lundi 7 mars 2022

En marche vers le néant

 

Flaubert pensait avoir tout vu en matière de bêtise, mais je t'en fous : à son époque il n'y avait pas de « marcheurs ».

dimanche 6 mars 2022

Un grincheux


L'homme du nihil est de ces tristes personnages qui ne se sentent bien — et encore, c'est beaucoup dire — que lorsqu'ils disent du mal de quelque chose ou de quelqu'un, ou encore — cas plus épineux nécessitant l'emploi de fractions continues —, de l'« être » en général.

(Fernand Delaunay , Glomérules)

samedi 5 mars 2022

Sous le joug

 

Le philosophe viennois Otto Weininger, un jour qu'il était « gonflé à bloc », aurait déclaré que la femme, non contente de n'avoir pas d'âme, était « sous le joug du phallus ». Il est tout à fait possible que cela eût été vrai à son époque, mais à la nôtre, tout porte à croire que c'est plutôt l'homme qui est sous le joug de la « mijole » — sans parler des « biberons Robert » et du fondement (de l'historialité du Dasein).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 4 mars 2022

Et on tuera tous les affreux

 

L'homme du nihil est résolument favorable à la peine de mort car, primo, il est vindicatif en diable, deuzio, « ça ne peut pas faire de mal », et tertio, il n'a jamais pu souffrir les « belles âmes ». Comble de jusqu'au-boutisme nihilique, il préconise même de se l'infliger à soi-même !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 3 mars 2022

Inimaginable

 

Imagine-t-on un seul instant la question de la réalité du « réel » mise en examen (par le vulgum pecus) ? Non. Bien sûr que non.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 2 mars 2022

Projet avorté

 

Gragerfis prétend que, soucieux de toucher un plus large public, l'homme du nihil caressa un temps l'idée d'écrire un livre de témoignage « choc, vrai et immersif » intitulé J'ai joué au ping-pong avec Roland Jaccard (et aux petits chevaux avec Linda Lê). Mais d'une part, les éditeurs pressentis trouvèrent ce titre trop long, d'autre part, son à-quoi-bonisme ne tarda pas à reprendre le dessus et l'empêcha de mener ce projet à bien.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 1 mars 2022

Conjungo

 

Un sceptique patenté ne devrait jamais épouser quelqu'un qui ne l'est pas. À vrai dire, il ne devrait épouser personne. À vrai dire, personne ne devrait épouser personne. L'autrui du philosophe Levinas est par trop épouvantable.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 28 février 2022

Une panade saugrenue

 

À l'homme du nihil, la vie fait l'effet d'un cheval traduit en hollandais (comme faisait l'âne à Lichtenberg, paraît-il).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 24 février 2022

Parlez-moi d'amour

 

La femme ne s'investit jamais à cent pour cent dans une « relation sentimentale ». C'est d'ailleurs pour cela qu'elle a une grande facilité à « tourner la page » (comme elle dit). Elle aime tourmenter, mais se lasse (plus ou moins vite) de tourmenter la même personne. Elle aime le changement. Par-dessus le marché, comme l'a bien vu Weininger, elle n'a pas d'âme. Quant à l'homme, c'est une autre histoire : c'est un couillon — et nous ne faisons pas ici référence au chef cuisinier Alexandre Couillon qui, avec son épouse Céline, dirige le restaurant La Marine à Noirmoutier.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 23 février 2022

Physique atomique

 

La « matière », ainsi que l'appellent les physiciens, plonge l'homme du nihil dans une grande perplexité. Il ne sait pas si c'est du lard ou du cochon. Encore et toujours, il se heurte à la sempiternelle question : qu'y a-t-il de réel dans le « réel » ? Il est à la fois un « indéterminé du proton » et un « inquiet du noyau ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 21 février 2022

Margoulins

 

Il est dit dans le Psaume 32 qu'est heureux l'homme « dans l'esprit duquel il n'y a pas de fraude, fiscale ou autre ».

dimanche 20 février 2022

Coup de sang

 

L'homme du nihil est d'un naturel débonnaire et il en faut beaucoup pour le faire sortir de ses gonds. Mais quand on lui parle de vivre, il voit rouge.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 19 février 2022

Page de journal

 

« 30 avril, 22 heures 35. — Cioran commence à me saouler, avec son “irréparable”. Quelle grandiloquence, ma parole, et quel manque de tact, chez ce Roumain ! Tu appuies trop, mon ami ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 18 février 2022

In illo tempore

 

L'homme du nihil raconte que dans son enfance, le boueux empoignait la poubelle à main nue, la hissait sur son épaule, et en déversait le contenu dans une carriole tirée par un tracteur ou par un « bourrineau ». À la fin de sa tournée, le boueux vidait la carriole dans un énorme trou creusé à la sortie du village : le dépotoir. On n'avait pas encore inventé les « déchetteries », en ce temps-là. Les hommes étaient plus proches de la nature, moins chochottes, et par conséquent moins névrosés. Des « déchetteries » !!! — « Ô boueux de mon enfance ! Qu'êtes-vous devenus ? », s'exclame, pathétique, l'homme du nihil (au dire de Gragerfis).

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 17 février 2022

Vengeance !

 

Le Grandiloque des Carpates a raison de dire que le désir de vengeance est ce qu'il y a de plus profond dans l'être humain. Pourquoi écrirait-on, autrement ? Certes, les mots sont dérisoires, mais quel autre moyen avons-nous de nous venger du réel (et des bourrelles qui l'infestent) ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 16 février 2022

Weniger Licht !

