vendredi 29 octobre 2021

Un sacré pastis

 

Drôle de chose que la vie ! Le vent violent du « flux temporel universel » bergsonien couche les lavatères, la « nécessité logique » hégélienne écrase le sujet pensant comme ferait une énorme valise en cuir de vache, et la mort vient achever le travail. Rien ne dure, tout est abîmé...

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 28 octobre 2021

Discrétion suprême

 

En ingérant du taupicide, le suicidé philosophique porte à son plus haut degré cet « art du sage de passer inaperçu dans la foule » dont parle Sénèque.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 27 octobre 2021

Chauve qui peut

 

« Alopécie ! Morne antichambre de la mort ! Les hommes, malgré l'excellence de leurs méthodes, ne sont pas encore parvenus à mesurer la profondeur vertigineuse de tes abîmes. Nonobstant que tu m'affliges, je te salue, alopécie ! » (En revenant de chez le fratrès)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 26 octobre 2021

Crotte à Bergson

 

Selon le psychologue américain John Tussord, « l'homicide de soi-même est le moyen par excellence d'échapper au flux et au reflux des états de conscience bergsoniens ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 25 octobre 2021

Un pou

 

On ne s'exprime jamais que par faiblesse ou pour « faire le malin » c'est-à-dire pour promouvoir son « odieux Moi ». C'est avec raison qu'Ænésidème voit dans l'écriture « l'activité humaine la plus répugnante » et qu'il appelle l'écrivain « un pou ». — Roman, poésie, essai philosophique : plus encore que l'ordure, — au rebut ! Aux doubles-vécés !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 24 octobre 2021

Cuistrerie

 

En employant des mots à suffixe tels que mortifère et criminogène, le monstre bipède veut faire étalage de sa sophistication, mais il ne fait en vérité qu'afficher sa bêtise crasse — qui est d'ailleurs une partie intégrante de sa monstruosité bipède.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 23 octobre 2021

Oxygène de la possibilité

 

S'il n'y avait que les animaux, les végétaux et les minéraux — autrement dit la « réalité empirique » —, la terre serait tout à fait inhabitable. Heureusement, il y a aussi le vocable reginglette.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 22 octobre 2021

Feu

 

« Mon vieux Mimile, Lao Tseu dit qu'il ne faut dépendre de rien ni de personne. Que c'est une condition nécessaire pour que le Moi puisse "exulter dans sa solitude circulaire".
— Mais enfin, Dédé ! C'est impossible ! On est toujours dépendant de quelque chose.
— Pas du tout. Il suffit d'être, comme on dit, "décédé".
— Tu veux dire décidé ?
— Non. Décédé. Mort. Défunt. Feu.
— Ah. Feu. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 21 octobre 2021

Un semi-échec

 

La mort est la plus excellente des farces. Mais en général, celui qu'elle aurait dû désopiler ne rit pas ou presque pas — du fait qu'il est, comme on dit, « décédé ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 20 octobre 2021

Morphosyntaxe et homicide de soi-même

 

Selon Gragerfis, on peut, en ingérant du taupicide ou en se pendant avec une ficelle attachée à un crochet fixé dans le mur ou au plafond, établir de façon convaincante que les règles qui régissent la morphosyntaxe spécifique du verbe être au sens d'« exister » ne représentent qu'une application particulière des règles générales qui gouvernent la morphosyntaxe de ce même verbe au sens de « se trouver ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 19 octobre 2021

Par qui ?

 

Dans sa Théorie du trop-plein, l'existentialiste puydômois Edmond Chassagnol définit la vie « une aventure malplaisante destinée à donner à l'homme la nostalgie du non-être ». Mais une aventure infligée par qui ? Quel démiurge pervers peut-il bien s'amuser de la sorte ? Voilà ce qu'il faudrait savoir et que Chassagnol ne nous dit pas !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 18 octobre 2021

Chaussettes

 

Jeune, on rêve d'une vie héroïco-tragique, imbue d'une poésie sublime, ornée de danses et de chants. Puis l'on s'aperçoit que la vie réelle n'est faite que de détails sordides et de trivialités misérables (par exemple les chaussettes). La déception « fait alors trembler la voix du sens, selon un grondement d'apocalypse qui semble s'éteindre dans la clameur de sa propre fin » (Gragerfis).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 17 octobre 2021

Preuves vivantes

 

Ce que dit Gabriel Marcel à propos du Christ, on peut également le dire — de façon au moins aussi convaincante — à propos du Rien : il y a des êtres chez lesquels on sent la réalité du pachynihil tellement vivante qu'il n'est pas permis de douter.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 15 octobre 2021

Moments merveilleux

 

