'« une mégère difforme au faciès d'hippopotame » 1 ?

1. Voir à ce sujet le témoignage de Gragerfis dans son Journal d'un cénobite mondain.

(Johannes Zimmerschmühl, Pensées rancies et cramoisies)

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