 

Les seules personnes à peu près supportables sont celles qui fuient toute forme de reconnaissance (à commencer bien sûr par les applaudissements). — Félicite-t-on un porcus singularis, un bigaradier ou une biscotte confiturée d'être ce qu'ils sont ?

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 15 février 2022

Besoin de rien

 

La mère de l'homme du nihil, quand quelqu'un frappait à sa porte, commençait par dire à l'importun qu'elle « n'avait besoin de rien ». Et elle lui refermait la porte au nez sans même s'enquérir de ce qu'il voulait. Eh bien, l'homme du nihil, c'est pareil : il n'a besoin de rien. Juste qu'on le laisse une bonne fois tranquille. Il en a soupé de la méchanceté des hommes.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 13 février 2022

Un chalumeau pour le rouquemoute

 

« Cioran dit qu'il lui a fallu toute une vie pour s'habituer à l'idée d'être rouquin. Or il ne l'était même pas !
— Il a dit roumain, pas rouquin.
— Oh. »

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 10 février 2022

Façons de vivre

 

Pour vivre, il est constant — cela a été souligné par maints moralistes, notamment le « Grandiloque des Carpates » — qu'il faut n'avoir aucun sens du ridicule. Cependant, si l'on est affligé de ce sens, qu'on n'arrive pas à l'étouffer, et que pour une raison x ou y on veut quand même vivre, il existe une solution : faire le clown — c'est ce que Dostoïevski appelle « l'existence ironique ». — Nota bene : Il y a bien aussi l'homicide de soi-même, mais cette option n'entre pas en ligne de compte puisqu'elle ne permet pas à proprement parler de « vivre ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 7 février 2022

Du beau ! Du sublime !

 

Quand quelqu'un s'avise de qualifier une œuvre — par exemple un arrangement de mots — de « sublime », on peut parier sans risque de se tromper qu'il s'agit soit d'un crétin soit d'un lèche-cul (les deux ne sont pas incompatibles). — Je t'en foutrai du « sublime », moi, tuouaouar ! Salop ! Peau de fesse ! Nerf sciatique ! Grosse vache !

(Fernand Delaunay, Glomérules)

dimanche 6 février 2022

À propos de bottes

 

Le nihiliste russe Dmitri Pissarev, un jour qu'il était « gonflé à bloc », aurait déclaré qu'une paire de bottes valait mieux que les œuvres de Pouchkine et de Shakespeare réunis. L'homme du nihil n'a rien à redire à cela, mais il considère pour sa part qu'une paire de bottes, ou même de simples chaussons, vaut mieux que la réalité empirique en général (y compris, bien sûr, les œuvres de ces deux ballots). Il est vrai que les bottes — ou les chaussons — font aussi partie de la réalité empirique, mais passons : c'est juste « histoire de dire ».

(Fernand Delaunay, Glomérules)

samedi 5 février 2022

Ataraxie

 

Sextus Empiricus se trompe : suspendre son jugement n'est pas suffisant pour parvenir à la tranquillité de l'âme. Il faut aussi suspendre tout le reste, par exemple au moyen d'un nœud coulant qu'on a fixé au portique d'entrée du potager. Il est notoire que l'homicide de soi-même, en annulant les interactions avec la réalité empirique, permet d'atteindre une quiétude semblable à celle qui, chez les stoïciens, résulte de la connaissance du mouvement de l'univers, animé par un air chaud — le pneuma — dans un processus infini et cyclique d'inspiration et d'expiration.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 4 février 2022

Page de journal

 

« 3 avril. — Ce soir, en rentrant, le vocable hystricognathe, sorti spontanément de ma bouche, a rempli l'appartement — puis l'univers tout entier. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)
 
(Fernand Delaunay, Glomérules)

mercredi 2 février 2022

Une lugubre excursion

 

« Promenade, ou plutôt errance, à l'intérieur de ma pachyméninge — dire qu'on peut si près de Paris trouver des paysages aussi mélancoliques ! » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

mardi 1 février 2022

Réfutation du pachynihil

 

La douleur presque insupportable qui émane d'un panaris (ou d'une rage de dent, ou d'une colique néphrétique, etc) témoigne contre la souveraineté du Rien.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

lundi 31 janvier 2022

Musique céleste

 

« Chaque fois que j'entends du Michel Fugain, je me dis qu'il est impossible que tout soit apparence. Il faut qu'il y ait autre chose. Et puis, le doute me reprend. » (Stylus Gragerfis, Journal d'un cénobite mondain)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

Végéta voit son rêve d'immortalité s'envoler

 

« Dans le néant pénible où je végète, il n'y a place ni pour ceci ni pour cela. Ni pour l'art, ni pour la science, ni pour la philosophie. Il y a place pour peau de zob, en fait. » (Marcel Bigeard, Mon baroud dans le réel)

(Fernand Delaunay, Glomérules)

vendredi 28 janvier 2022

Bovarysme

 

Si les bonnes femmes étaient moins cruches, si elles arrêtaient de croire au « bonheur » (rien qu'à écrire ce mot on est embarrassé), il y aurait sûrement moins de souffrance en ce monde.

(Fernand Delaunay, Glomérules)

jeudi 27 janvier 2022

Un imposteur (suite)

 

Un homme que taraude incessamment l'idée du Rien, on ne l'imagine pas choisir une cuillère en bois dans un grand magasin. Pourtant, le 8 octobre 1963, le « négateur universel » Émile Cioran... — Mais laissons cela. Inutile d'insister, ce serait trop cruel.

(Fernand Delaunay, Glomérules)