D'après Gragerfis, l'écrivain Roger Martin du Gard, un jour qu'il était « gonflé à bloc », aurait déclaré que « la vie est un amalgame saugrenu de moments merveilleux et d'emmerdements ». Et l'hypocondriaque Gragerfis de se demander, dans son Journal, à quels « moments merveilleux » Martin du Gard pouvait bien faire allusion, vu que selon lui (Gragerfis), « des moments merveilleux, dans la vie, il n'y en a pas plus que de beurre au prose ». Il conclut en traitant l'auteur des Thibault de « bougre » et de « couille molle ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 14 octobre 2021

Nuance

 

Quoique désespéré autant qu'on peut l'être, l'homme du nihil refuse de se dire malheureux. Il est, selon ses propres termes, « malheuleux » (c'est pire).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 13 octobre 2021

Plus beau des arts

 

« Homicide de soi-même ! Le plus beau des arts ! Dix grammes de taupicide (en une seule prise), et nous voilà tout proches de la divinité. » (Guillaume Apollinaire, La Femme assise)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 12 octobre 2021

Imposture nihilique

 

Quand on ne peut à aucun prix acquérir certaine chose — par exemple l'« être » mais il peut aussi bien s'agir d'un presse-purée —, le plus simple n'est-il pas de prétendre que cette chose n'existe pas ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 11 octobre 2021

In illo tempore

 

Le pithécanthrope était sans doute aussi affreux que l'actuel « monstre bipède » mais il faisait à coup sûr moins de simagrées. Contrairement à son descendant, il assumait son affreuseté et ne cherchait pas à s'en faire accroire en niant son appartenance au règne animal. Mais surtout, SURTOUT : il ne créait pas de concepts !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 10 octobre 2021

Interlude

 

Le chanteur Serge Lama, pour ne pas rester « seul avec son désespoir », se plonge dans l'Océanographie du Rien de Raymond Doppelchor.

samedi 9 octobre 2021

Lunatisme gidien du nihilique

 

Une immense pitié et un immense dégoût : voilà les sentiments qu'inspire le « monstre bipède » à l'homme du nihil. Un jour c'est la pitié qui l'emporte, un autre jour le dégoût — selon qu'il y a de la lune ou qu'il n'y en a pas.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 6 octobre 2021

Consolation par le vocable

 

Rien ne nous console de la misère d'exister, si ce n'est la beauté de vocables tels que reginglette et forcipressure dont la folle poignance nous fait « entrevoir l'essentiel » (comme dirait Cioran).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 5 octobre 2021

Puanteur

 

Le nihilique transporte partout avec soi le cadavre de la réalité empirique, et comme ce dernier finit par sentir, on ne l'invite plus dans les coquetèles — mais le nihilique, qui s'est habitué à l'odeur, ne comprend pas pourquoi. 

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 4 octobre 2021

Chimie organique et homicide de soi-même

 

Le chimiste Kekulé von Stradonitz, connu pour avoir découvert la formule développée du benzène, nécessite une solide enquête.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 3 octobre 2021

Interprétations divergentes


Lao Tseu prétend que la solitude est une prison. Mais Gragerfis dit qu'il se trompe et que c'est plutôt une tête de chien couché.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 2 octobre 2021

Comparaison culinaire

 

Comme le gaspacho andalou, l'homicide de soi-même est un plat qui se mange froid.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 1 octobre 2021

La nausée

 

« Alors, mon vieux Mimile, ça boume  ?
‒ Ah, Dédé ! Si tu savais ce qui m'arrive ! J'étais assis sur le banc devant ma maison, je regardais les racines du marronnier, et tout à coup, voilà que j'accouche d'une drôle d'idée... l'idée qu'il y aurait comme qui dirait... nib.
‒ Comment ça, “nib‟ ? Mais... et la réalité empirique ?
‒ Nib, je te dis. Peau de balle. Queutchi.
‒ Eh bien... mais... Ça alors !
‒ Asteure, cette sacrée idée m'est entrée dans le ciboulot, j'enfonce dans la bouillasse, et y a rien qui tienne. Non, je te jure, je me sens pas bien, je crois que je vais rendre.
‒ Saperlipopette ! Accroche-toi, mon vieux Mimile ! »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 30 septembre 2021

Un vocable pernicieux

 

« Ah ! Monsieur, on ne se méfiera jamais assez du vocable zingibéracé. Il prépare immanquablement le règne de la confusion, de l'anarchie, et de toutes les déviations mentales et sentimentales. » (Marcel Aymé, Le Confort intellectuel, 1949)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 29 septembre 2021

Un démiurge sarcastique

 

Dieu créa l'homme du nihil et, ne le trouvant pas assez seul, il créa le « monstre bipède » pour lui faire mieux sentir sa solitude.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 28 septembre 2021

Lucidité et homicide de soi-même

 

Il est sans doute vrai, comme le soutenait l'écrivain antiphysique Jouhandeau, que « beaucoup de suicides ne sont dus qu'à une minute de lucidité ». Mais que dire de ce long suicide dilué qu'est la vie de l'homme du nihil ? Quand la minute de lucidité se prolonge, on est paralysé. — Terrible !

(Fernand Delaunay, Glomérules)