« Quand j'entends le mot vivre, je sors mon revolver ou du poison. » (Luc Pulflop)
lundi 14 mai 2018
Crise du bouc
Manquant d'appuis solides, Heidegger se voit refuser pendant l'été 1916 le poste stable qu'il convoitait à Fribourg. Ce camouflet, dont il tient pour responsables un groupe d'universitaires catholiques qui ne goûtent guère ses attaques voilées contre la Sainte Trinité — c'est ainsi qu'ils voient ses tentatives d'« unifier l'Être » —, provoque chez lui une déception analogue à celles qu'avait suscitées son renvoi du noviciat puis de la faculté de Théologie.
Trouvant « la vie odieuse et les hommes méchants », il traverse alors une grave crise existentielle — ou, selon lui, « existentiale ». Plusieurs personnes lui ayant laissé entendre que son visage était un peu terne, il se demande s'il ne devrait pas « se laisser pousser le bouc ». Mais sa fiancée Elfride Petri, qu'il a rencontrée deux mois plus tôt dans un cours de « danse de salon ontologique », ne l'entend pas de cette oreille et lui lance un ultimatum sans équivoque : « C'est moi ou le bouc ».
Il renonce au bouc et se résigne à « aller vers la mort » affublé d'une petite moustache en brosse à dents.
(Jean-René Vif, Scènes de la vie de Heidegger)
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